Réflexions autour une manière dépassée de parler de Dieu: "Mon Dieu n'est plus assis sur un trône" - Libres propos de Robert Seitz

Nous publions dans EEMNI en avant-première le texte décapant du pasteur Robert Seitz sur la louange, dont nous avions déjà extraits quelques lignes. Pour l'édification des lecteurs.


Je crois en un Dieu qui n'est plus assis sur un trône. Il serait bien seul là-haut. Il serait trop éloigné de moi et un Dieu bien trop banal – et que signifie : "assis sur un trône"? Ce sont les puissants, les rois et les grands de ce monde qui ont agi ainsi: ils ont dominé sur les hommes des siècles durant au lieu de souffrir et de rire avec eux. Et ces pauvres hommes devaient s’agenouiller devant eux, courber la tête et les adorer. Ils considéraient "ces seigneurs sur le trône" comme des demi-dieux, ils les adoraient comme des dieux. Et si ces derniers ne recevaient pas suffisamment de considération, les conséquences pouvaient être terribles. Ces dieux et demi-dieux vivaient de l'adoration de leurs sujets, ils avaient besoin, ils en dépendaient. Ils exigeaient d'être nommés par des titres comme "tout-puissant", "souverain", "seigneur". Et comme "seigneur", ils régnaient souverainement. C'étaient des dieux qui se prélassaient dans l'adoration de leurs créatures. 


Toi, mon Dieu, je n'ai pas besoin de t'adorer ainsi. D'ailleurs je ne suis même pas certain que tu veuilles être adoré ainsi. Ce que j'ai de plus cher sur cette terre, mon épouse, celle avec qui je partage toute ma vie, je ne l'adore pas de cette manière. Je ne lui dis pas: "Ma femme je te loue, je t'adore, tu es extraordinaire, la plus belle des plus belles." Si je m’exprimais ainsi elle ne saurait que faire de telles paroles. Elle me répondrait probablement: "Arrête de baratiner ainsi. Aide-moi plutôt à réparer le robinet ou embrasse-moi!"


Ce qu'il y a de plus cher et de plus beau ne peut être adoré ainsi. Mon épouse, je la serre dans mes bras, elle attend d’être embrassée par son bien-aimé. Un puissant sur son trône ne saurait se laisser prendre dans les bras! Avec l'affirmation: "Je t'adore et te loue, toi qui es magnifique sur ton trône", mon cœur ne peut se réchauffer. (C'est d'ailleurs mon problème avec une partie de la littérature consacrée à la louange). Je préfère dire: "Dieu, ton humanité affecte tous mes sens et me touche profondément." Mon Dieu est un "Dieu de l'enlacement" capable de mille amabilités, un Dieu qui s'agenouille et se tient près de moi dans le fossé misérable de ce monde. Je lui dis: "Aujourd'hui même, mon Dieu, serre-moi dans tes bras tout comme moi je veux te serrer dans les miens". Je ne le loue ni ne l'exalte dans le ciel, mais le "tire" en bas sur ma terre et je puis le faire, parce qu'il est là depuis longtemps dans le mystère du Christ. "Toi, mon Dieu, après tous les dieux triomphateurs et vengeurs, tu es enfin un Dieu qui ne triomphe pas. Dieu merci, tu n’es pas non plus le Dieu des podiums et des drapeaux… Comme si ta manière de célébrer la victoire devait ressembler à celle des humains… Tu n'es pas le dieu d'Harmaguédon, parce que par amour pour nous tous, maintenant déjà tu trembles à la pensée de tous les massacres humains."

Dieu dit: "Je ne suis comparable à aucun des souverains de ce monde. D'ailleurs, je ne suis même pas souverain. Ce mot n’est-il pas terrible dans votre bouche? Et si déjà vous me nommez "souverain" (c’est ainsi que vous m’appelez souvent), pour moi, il s'agit exactement du contraire de ce que vous les humains mettez derrière le terme "souverain". Et parce que je ne suis pas un souverain à votre idée, vous ne devez pas non plus dominer les uns sur les autres. Mon monde à venir n'a rien à voir avec cette manière humaine de comprendre la "souveraineté".


Depuis le troisième Reich, la représentation d'un "Dieu qui règne" a définitivement été abolie. Depuis que le "Tout-puissant", comme on aimait alors nommer Dieu, a été associé aux victoires de la croix gammée, il est devenu impensable de parler ainsi de Dieu. Cette image de Dieu est à rejeter et à bannir à jamais. Oui, la question est posée: face aux horreurs du troisième Reich, qui, aussi longtemps que la terre subsistera, nous rendront muets, comment pouvons-nous encore parler de Dieu d'une manière plausible? La toute-puissance de Dieu est totalement différente de nos rêves d'omnipotence. Dietrich Bonhoeffer, dans son livre "Résistance et soumission", a attiré notre attention là-dessus: "Seul le Dieu qui souffre peut nous aider".

"Mon Dieu, délivre-nous de la façon de te voir avec de telles images du passé, images qui représentent nos propres horreurs. Délivre-nous de la louange et de l’adoration qui te sont apportées aux moyens de telles représentations.

Et lorsqu'ils disent: "Mais c'est ainsi que c’est écrit dans le Livre des livres", s'ils Te figent ainsi, sans amour et avec si peu de foi dans Ta Parole, alors enseigne-les à découvrir que le meilleur de tous les livres est empreint de la couleur des temps et des siècles. Et surtout, enseigne-les à le lire avec les yeux de Ton amour."


Dieu, non pas souverain, mais source de la vie

Dieu, non pas seigneur, mais ami et amie

Dieu, non pas tout-puissant, mais puissant en amour

Dieu, non pas image de rêve d'hommes forts, mais véritable visage humain

Dieu, non pas victorieux agitant les drapeaux, mais compagnon dans la nuit et sauveur des cœurs.


traduction : Daniel Nussbaumer et René Lamey

Source: Robert Seitz