COE: des Églises au service de la justice et de la paix dans des situations de conflit

le pasteur Emmanuel Josiah Udofia lors de la session du Comité central du COE à Genève.

Le 3 juillet, le Comité central du Conseil œcuménique des Églises (COE) réuni à Genève (Suisse) a consacré l’une de ses séances aux situations de conflit, de fragmentation sociale et de tensions politiques au Soudan du Sud, en Corée du Sud et au Nigéria, ainsi qu’aux luttes des Églises de ces pays en faveur de la justice, la paix et la stabilité pour tous les individus et toutes les communautés.

Le Comité central du COE se réunira tous les deux ans jusqu’à la prochaine Assemblée. Le Comité, composé de 150 membres venant de toutes les régions du monde, a la responsabilité de mettre en œuvre les directives adoptées par la 10e Assemblée du COE et de passer en revue et superviser les programmes du COE et le budget du Conseil. La 10eAssemblée s’est tenue à Busan (République de Corée), en octobre-novembre 2013.

Lors de l’ouverture de la session actuelle, la présidente du Comité central du COE, Mme Agnes Abuom, a livré ses réflexions sur la portée du thème du «pèlerinage de justice et de paix», qui découle d’un appel de l’Assemblée du COE.

Dans son allocution, elle a particulièrement mis l’accent sur l’engagement des jeunes dans le mouvement œcuménique. «Pour redonner au mouvement œcuménique son dynamisme prophétique et sa vigueur, nous devons laisser la jeune génération prendre possession de ce mouvement et le définir», a-t-elle déclaré.

Mme Abuom a dit aspirer à ce que la spiritualité œcuménique élargisse ses frontières afin de prendre davantage en compte les besoins des Églises et des communautés.

«Une spiritualité œcuménique revitalisée ne doit pas être limitée par des cadres religieux, ecclésiaux et dogmatiques étroits et liés à la tradition s’il apparaît qu’ils sont sans effet pour répondre aux besoins actuels. Elle doit plutôt adopter une attitude prophétique en faveur de la justice, de la paix et du service diaconal à tous les êtres vivants», a-t-elle déclaré.

Mme Abuom s’est exprimée sur des enjeux mondiaux concernant la pauvreté et l’inégalité, la gouvernance faible, les conflits et guerres par procuration, ainsi que le chômage des jeunes. Elle a parlé des paysages ecclésiaux et religieux en mutation et des défis qu’ils engendrent. Pour répondre à ces problèmes, elle a souligné l’importance d’une transformation de l’œcuménisme et de la revitalisation de la spiritualité.

Réflexions et perspectives

Le pasteur Olav Fykse Tveit, secrétaire général du COE, a offert ses réflexions sur le thème du «pèlerinage de justice et de paix» dans le rapport qu'il a présenté au Comité central. «La sollicitude pour l’humanité une, la disponibilité à nous soucier de l’humanité de l’autre, à lui donner la priorité – cela découle de notre foi en Jésus Christ, Dieu incarné dans notre vie humaine. Une humanité authentique a besoin de la grâce et de l’engagement à se soumettre à la volonté de Dieu qui découle d’une authentique spiritualité», a-t-il affirmé.

Un «pèlerinage doit signifier que nous sommes disposés à participer à un cheminement de foi», a-t-il dit.

«Le pèlerinage de justice et de paix nous aide à dépasser nos propres limites et frontières, nos préoccupations égoïstes dans notre vie personnelle et dans nos Églises, pour entrer dans la mission de Dieu en ce monde», a ajouté le pasteur Tveit.

Parmi les thèmes abordés par le secrétaire général du COE susceptibles d'influencer les travaux du COE et de ses Églises membres figurent la réunification de la péninsule coréenne, l'unité des chrétiens, les changements climatiques, la justice économique, les droits des réfugiés et des personnes déplacées, le dialogue œcuménique axé sur l'ecclésiologie, le renouveau de la mission chrétienne, le VIH et le sida et les préoccupations des femmes et des jeunes.

Dans son rapport, le pasteur Tveit a insisté sur le fait qu'il est important d'accompagner les Églises dans les situations de conflit. «Notre foi nous oblige, en tant que mouvement œcuménique, à affirmer notre solidarité avec les Églises et populations vivant en situation de conflit et de crise», a-t-il affirmé. «Il nous est demandé d’être une voix prophétique dans le domaine public: nous devons être une voix morale exerçant une influence sur les processus qui mènent à la justice et à la paix.»

La République démocratique du Congo, le Soudan du Sud, le Nigeria, la Syrie et Israël et la Palestine ont été mentionnés par le pasteur Tveit comme des pays importants pour le travail des Églises en faveur de la justice et de la paix.

Les participantes et participants à la session du Comité central ont été accueillis par François Longchamp, président du Conseil d'État de Genève, le pasteur Gottfried Locher, président de la Fédération des Églises protestantes de Suisse, et le pasteur Emmanuel Fuchs, président de l'Église protestante de Genève.

