Pakistan: au lendemain de l’attentat meurtrier, les chrétiens se serrent les coudes

Les chrétiens solidaires entre eux poursuivent le dialogue, ils entendent "travailler pour l’harmonie et la concorde sociale"


Malgré les violentes manifestations hostiles à leur égard, les chrétiens poursuivent le dialogue et se montrent solidaires. Ils désirent "travailler pour l’harmonie et la concorde sociale".


Depuis le début des frappes américaines contre l’Afghanistan, le fossé ne cesse de se creuser entre le gouvernement pakistanais aligné sur les Etats Unis d’Amérique et la majeure partie de la population musulmane demeurée solidaire du peuple afghan et proche des positions extrémistes du régime taliban, et exprimant son opposition dans des manifestations souvent très violentes. Pris entre deux feux, les chrétiens locaux, extrêmement minoritaires ont néanmoins choisi d’oeuvrer pour l’harmonie et la concorde sociale.


Un communiqué, paru le 20 octobre et signé de représentants de l’Eglise Catholique, de l’Eglise Protestante du Pakistan, de l’Armée du Salut et du Conseil national des Eglises (protestantes). Après avoir souligné l’unanimité de tous les dirigeants chrétiens dans la condamnation des terribles attentats terroristes du 11 septembre dernier, le communiqué déclarait que le rôle essentiel des disciples du Christ était de "créer la paix et la réconciliation". Il appelait les Etats-Unis d’Amérique à user de "modération" dans leurs opérations militaires et d’éviter de porter atteinte à la vie et aux biens des civils innocents. En même temps, il invitait les chrétiens à se porter au secours des réfugiés afghans établis le long de la frontière du Pakistan. Le même communiqué assurait le soutien des chrétiens au chef de l’Etat, le général Pervez Musharraf, un soutien qui cependant n’était pas sans condition, puisque les dirigeants chrétiens déclaraient se tenir "près de lui" dans sa lutte contre les causes qui avaient engendré le terrorisme, à savoir l’extrême frustration, l’ignorance, l’injustice, empêchant l’accession des pauvres et des défavorisés à l’égalité des droits et au bien-être.


Un carrefour s’est tenu le 18 octobre à Karachi; il rassemblait des représentants de onze organisations, parmi lesquelles se trouvaient une commission œcuménique ‘Justice et paix’ ainsi qu’une section locale d’Amnesty International. Les participants se sont dit "consternés" par les effets désastreux de la guerre sur le peuple afghan et ont appelé à l’arrêt immédiat des hostilités. Ils ont attribué "à l’action militaire américaine" contre le pays voisin la violence qui s’installe de plus en plus dans les rues des grandes villes pakistanaises.


Affliction et deuil autour des victimes de l'attentat commis dans l'Eglise de Behawalpur


Des milliers de chrétiens pakistanais menaient deuil lundi 29 octobre dans l’Eglise où 15 personnes sont tombées sous les balles des terroristes pendant le culte dominical.


Les hommes masqués armés étaient entrés dimanche à l'intérieur de l'Eglise catholique Saint Dominique, où la communauté de la "Church of Pakistan" (Eglise du Pakistan) (CoP) était précisément en train de terminer son culte, et ont tiré sur les croyants présents.


Auparavant, ils avaient tué également un policier musulman qui se trouvait là en faction devant l'Eglise sur un ordre du gouvernement. Cet attentat représente la pire des attaques jamais dirigée contre la petite Eglise pakistanaise. Sous ces raffales, le pasteur de la communauté a aussi trouvé la mort.


La CoP compte 800 ' 000 membres. Elle est née de la fusion des Eglises anglicane, méthodiste, presbytérienne, luthérienne et autres Eglises protestantes. On suspecte comme responsable de l'attentat un groupement musulman interdit ainsi que des habitants de Behawalpur connus pour leur extrémisme et leur opposition aux frappes américaines contre l'Afghanistan.


Aux funérailles qui ont duré 2h30, une minorité de 250 jeunes ont scandé des slogans comme "le sang pour le sang" et "Nous leur ferons pareil."


L'évêque catholique de Punjab, le père Andrew Francis réagira autrement. Il a exhorté les 5000 personnes présentes aux obsèques à s'en tenir aux principes chrétiens. "Nous sommes les disciples de l'homme de l'amour qui a sacrifié sa vie pour une bonne cause. Nous pardonnons à ceux qui ont tué des gens innocents. Mais ils auront à répondre de ce qu'ils ont fait devant le Tribunal de Dieu."


Lundi le 29 octobre, les plus grands magasins de Behawalpur sont restés fermés, bien qu'en principe ce fût jour de marché. Des messages de condoléance sont parvenus au Pakistan du monde entier, dont entre autres un message du pape Jean Paul II et de l'archevêque de Canterbury, George Carey.


Le Conseil des musulmans en Grande-Bretagne a condamné l'attentat sur d'innocents croyants. "La position de l'Islam est très claire. Mener une attaque dans un lieu de culte quelconque est absolument inacceptable," affirmait Yusuf Bhailok, président de ce Conseil.


Le COE profondément préoccupé de la sécurité de la minorité chrétienne au Pakistan


Dans une lettre envoyée ce lundi, le 29 octobre, au Général Pervaiz Musharaf, président de la République du Pakistan, le secrétaire général du COE par interim Georges Lemopoulos a exprimé sa profonde inquiétude après l'attaque survenue ce dimanche à Bahawalpur qui a entraîné la mort de 17 chrétiens et "pour la sécurité de la minorité chrétienne vivant dans un environnement défavorable marqué par une forte intolérance religieuse". Le COE appuye l'appel du Conseil National des Églises au Pakistan pour qu'une enquête judiciaire soit menée sur l'attaque de dimanche et que des mesures soient prises pour assurer la sécurité de la minorité chrétienne du Pakistan.


La lettre réitère aussi l'appel du COE pour qu'il soit mis rapidement fin aux actions militaires contre l'Afghanistan. 


Source: EDA/ENI/EMKNI/COE