Suisse: protestations contre la prise de position du Conseil de la Fédération des Eglises Protestantes Suisses au sujet de l'avortement

Note explicative


Le peuple suisse devra se prononcer au printemps 2002 sur une nouvelle loi en matière d'interruption de grossesse, récemment adoptée par le parlement fédéral. Au terme d'une longue procédure de consultation, au cours de laquelle tous les milieux concernés, dont les Eglises, ont pu donner leur avis sur un avant-projet, le parlement, qui entend dépénaliser l'interruption volontaire de grossesse, s'est finalement rallié à "la solution des délais": l'IVG est autorisée, sans indications thérapeutiques ou sociales, au cours des 12 premières semaines de la grossesse.


Immédiatement, diverses associations et groupements ont lancé un référendum contre la loi, ce qui a pour effet de suspendre l'application de celle-ci jusqu'à ce que le peuple décide en dernier ressort. Il fallait 50'000 signatures; les opposants en ont obtenu plus de 120'000.


Récemment, le Conseil de la FEPS (Fédération des Eglises Protestantes Suisses - dont l'EEM est membre) a publié une prise de position favorable à la nouvelle loi. Selon Protestinfo, l'agence de presse protestante romande, "avorter reste, pour la FEPS, une question de "liberté responsable". En matière de d'interruption de grossesse, la Fédération des Eglises protestantes suisses se rallie à la solution dite des délais. Loin de considérer l'avortement comme une bonne solution, cette prise de position valide un "compromis démocratique acceptable" qui reconnaît à la femme enceinte sa pleine capacité de décision." (31.10.2001).


Mais plusieurs associations opposées à la nouvelle loi ont réagi à cette prise de position. 


Le débat, qui est à la fois suisse et mondial, puisque éthique, nous concerne tous. C'est pourquoi EEMNI publie plusieurs textes provenant des milieux opposés à la nouvelle loi et à la position de la FEPS.


L’Alliance Evangélique Suisse (AES)


Pour l'Alliance Evangélique Suisse (AES), le fait que les Eglises suisses ne s'engagent pas unanimement et de manière déterminée en faveur de la protection de la vie avant la naissance est un sujet de profonde déception. Elle ne saurait suivre la Fédération des Eglises Protestantes (FEPS) dans son argumentation en faveur de la solution des délais.


Dans sa prise de position, la FEPS se réfère au droit à l'autodétermination de la femme et "suscite l'impression que toutes les femmes ne parviennent à la décision d'avorter leur enfant qu'au terme d'une longue lutte et d'une intense pesée d'arguments éthiques". L'AES rétorque que la pratique donne une image différente.


Selon l'opinion de l'AES, la FEPS se rend la tâche trop facile, d'un point de vue chrétien, lorsqu'elle cède à la prétendue pression de la société en faveur de la libéralisation en matière d'avortement. "Les chrétiennes et les chrétiens de l'Alliance Evangélique se prononcent nettement en faveur de la protection de la vie avant la naissance et appuient le référendum contre la solution des délais". Contrairement à la FEPS, l'AES se prononce pour la protection légale de la vie avant la naissance et contre la dépénalisation de l'interruption de grossesse. La femme est ainsi mieux protégée contre la pression pour avorter exercée par la société et le milieu.


l'"Aide suisse pour la mère et l'enfant" (ASME)


Dans son communiqué, l'"Aide suisse pour la mère et l'enfant" (ASME) s'élève "avec vigueur" contre la prise de position favorable à la solution des délais du Conseil de la FEPS. L'ASME considère que la décision du Conseil est une honte pour l'ensemble de l'Eglise nationale protestante suisse. Elle en appelle les membres à se joindre à sa protestation.


Par son approbation à la solution des délais, la FEPS "trahit ses fondements théologiques évangéliques". Plusieurs synodes cantonaux et paroisses doivent "se sentir froissés, dès lors qu'ils ont adopté une position différente en la matière", poursuit le communiqué de l'ASME.


Lorsque le Conseil de la FEPS s'engage en faveur d'une solution des délais en prenant en considération uniquement l'aspect de la politique sociétale, mais certainement pas les aspects théologiques et encore moins réformés, cela équivaut à une décision contraire au "mandat fondamental de l'Eglise". D'un point de vue oecuménique, cette décision pèse sur les efforts entrepris en Suisse depuis des décennies.


La FEPS "est la seule organisation confessionnelle nationale suisse, dont les autorités veulent visiblement - sous prétexte de liberté de décision individuelle - ouvrir la porte à une politique du laisser-faire visant à saper le droit à la vie". Pour se justifier, le Conseil de la FEPS utilise "le vocabulaire séduisant, mais en réalité trompeur", des partisans de l'avortement.


Le "Parti Populaire Evangélique Suisse" (PPE)


Le "Parti Populaire Evangélique Suisse" (PPE) rejette lui aussi la prise de position de la FEPS, favorable à la solution des délais. Elle est peu fondée et intenable, selon les termes d'un communiqué de presse du PPE.


Du point de vue du conseiller national (député) Walter Donzé (Frutigen, BE), vice-président du PPE, le Conseil de la FEPS parle certes abondamment de "fondements théologiques évangéliques", mais dans ses conclusions, il ne parvient qu'à déclarer que la solution des délais est "une solution pragmatique et démocratique". "Le rappel embarrassé de ce que la solution des délais 'ne doit pas être comprise comme une banalisation' ne peut modifier cette prise de position ecclésiale décevante".


Dans cette affaire aussi délicate qu'importante, les "fondements théologiques évangéliques" cités par le Conseil de la FEPS sont à des années-lumière de celles d'autres organisations ecclésiales, telles que la Conférence Episcopale Suisse (catholique romaine), la Fédération Suisse des Eglises libres et communautés évangéliques ou encore l'Alliance Evangélique Suisse. Le PPE déplore que la FEPS fasse ainsi cavalier seul.


Par contre, le PPE partage le point de vue du Conseil de la FEPS, selon lequel les femmes ou les couples concernés ne doivent pas être criminalisés. A ce sujet, le PPE a présenté des propositions de solution en janvier déjà.


Genève: l'Eglise Evangélique Libre de Genève se dit déçue


L'Eglise Evangélique Libre de Genève (EELG), membre fondateur de la Fédération des Eglises Protestantes de Suisse (FEPS), n'est "absolument pas d'accord" avec la prise de position du Conseil de la FEPS sur le régime des délais.


Le pasteur de l'EELG Jean - Claude Kormann a déclaré à l'agence RNA que la déclaration faite par le moraliste lausannois Denis Müller négligeait le "droit imprescriptible à la vie", dont la Bible fait état. Dieu est le Dieu de la vie et le protecteur des faibles. En conséquence, l'Eglise et la société ont à protéger le faible. A l'opposé, un embryon dans le sein maternel est moins protégé que la flore alpine.


"Le régime des délais est source d'injustice", ajoutait Kormann. "Nous sommes déçus que la réflexion protestante s'adapte aux courants sociaux au lieu de proclamer son propre message."


L'EELG ne serait pas contre l'avortement en tant que tel, mais elle part de la conviction que cette solution pour la personne concernée est malheureuse. On devrait l'aider d'une autre manière. Dans le cadre de l'EELG, il existe une association dirigée vers les femmes qui sont passées par l’avortement; son but est d’aider ces femmes à vivre avec le traumatisme de l'avortement.


01.11.2001


Source: EEMNI/rna/Protestinfo