Iles Fidji: sur la question de l’homosexualité, la Haute Cour privilégie la Constitution

La Haute Cour de Fidji a invalidé une condamnation imposée en avril dernier à un couple homosexuel pour « actes contre natures », en vertu d'un article du Code Pénal datant de 1944, rapporte la télévision nationale.


Le juge Gerard Winter, en rendant son verdict, a estimé que les dispositions de la Constitution fidjienne de 1997 (qui garantissent le droit à la vie privée et condamne toute discrimination, notamment du fait de « l’orientation sexuelle » d’un individu) primaient sur les dispositions du Code Pénal datant de 1944, la « Sodomy Law », et qui prévoient jusqu’à quatorze ans de prison pour tout individu reconnu coupable de « crime contre nature » (en clair : une relation homosexuelle).


Part conséquent, les deux plaignants qui comparaissaient en appel (un universitaire retraité australien, Thomas Maxwell McCoskar, 55 ans et un Indo-Fidjien, Dhirendra Nandan, 23 ans), ont été libérés dès l’annonce du jugement, qui pourrait désormais faire jurisprudence en la matière à Fidji, a expliqué l’avocate du couple, Natasha Khan.


Le ressortissant australien devrait prendre le premier avion pour son pays samedi, a indiqué l’avocate, qui n’exclut toutefois pas que le gouvernement, par le biais des services de son Procureur, n’en reste pas là.


Les deux hommes avaient été interpellés à Nadi (côte Ouest de Fidji), reconnus coupables et condamnés à deux ans de prison en vertu du Code Pénal.


En avril, ils étaient remis en liberté sous caution sous la pression internationale et régionale, puis avaient fait appel de cette décision.


Depuis, ils se pourvus en appel, en fondant tout leur système de défense sur le conflit entre les deux textes.


Le poids de l’Australie


Le gouvernement australien, pour sa part, avait effectué des démarches diplomatique afin que son ressortissant soit libéré.


« Notre point de vue, c’est que les lois de Fidji qui criminalisent les comportements homosexuels ne sont pas en phase avec le courant et les autorités internationales, que ce soit la convention Internationale sur les Droits Civils et Politiques ou encore ce qu’on doit bien appeler la coutume en matière de droit international, qui place la protection de la vie privée au cœur des principes généraux de droit international (…) Et en plus, dans le cas présent, la Constitution de Fidji protège le droit à la vie privée», indiquait jeudi Bruce Billson, secrétaire parlementaire australien chargé des affaires étrangères, lors d’une interview à Radio Australie.


Polémique entre minorités gays et puissant lobby religieux


Depuis le début de l’année, la polémique n’a cessé d’enfler à Fidji : ce fut d’abord un ressortissant fidjien d’origine indienne, Samson Verma, interpellé en situation illégale, qui obtenait en janvier gain de cause devant un tribunal administratif de Lyon et par conséquent l’autorisation de rester en France.


Soutenu par les association françaises (notamment Attac), il avait mis en avant le fait que s’il était forcé de rentrer à Fidji, il y serait persécuté du fait de son homosexualité.


Depuis, à l’annonce de ce verdict français, les prises de positions à Fidji se sont succédées, mettant en avant les contradictions entre la Constitution de 1997 et le Code Pénal.


Plusieurs groupes religieux fidjiens, dont l’église méthodiste, ont depuis lancé une campagne pour que « les valeurs chrétiennes ne soient pas compromises » et que « les actes sexuels à d’autres fins que la procréations demeurent condamnables ».


Fin juin, alors qu’au même moment, se déroulait la Gay Pride (dans plusieurs capitales européennes, y compris à Paris), plusieurs centaines de personnes répondaient à l’appel lancé par l’influente église méthodiste fidjienne pour manifester dans les rues de la ville de Nausori (banlieue de la capitale fidjienne Suva) contre le mariage homosexuel.


Une association de défense des minorités sexuelles à Fidji a ensuite adressé une lettre de protestation au ministère de la justice et à la Commission des Droits de l’Homme, en se plaignant notamment que cette anti-Gay Pride ait obtenu le permis des autorités préfectorales.


Shamima Ali, directrice du centre d’aide aux femmes (Fiji Women's Crisis Centre) a violemment réagi, condamnant ce qu’elle considère comme une « violation des droits humains ».


Cette semaine encore, mercredi, au Sénat fidjien, le Sénateur Mitieli Bulanauca, faisait une intervention remarquée et qui a depuis relancé le débat en laissant entendre qu’un juge local, en raison de ses penchants homosexuels, n’était pas apte à rendre de verdicts concernant le mode de vie et la culture des Fidjiens indigènes.


Ces propos ont été fermement condamnés par l’Attorney General (Garde des Sceaux) Qoriniasi Bale, qui parlait vendredi d’abus de privilèges et d’immunité parlementaires, mais le Sénateur n’a pas été sanctionné.


27/08/2005

Source: Tahiti presse