COE : édifier une culture de paix en Jamaïque


Peinture murale sur le campus de l'Université des Indes occidentales, où le Rassemblement œcuménique international pour la paix se tiendra en mai 2011. Version en haute résolution

 Par Jane Stranz (*)

Le Rassemblement œcuménique international pour la paix (ROIP) - qui se tiendra à Kingston, la capitale jamaïcaine, en mai 2011 - constituera un témoignage de solidarité pour la culture de paix que les Eglises cherchent à édifier sur l'île, affirme le pasteur Paul Gardner, président du Conseil des Eglises de la Jamaïque, l'une des organisations hôtes de cette manifestation.

"Cela donnera de l'enthousiasme et de l'élan aux organisations qui travaillent avec acharnement pour la paix dans les diverses communautés; c'est du moins l'effet que j'anticipe pour la Jamaïque", a affirmé le pasteur Gardner, qui est le président de l'Eglise morave de la Jamaïque et des îles Caïmans depuis 2005 et président de l'Eglise morave mondiale depuis 2008.

Le pasteur Gardner était interviewé récemment à Genève, où il participait à une session de planification pour le Rassemblement, qui est organisé sous l'égide du Conseil œcuménique des Eglises (COE) et du Conseil des Eglises des Caraïbes.

"Le ROIP apportera un témoignage extraordinaire de solidarité en faveur de la culture de la paix que nous cherchons à édifier en Jamaïque", affirme le pasteur.

Il a évoqué les "garrison communities", ces quartiers où, parce qu'il peut se voir quasiment assuré d'un soutien à 100 %, tel ou tel parti politique ferme les yeux sur la criminalité. En début d'année, les forces de l'ordre avaient tenté de pénétrer dans le district de Tivoli Gardens, ce qui avait entrainé l'instauration de l'état d'urgence. Ce genre de communauté est propre à Kingston, a expliqué le pasteur Gardner.

"Les partis politiques font mine de ne pas voir la criminalité dans ces quartiers. Le pays était pris en otage", affirme-t-il. "Les milieux politiques doivent démanteler ces 'garrison communities', afin que les gens se sentent libres de voter pour qui ils souhaitent."

Selon lui, les Eglises doivent prendre les devants dans de telles situations.

"Je crois qu'il est important que les Eglises s'intéressent davantage au développement des quartiers, à ce qui arrive aux gens des quartiers en crise du centre ville", déclare le pasteur. "Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas agir ou de croire que rien ne va se produire."

La délivrance du mal

En Jamaïque, affirme le pasteur Gardner, le rôle principal des Eglises consiste à œuvrer en faveur de la justice, de la paix et de la transformation sociale.

"L'un des points positifs s'il y a quelque chose à tirer de ce qui s'est passé c'est la formation d'une organisation de la société civile qui demande des comptes au gouvernement pour qu'il assure un développement adéquat des quartiers et qu'il concrétise ses promesses", a-t-il indiqué.

"Nous ne sommes pas un parti politique, nous sommes des gens d'Eglise, des responsables d'Eglise, et nous devons être capables de nous exprimer en discernant ce que Dieu dit aux Eglises en cette période", affirme le pasteur Gardner.

Ces dernières années, un groupe de coordination constitué d'Eglises membres et non membres du Conseil des Eglises de la Jamaïque a vu le jour. "Nous avons trouvé un moyen pour les rassembler", explique le pasteur Gardner. Cependant, ajoute-t-il, "l'état d'urgence a quasiment menacé l'existence de ce groupe ... parce que parmi nous, certains avaient le sentiment que nous devions dire ouvertement que le gouvernement avait tort. Or certains responsables d'Eglise n'étaient pas prêts à faire cela."

Faisant référence au passage de "délivre-nous du mal", dans la prière du Notre Père, le pasteur Gardner a évoqué les difficultés auxquelles les Eglises sont confrontées lorsqu'elles doivent rendre témoignage dans un contexte politique aussi tendu.

"Une partie de la 'délivrance du mal' consiste à ne pas être récupéré par un système politique sous prétexte qu'on veut être du côté du gouvernement", dit-il. "Il faut être indépendant du système politique pour pouvoir s'exprimer clairement et avoir un programme différent de celui des partis politiques."

Le pasteur Gardner dit attendre avec impatience le Rassemblement pour la paix, en mai l'année prochaine. "La Jamaïque est encore ouverte; on peut y venir en toute sécurité", affirme-t-il avec un sourire.

L'expérience des Eglises de la Jamaïque en matière de témoignage et de parole prophétique en une période comme celle-ci est, selon le pasteur Gardner, "un témoignage puissant en faveur de la paix juste pour les chrétiens et les Eglises du monde entier".

Jane Stranz est coordinatrice du Service linguistique du COE. Elle est pasteure de l'Eglise réformée de France et de l'Eglise réformée unie de Grande-Bretagne.


 18 août 2010

COE