Reprenons le film de l’événement: dimanche 28 octobre, il est environ 9 heures du matin quand six hommes barbus et armés font irruption dans l'Eglise catholique de Saint-Dominique à Bahawalpur, ouvrent le feu sur l'assemblée, qui s'apprêtait à sortir de l'église. Sont aussi abattus un pasteur, Emmanuel Mamih, et un policier en faction devant l'église. Dix-huit personnes trouvent la mort.
L'église se trouve dans le quartier résidentiel de Gulzar-e-Sadiq. Elle appartient à la communauté catholique locale, mais est utilisée à la fois par des protestants et des catholiques. Les victimes sont en majorité protestantes, car, suite à un changement d'horaire, c'était à leur tour d'occuper l'église. Cet attentat est vraisemblablement un acte de simple terrorisme en représailles aux frappes américaines en Afghanistan.
Les chrétiens sont régulièrement victimes de violence au Pakistan, surtout lorsque certains jugent l'islam attaqué. Par le passé, les chrétiens ont souvent été menacés par des extrémistes du parti intégriste pakistanais favorable aux Talibans, le "Jamaat Ulema Islam". La communauté chrétienne du Pakistan représente, catholiques et protestants réunis, environ 2 % de la population du pays. Elle avait plusieurs fois exprimé ses craintes, et avait demandé la protection de la police. Le conflit afghan a donc réveillé les haines. Les chrétiens s’y attendaient depuis le début.
Dans cet Etat islamique, les chrétiens passent pour être des traîtres. Les chrétiens pakistanais souffrent de discriminations, notamment économiques. La majorité d’entre eux est composée de domestiques, vidangeurs, au mieux chauffeurs de taxi. Les chrétiens souffrent aussi d'un apartheid politique puisque, lors des élections, ils ne votent pas pour les mêmes candidats que le reste de la population, mais pour des candidats chrétiens. Quatre sièges seulement leur sont réservés au Parlement.
Autre point délicat: la loi sur le blasphème qui prévoit que toute personne qui aura insulté le Coran ou le Prophète sera condamnée à mort. Cette loi est surtout employée pour régler des conflits de voisinage. Une cinquantaine de chrétiens croupissent en prison, accusés à tort de blasphème. Aucun cependant n'a été exécuté depuis l'adoption de la loi. D'une manière générale, on ne compte plus les violences qui vont jusqu'au meurtre, les abus contre les femmes, les humiliations quotidiennes dont les chrétiens pakistanais sont victimes.
Selon certains, les chrétiens au Pakistan sont aussi responsables de leur malheur. Ils ont développé une mentalité de ghetto cherchant peu à s'insérer dans la société. Leur forte division est soulignée par le quotidien ”LE TEMPS” – entre baptistes, méthodistes, évangélistes mais aussi entre paroisses catholiques – cette division les prive de toute influence, ajoute le quotidien.
Le dialogue avec les musulmans est-il encore possible? D’aucuns pensent que non: l’heure serait à l'intolérance au Pakistan. Et pour les chrétiens, une seule alternative subsisterait, la valise ou le cercueil.
29/10/2001
Source: EEMNI/LE TEMPS/Le Monde/ZT