France: Le Figaro à son tour publie un dossier sur les Evangéliques

En cette date anniversaire de la loi de séparation entre l’Eglise et l’Etat, le Figaro publie après le Monde un dossier consacré aux évangéliques. Le quotidien parisien donne entre autres choses la parole à l’historien Sébastien Fath chargé de recherche au Groupe de sociologie des religions et de la laicité (GSRL) à l’occasion de la sortie de son livre «Du ghetto au réseau. Le protestantisme évangélique français» aux Editions Labor et Fides (2005).


Sébastien Fath : «Une tradition de diversité» - Pour ce chercheur, les évangéliques donnent des racines populaires au protestantisme français.


Le FIGARO. – Le phénomène évangélique est-il une rupture dans la tradition protestante ? 


Sébastien FATH. – Le protestantisme a toujours connu ce phénomène de création d'Eglises. A la différence des catholiques, l'Eglise n'est pas pour les protestants une institution sacrée. Elle est purement fonctionnelle, instrumentale. Chaque fidèle est libre d'en changer à sa guise, autant que nécessaire. Le développement des Eglises évangéliques ethniques en France, depuis une trentaine d'année, s'inscrit dans cette tradition de diversité. 


Un fossé culturel sépare les protestants historiques des évangéliques. Est-il possible de le combler ?


Je suis assez réservé sur cette notion d'Eglise historique, fréquemment employée. Les Eglises évangéliques existent en France depuis le XIXe siècle. Pour autant, il est possible d'établir une distinction entre le protestantisme réformé à la tendance pluraliste et le protestantisme évangélique plus orthodoxe, ancré sur les certitudes et l'évangélisation. Pour moi, les évangéliques ressemblent à un dinosaure dont le grand corps est rempli de fidèles jeunes et dynamiques mais dont la tête est minuscule. L'élite culturelle en est quasiment absente. L'autre protestantisme pourrait être comparé à E. T. avec sa très grosse tête bien faite composée de l'élite politique, économique, culturelle, la fameuse HSP encore bien implantée en France. Son corps est mince, presque dépeuplé. Quant au fossé culturel, je préfère parler d'une vallée dans laquelle les deux tendances descendent volontiers pour discuter et débattre. La Fédération protestante de France se situe au coeur de cette vallée.


Certains courants évangéliques semblent pourtant loin des principes fondateurs du protestantisme... 


En effet, dans une frange évangélique, l'autorité du pasteur est supérieure à l'interprétation du texte biblique. Or cette libre interprétation est au coeur de l'identité protestante. Ils ne représentent que quelques dizaines de milliers de personnes en France, mais pour eux, il faudrait peut-être se poser la question d'une sortie du protestantisme.


Quel sera le nouveau visage du protestantisme en France ?


L'image d'une Eglise protestante bourgeoise, élitiste ou proche des francs-maçons est en pleine correction. Les évangéliques permettent aux Eglises plus anciennes de nouer des contacts avec les milieux populaires dont elles étaient quelque peu détachées jusqu'ici. L'essor des évangéliques permet aussi aux protestants de conserver un poids stable dans la population, autour de 2%, alors que les catholiques ont tendance à baisser.


Courte bibliographie


- «Du ghetto au réseau. Le protestantisme évangélique français». Editions Labor et Fides (2005).

- «Dieu bénisse l'Amérique. La religion de la Maison-Blanche». Editions du Seuil (2004) .


Les chiffres



En France : 1,1 million de personnes se réclament du protestantisme, soit 2% de la population. 

Fédération protestante de France (FPF) : elle rassemble 900 000 fidèles, et compte 17 Eglises ou Unions d'Eglises et 78 associations, soit 1 118 paroisses, avec 1 942 pasteurs dont 201 femmes. 

Au sein de la FPF : Eglise réformée de France : 300 000 membres. 

Eglise de la confession d'Augsbourg d'Alsace et de Lorraine (luthérienne) : 200 000 membres. 

Pentecôtistes : 140 000 fidèles (dont 100 000 appartiennent à la Mission évangélique 

tzigane). 

En dehors de la FPF : Fédération évangélique de France : 21 000 membres revendiqués.


21 octobre 2005


Propos recueillis par S. de R.

Source: Le Figaro