Des Églises au service de la justice et de la paix dans des situations de conflit

Des représentantes et représentants d’Églises du Soudan du Sud, de Corée du Sud et du Nigéria ont donné des informations sur la situation que connaît leur pays respectif aux 150 membres du Comité central du COE, qui axent leur session d’une semaine sur le thème «pèlerinage de justice et de paix».

Le pasteur Peter L. Tibi, de l’Église africaine de l’intérieur, s’est exprimé sur la guerre civile au Soudan du Sud, déclarant notamment: «Les Églises doivent trouver les moyens et la volonté de rechercher la justice, d’endiguer le conflit et de supplanter la violence et la guerre par des moyens pacifiques et efficaces de combattre les injustices.»

Il a ajouté qu’en dépit de l’absolue priorité qui est de mettre fin à la guerre au Soudan du Sud, la première étape pour trouver une solution durable est de reconnaître ses causes profondes.

«Dès lors que la liberté, les perspectives, la vérité et l’espérance sont bafouées, le conflit va germer», a-t-il affirmé.

Le pasteur Tibi a poursuivi en disant que les Églises du Soudan et du Soudan du Sud, les organisations d’inspiration religieuse et les acteurs de la société civile exigent des réformes qui puissent contribuer à l’avènement de la paix dans la région. Pour y parvenir, a-t-il dit, les étapes sont «le démantèlement du pouvoir des chefs de guerre, la définition d’une vision globale pour la pays et l’engagement dans un processus de guérison de la nation et de bonne gouvernance du pays».

La pasteure Sang Chang, de l’Église presbytérienne de la République de Corée, membre du Collège présidentiel du COE pour l’Asie, a évoqué les aspirations des Églises à la réunification de la péninsule coréenne, une préoccupation sur laquelle se penchent le COE et ses Églises membres depuis plusieurs années.

«Pourquoi la péninsule coréenne, qui a gagné son indépendance et sa liberté face au Japon vaincu après 36 années d’oppression, devrait-elle être divisée? Tel est le cri d’indignation des Églises», a déclaré la pasteure Chang.

Rappelant l’histoire de la séparation entre la Corée du Sud et la Corée du Nord, elle a expliqué que la tragédie de la division a dès 1950 donné lieu à la guerre de Corée, qui a coûté la vie à de nombreuses personnes. «La réunification est impossible sans la paix, la paix est impossible sans la réconciliation, et la réconciliation est impossible sans le pardon», a-t-elle martelé.

«Le Nord peut-il pardonner au Sud, le Sud pardonner au Nord, le peuple coréen pardonner au Japon, à l’ex-Union soviétique, à la Chine et aux États-Unis? Les nations du monde peuvent-elles se repentir et prier pour le pardon?», a demandé la pasteure Chang, insistant sur l’importance du principe chrétien du pardon pour les Églises membres.

La pasteure Chang a également indiqué qu’en Corée, une initiative a été lancée pour observer le dimanche précédant le 25 août une journée de prière pour la réunification pacifique de la péninsule coréenne. Elle a expliqué que cette initiative a lieu dans le cadre du «pèlerinage de justice et de paix», dans le sillage de l’appel lancé par la 10e Assemblée du COE, qui s’est tenue l’année passée à Busan, en République de Corée.

Le pasteur Emmanuel Josiah Udofia qui représente l’Église africaine au Comité central du COE, a parlé de son pays, le Nigéria, qui est actuellement en proie à la menace des rebelles de Boko Haram, groupe militant connu pour les attaques violentes qu’il commet à l’encontre des habitants du pays.

Selon des rapports d’organes internationaux, plus de 3 000 personnes ont été tuées par Boko Haram au Nigéria. Le pasteur Udofia a ajouté que le Nigéria fait partie des pays qui comptent le plus grand nombre de personnes déplacées. «Boko Haram n’épargne presque personne; mais les chrétiens sont sa cible principale.»

«Dans des États tels que Borno, Adamawa et Yobe, où le gouvernement fédéral a déjà instauré un état d’urgence, les communautés chrétiennes sont particulièrement exposées et extrêmement vulnérables face aux menaces de massacres à grande échelle proférées par les rebelles», a-t-il ajouté.

Evoquant l’enlèvement de plus de 250 jeunes femmes par les combattants de Boko Haram, Emmanuel Josiah Udofia a dit que cet incident a «secoué la conscience de l’État nigérian».

«Cela représente une terrible atteinte faite à la vie, à la dignité et à l’avenir de filles innocentes et sans défense. Cela nous rappelle une fois encore la douloureuse réalité du traitement cruel réservé aux femmes pendant les conflits violents, notamment la captivité, l’esclavage sexuel et leur utilisation comme boucliers humains», a-t-il continué.

Les présentations faites au cours de cette séance visaient à donner aux membres du Comité central du COE des informations sur les pays qui sont confrontés à des situations de conflit. Ces pays, et d’autres, sont désignés comme des priorités pour le travail des Églises membres du COE en faveur de la paix et la justice.

Le Comité central se réunit jusqu’au mercredi 9 juillet.


03 juillet 2014

COE