Dans ce même numéro (N°693) du CHRISTIANISME, le rédacteur d'EEMNI a été interrogé par Mireille Legait-Verbregghe. EEMNI diffuse ici l'intégralité de l'interview:
M.L.> - Quelle est l'histoire de l'Eglise d'Agen (origine, dates importante, densité actuelle) et quel rôle a t-elle joué dans la création des églises de Fleurance et Mont de Marsan (église-mère, église pilote, église pivot ?)
JPW: L'Eglise d'Agen en est à sa 72e année. Les Suisses formaient le contingent majeur initial: ils sont venus repeupler les campagnes et travailler la terre en Aquitaine après l'hécatombe de la première guerre mondiale et tout naturellement ils ont souhaité, une fois installés dans la région, se rassembler en Eglise, du moins pour ceux d'entre eux qui étaient chrétiens. Un pasteur suisse les rejoindra et c'est ainsi l'Eglise Méthodiste verra le jour, d'emblée en lien privilégié avec la Conférence Annuelle Suisse/France; en 70 ans, l'Eglise a eu le temps de s'intégrer au paysage religieux local; à l'origine d'expression alémanique, elle est devenue francophone et compte en son sein des fidèles de toutes origines en sorte qu'à présent on peut dire de l'Eglise Méthodiste d'Agen qu'elle est bel et bien une Eglise locale; parmi d'autres, elle entend témoigner de l'Evangile de Jésus-Christ. La mission, elle la connaît: cela fait déjà 20 ans que l'Eglise a ouvert en plein centre-ville une Bibliothèque de Culture Biblique au choix étendu de livres, de CD, de cassettes audio et vidéos portant sur la foi chrétienne. Elle a aussi répondu présent au lancement de RADIO ESPOIR - la radio chrétienne du Lot-et-Garonne- il y a dix sept ans et participe à son développement actuel. Sa vitalité missionnaire se perçoit aussi dans son essaimage: deux communautés sont nées à partir d'Agen, à savoir celles de Fleurance et de Mont-de-Marsan aujourd'hui en pleine croissance. Nous rendons grâces à Dieu pour le chemin parcouru et souhaitons répondre aux défis du nouveau millénaire.... La mission ne joue pas seulement au près, elle porte aussi au loin: Eric Immer est issu de l'Eglise d'Agen. Il est un des missionnaires soutenus par notre Conférence. Son champ d'activités, le Congo (RDC).
M.L.> - En France, n'est-ce pas difficile d'être méthodiste loin de l'Alsace et de la Suisse?
JPW: Le propre du méthodiste, c'est de se savoir en "connexio" avec les frères et soeurs de son Eglise et par-delà son Eglise avec l'Eglise universelle dans son entier; alors non, je n'ai pas le sentiment d'avoir de la peine de vivre la grâce de Dieu au présent, ici et maintenant. Il y a bien sûr la difficulté que pose la distance à franchir pour se rendre depuis le Sud-Ouest à l'Assemblée Générale ou à une Pastorale, mais cette difficulté est toute relative. De plus, l'éloignement n'empêche pas la communication: le courrier ordinaire ou électronique, le téléphone et le fax rendent d'infinis services. Certes, il est d'autres distances culturelles et linguistiques qui sont plus difficiles à combler: nos délégués à la CA font toujours à nouveau remarquer les différences de sensibilité et de préoccupation qui existent entre les parties francophones et germanophones, mais ils les voient néanmoins comme un enrichissement possible. Si jamais une Conférence francophone voit le jour, ces mêmes délégués en seront enchantés mais cette perspective appartient encore au futur! Patience....
M. L.> - Traducteur de l'agence de presse méthodiste EMKNI, comment voyez-vous l'Eglise méthodiste à travers le monde : sécularisée, missionnaire, dynamique, minoritaire ? Quelle est pour vous la préoccupation essentielle de l'Eglise méthodiste dans le monde à partir des nouvelles que vous recevez?
JPW: Depuis un an, j'adapte en effet bénévolement en français les dépêches émanant de cercles méthodistes du monde entier. C'est vrai que depuis mon poste d'observation je découvre l'Eglise sous toutes ses facettes, à la fois ses côtés positifs et alertes et aussi ses côtés plus problématiques; j'apprends à l'aimer. Ensuite j'en découvre aussi la dimension mondiale. La petitesse de sa représentation en France ne doit pas nous faire cacher sa dimension mondiale. L'EEM est présente sur tous les continents. En première ligne par exemple dans ce conflit des Balkans avec des acteurs sur les deux lignes du front: au Kosovo/Albanie avec un pasteur à la tête de trois communautés comme en Yougoslavie avec une dizaine de communautés actives dans la Voïvodine. Par son message résolument pacifique, l'EEM a un message fort à faire entendre. Par son engagement social et humanitaire imposant (par le biais de l'UMCOR), elle s'affirme aussi présente du côté des victimes des deux bords. Aux Balkans comme dans le reste du monde. L'EEM, je la sens soucieuse d'une présence crédible au milieu du monde sécularisé, d'où ses efforts pour aborder les thèmes sociaux et éthiques de notre temps. Ses "Principes Sociaux" constituent un manifeste, une référence par-delà cette Eglise. Avec l'effritement des valeurs, l'EEM se doit de remplir sa mission de guide éthique. Si la Conférence Générale (Instance représentative la plus haute de l'EEM) a pris nettement position contre l'homosexualité, certaines Eglises locales et surtout un certain nombre de pasteurs américains adoptent la position inverse et créent le scandale (mariage de couple homosexuels). J'observe que l'EEM est amenée dans les mois qui viennent à faire le ménage dans ses rangs. Fidélité oblige. Le dérapage ne joue pas seulement sur le plan éthique, il déborde aussi parfois dans le domaine théologique, quand par exemple l'Eglise Méthodiste d'Angleterre -sans lien structurel avec l'EEM- se permet d'ajouter une variante à la confession de foi traditionnelle en traitant Dieu de Père et de Mère..... Fort heureusement, la réaction fut vive jusque dans nos rangs par rapport à ces dérapages éthiques et théologiques.
Le méthodisme me plaît par son insistance à distinguer l'important de l'accessoire, l'essentiel du secondaire: dans l'Eglise de Jésus-Christ, l'union se fait autour du noyau de la foi (le Credo), il est admis que sur les points secondaires on puisse avoir éventuellement des avis différents, l'important dans tous les cas de figure, c'est que subsistent entre enfants de Dieu l'amour.... Peut-être que cette philosophie de vie n'est pas étrangère à la part que l'Eglise Méthodiste a pris dans le dialogue interéglises et prend encore aujourd'hui encore dans le rapprochement entre Eglises chrétiennes: l'EEMNI (Eglise Evangélique Méthodiste Nouvelles Internationales) regorge de communiqués de cet ordre. Bref, bien qu'elle soit composée de pécheurs sauvés par grâce et qu'elle ne soit pas parfaite, l'EEM a néanmoins "de la pêche" communicative.
>Source: EEMNI/Christianisme N°693