Tim Madigan est bien loin de Cleveland. Il est neuf heures du matin à Mitrovica et son bureau est plein de gens qui attendent quelque chose de lui. Certains demandent un travail, d'autres réclament des matériaux de construction et la plupart veulent simplement que Madigan se rende à leur village pour voir de quoi il a l'air.
Lorsqu'ils sont partis, il rencontre des ingénieurs, des chefs d'entrepôts, des cadres. Avant de quitter son bureau, il doit encore faire un important appel téléphonique ä Sarajevo pour commander un autre envoi de matériaux de construction. Lorsque vous êtes responsable, vous n'avez pas de pause jusqu'au moment où vous sautez dans la camionnette - et même là, il y a encore la radio.
Madigan est directeur, depuis juin 1999, du Programme de relogement d'UMCOR (United Methodist Committee on Relief /Comité EEM de secours d'urgence) au Kosovo. Depuis l'an passé, plus de 500 familles de quatre villages - soit env. 4'500 personnes - ont reçu des matériaux pour reconstruire leurs foyers, qui avaient été détruits pendant la guerre au Kosovo.
En roulant à travers Mitrovica, Madigan évoque les problèmes qu'il rencontre. "Nous avons accompli de gros progrès cette année. Mais il y a chaque jour de nouvelles personnes qui rentrent au pays. Il y a des gens qui habitent encore des abris provisoires datant de l'hiver dernier et nous ne sommes qu'à quelques mois du prochain hiver. Je ne sais pas comment nous allons affronter un autre hiver avec des logements insuffisants".
En arrivant au poste de commandement français de la KFOR, au centre-ville, nous sommes reçus par l'agent de liaison avec les organisations non-gouvernementales. Il nous dit de lui faire savoir si la KFOR, la Force de maintien de la paix des Nations unies, peut nous aider de quelque manière que ce soit et nous le prenons immédiatement au mot. Un camion d'une entreprise de travaux publics transportant du sable vers l'un des villages où UMCOR distribue du matériel s'est renversé et bloque une bonne partie de la route principale qui franchit les montagnes. Le soldat belge transmet notre demande, qui est immédiatement prise en compte. Le problème sera résolu "dans le courant de l'après-midi", nous rapporte-t-il.
Compte tenu des circonstances au Kosovo, il s'agit là d'un petit miracle. Madigan est de très bonne humeur et s'estime favorisé par la chance. Il emmène un correspondant de presse de l'autre côté du pont, à Mitrovica-Nord. Les Serbes qui y habitent ont manifesté violemment le jour précédent et l'atmosphère de tout le secteur est visiblement tendue, mais le déjeuner est bon. "Du vrai jambon sur la pizza ; nous n'avons pas cela au Sud", fait remarquer Madigan.
Après le repas, nous nous dirigeons vers la montagne pour gagner les villages de Bare et de Bajgore. A voir les rangées de toits couverts de tuiles rouges, nous sommes en pays UMCOR. Nous arrivons au lieu de l'accident et trouvons la KFOR en train de travailler à régler le problème. Il faut négocier pour obtenir du chef du village l'autorisation d'enlever un bout de barrière pour pouvoir mettre une grue en position. Il ne s'est passé que trois heures depuis que nous avons demandé de l'aide.
Nous rencontrons quelques villageois, qui veulent montrer au journaliste américain une maison réquisitionnée par les Serbes pendant la guerre et qui a été détruite par une bombe de l'Otan. Puis nous visitons leurs foyers; grâce à l'aide d'UMCOR, la reconstruction est presque achevée. Les tuiles du toit, le plancher, les portes et même le sable du mortier impriment à toutes ces maisons la marque du programme géré par Madigan. Il y a des poulets dans la cour et des moutons dans les champs, offerts par le Programme agricole de UMCOR.
En rentrant à son bureau, Madigan discute avec un chauffeur de camion qui veut décharger dans l'entrepôt des marchandises non agrées. "Vous pouvez faire ce que vous voulez de votre chargement et rentrer chez vous, mais nous ne pouvons pas accepter du matériel de mauvaise qualité", précise-t-il au chauffeur.
L'UMCOR a été très actif depuis l'été passé, mais il y a encore énormément à faire. A Bare et Bajgore, 90 maisons ont été placées en catégorie 5 ; la plupart sont entièrement détruites ou jugées irréparables. Un peu plus d'un million de dollars USA, donnés par les partenaires d'UMCOR, ont été attribués en vue de fournir des logement neufs aux familles les plus nécessiteuses.
"L'UMCOR offre à ces familles des matériaux de construction et un encadrement leur permettant de reconstruire leur foyer", explique Ruzan Agahazadian, un collaborateur arménien, qui supervise les projets de catégorie 5. "Il s'agit de projets d'auto-assistance ; ils ne reçoivent de l'aide que s'ils peuvent démontrer qu'ils savent bâtir et sont prêts à s'investir au profit de la communauté".
Les plans normalisés prévoient des maisons plutôt petites, la plus grande mesurant quelque 800 pieds carrés (env. 75 m2). Madigan explique : certaines de ces familles ont déjà passé deux hivers dans des abris de fortune. Ceci est leur chance de retrouver une vie normale.
A la fin de la journée, l'un des chefs d'entrepôts, Agron Spahia, passe au bureau. Il interpelle le journaliste: "Dites à vos lecteurs que j'ai vu passer plus de 250 gros camions passer dans mon entrepôt et que 95 % du matériel reçu a déjà été réexpédié. Remerciez-les de leur aide".
Madigan va passer encore quelques heures au bureau avant de rentrer chez lui. "Chaque jour est différent et présente de nouveaux défis", dit-il. "Mais quand vous voyez des villages entiers reconstruits et que vous savez que vous y avez contribué, cela en vaut la peine."
L'auteur de l'article se nomme Stanton Rich; il est pasteur de l'EEM à Mount Holly, Caroline du Nord, USA. Il a séjourné au Kosovo du 7 au 17 août en qualité de volontaire au service de UMCOR.
>Source: UMNS (Trad.FS)