Agir Ensemble: la théologie ralentit la réaction des Eglises au VIH et au SIDA

Gillian Paterson, qui écrit des ouvrages spécialisés sur les questions théologiques liées au VIH et au SIDA, a évoqué un jeune pasteur sud-africain qui l’a abordée lors d’un Congrès sur le SIDA pour lui expliquer la peine qu’il avait à trouver de la documentation adéquate pour parler à ses paroissiens touchés par le virus.


« C’est comme si on était désigné pour être batteur sur un terrain de cricket et qu’on découvrait que toutes les battes sont cassées », lui avait-t-il dit.


Dans leur travail, les organisations chrétiennes qui s’efforcent d’aider les personnes touchées par le VIH et le SIDA s’inspirent des enseignements bibliques d’amour et de compassion, ont déclaré les participants de la pré-conférence intitulée « La foi dans l’action : tenir sa promesse », qui s’est tenue à Toronto du 10 au 12 août, avant le Congrès international sur le SIDA. Il existe cependant des théologiens qui remettent en question le lien entre ce travail et la position de l’Eglise sur les enseignements moraux relatifs à la sexualité humaine.


Gillian Paterson affirme que ces théologiens se posent la question suivante : « Afin de surmonter la stigmatisation (associée au VIH), l’Eglise doit-elle abandonner toute sa morale ? »


Au cours des deux jours qu’ont duré la pré-conférence destinée aux membres d’organisations d’inspiration religieuse, les participants ont examiné l’impact de la théologie sur le travail que réalisent les Eglises et d’autres groupes d’inspiration religieuse avec les personnes touchées par le VIH et le SIDA. De nombreux participants se sont consacrés à la recherche de documentation fondamentale qui pourrait les aider lorsqu’il faut aborder la pandémie, qui n’arrête pas sa progression.


La première fois que Fransina Yoteni a lu un manuel sur la façon d’intégrer des leçons sur le VIH dans les offices religieux, elle a su qu’elle avait trouvé quelque chose d’utile. Basée en Papouasie indonésienne, elle se trouvait à des milliers de kilomètres du pays africain où le livre avait été édité pour la première fois, mais elle a trouvé que les suggestions pouvaient être adaptées à son île, où le taux de contamination par le VIH augmentait et que la nécessité de traiter le problème devenait impérative.


« Nous ne pouvons pas nous permettre de dire que nous ne voulons pas en parler », a déclaré Fransina Yoteni, qui travaille avec la Mission évangélique unie (United Evangelical Mission). « Cette maladie ne se trouve pas simplement dans la rue. Elle ne se trouve pas simplement au café. Elle arrive par la famille ».


Fransina Yoteni affirme que les groupes chrétiens sont les mieux adaptés pour aborder ce problème croissant, en raison de la relation qu’ils entretiennent avec les personnes touchées par le virus : « Ils font partie de nous ».


Maria Cimperman, qui enseigne à l’Ecole de théologie des oblats au Texas, propose un cadre pratique, destiné aux responsables d’Eglise, qui tentent d’intégrer le VIH dans leur ministère : mobiliser la congrégation en présentant des statistiques sur l’épidémie et des récits sur les personnes qui sont touchées par elle ; poser des questions pertinentes concernant le problème soulevé ; identifier les valeurs théologiques adéquates, telles que la dignité de la personne humaine, la communauté et la justice ; et élaborer un projet pastoral permettant de répondre aux besoins de la congrégation et accélérer sa mise en œuvre.


Selon Maria Cimperman, la volonté de s’engager dans des questions relatives au VIH et au SIDA se base sur les dogmes chrétiens fondamentaux. « Nous avons été appelés – et il s’agit réellement d’un appel – à réaliser l’amour de Dieu… une présence réelle et tangible aujourd’hui ».


En identifiant le besoin de documentation théologique sur le VIH et le SIDA, Sheila Shyamprasad, clinicienne et obstétricienne pour la Fédération luthérienne mondiale, a élaboré un manuel sur le VIH et le SIDA, tout un chapitre étant consacré à la théologie. Pour ce chapitre, Sheila Shyamprasad a été conseillée par un groupe multiculturel varié de théologiens, de jeunes et de personnes vivant avec le VIH et le SIDA.

« Nous nous sommes rendus compte que nous nous trouvions entre un texte et un contexte », a déclaré Sheila Shyamrasad, ajoutant que le groupe souhaitait élaborer « une théologie qui n’est pas séparée de la vie des gens, mais intégrée à celle-ci ».


Michael Czerny, directeur du Réseau jésuites africains contre le SIDA, a mis un bémol au espoirs que la théologie s’adapterait prochainement aux questions relatives au VIH et au SIDA. En comparant la mise en place du soutien autour du VIH au mouvement pour les droits civiques aux Etats-Unis qui a débuté il y a 50 ans, il a remarqué qu’à mesure que le mouvement s’organisait, les séminaristes se joignaient aux piquets de grève. Il a cependant fallu bien plus de temps pour que les droits civiques soient inclus dans les formations en théologie. Selon lui, il allait également falloir du temps pour que le VIH et le SIDA soient inclus dans les discussions théologiques formelles.


« L’éducation théologique ne doit pas être écrasée sous le poids des problèmes. Si l’on veut traiter les problèmes, il faut militer », a-t-il déclaré. 

Par Hilary Roxe


Le 13 août 2006

Source: Agir Ensemble