Commentaire: dans le cas de Hussein, la Justice doit procéder des valeurs qu'il a dédaignées

Un libre commentaire

de Liberato C. Bautista*


La guerre en Irak et la capture récente de son dirigeant brutal, Saddam Hussein, évoque de profonds souvenirs personnels aussi bien que des réflexions morales en moi. La capture représente un défi majeur et une énorme responsabilité pour les Etats-Unis et la coalition qui ont poursuivi la guerre en Irak, mais plus profondément, pour les Nations Unies. 


Alors que le procès de Saddam Hussein se profile à l'horizon, il est important que les sentiments de même que les résolutions tant de la nation irakienne que de la communauté internationale soient pris au sérieux. Nous devons continuer toute l'instruction conformément à la loi nationale et aux lois internationales pour que la justice méritée soit la justice rendue. On devra observer le degré le plus élevé de justice et d'impartialité en matière de justice internationale.


Ces événements liés à la guerre et à la captivité connotent, pour moi, les notions mêmes de vie et de mort. J'étais responsable d'un groupe de jeunes dans l'église aux grandes heures de la dictature militaire de Marcos aux Philippines. Après l'achèvement de mes études à l'Université, je suis devenu le coordonnateur des droits de l'homme auprès du Conseil National des Églises aux Philippines. Mon travail autour des droits de l'homme m'a sensibilisé au fil des années à la souffrance, à la mort et à la vie, et ces réflexions continuent à inspirer ma foi et mes convictions chrétiennes. 


Aujourd'hui, je travaille pour le compte de la Commission Église et Société de l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM) auprès des Nations Unies; j'espère que l'avenir sera plus juste et paisible - et que dans cette perspective aucune nation ne soulèvera plus l'épée contre une autre.


La communauté internationale dispose des Nations Unies comme d'un moyen

- pour fédérer les habitants du monde entier,

- pour épargner aux générations à venir le fléau de la guerre et

- réaffirmer la foi dans les droits fondamentaux de l'homme, la dignité et la valeur de chaque personne. Quand les droits de l'homme et les lois internationales sont violés, les Nations Unies ouvrent des pistes et proposent dans certains cas des tribunaux pour appliquer la justice.


La Cour Pénale Internationale constitue pour la communauté internationale un modèle de règlement du cas de Saddam Hussein. Ce qu'on doit rechercher avant tout, c'est la justice - pour l'accusé Hussein comme pour les victimes, dans ce cas, les Irakiens. ...


"La justice suprême" et "la peine capitale" pour Saddam Hussein comme pour tous les dictateurs militaires, devront procéder des valeurs et des instruments mêmes - de paix et des droits de l'homme, de démocratie et de loyauté, de loi et de justice - qu'ils avaient dédaignées et qu'ils avaient foulées au pied. La communauté internationale, sous l'égide des Nations Unies, a acquis de l'expérience avec ces instruments et tiré des leçons de ses erreurs. 


Dans le cas d'Hussein, il convient de prendre des mesures qui apportent la vie et de ne pas employer les mêmes mesures de mort que lui - comme la peine de mort - dont il a usé et abusé en Irak couramment. La vie, que les institutions humaines ne sont pas capables de donner, est la même vie qu'aucune institution n'est en droit de supprimer. 


Il est possible qu'Hussein soit maintenant jugé pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre ou génocide, mais aucun d'entre nous n'a le droit de ce fait de nier l'oeuvre du Christ qui seul a le pouvoir de racheter, de rétablir et de transformer les gens.


Quand on dénie aux dictateurs la vie même qu'ils ont déniée à leurs sujets, alors une logique de mort nous saisit tous. Il y a une alternative en Jésus Christ. La logique de vie repose sur cette affirmation chrétienne qui est la nôtre: dans la vie, la mort et la résurrection du Christ, nous avons la vie qui nous est promise. 


En raison de la rançon du Christ, nous sommes appelés à ne plus ne infliger la mort aux membres de la communauté des ressuscités, qu'est l'église. 


La logique de vie se retrouve dans l'affirmation de la dignité humaine de chaque personne et partant de là la protection de cette dignité à travers les droits de l'homme se retrouve maintenant assurée dans le panthéon des droits de l'homme déjà en place par les Nations Unies. La justice sera servie et bien servie, dès lors que nous aurons recours aux instruments des droits de l'homme.


Saddam Hussein n'est pas la seule brute et le seul dictateur. C'est pourquoi la création de la Cour Pénale Internationale, actuellement en fonction à la Haye, est hautement significative: c'est un avertissement à l'adresse des dictateurs comme Ferdinand Marcos, Idi Amin, Pol le Pot ou Augusto Pinochet, comme quoi le temps de l'impunité est révolu.


Le procès de Saddam Hussein est une tâche importante où notre sens de justice lui-même sera éprouvé. La justice à rendre devra être rétributive: le prévenu sera poursuivi et puni, mais il aura droit préalablement à un procès équitable. La justice doit aussi être restauratrice, pour que les victimes trouvent réparation, restitution et réhabilitation. 


Enfin, la justice doit être rédemptrice et elle le devient, quand les gens et les communautés sont libres de revenir sur les vérités de leur passé de façon à permettre la réconciliation et la reconstruction sociale et de mettre ainsi fin aux cycles de violence.


Nous ne pouvons jamais entièrement comprendre comment quelqu'un comme Saddam Hussein a pu exercer tant de pouvoir aussi longtemps. Mais puissent, en ce temps de l'Avent, la paix et la justice s'embrasser, au moment voulu par Dieu, et fondre sur nous (Psaume 85,10).


* * *


*Bautista est le secrétaire général adjoint du Ministère des Nations unies de la Commission Église et Société de l'EEM. Il réside à New York au Centre de l'Église pour les Nations unies.


Le 19 décembre 2003


********************


Source: Service de presse évangélique méthodiste (UMNS)