Trente années de violences entre les catholiques et les protestants nord-irlandais ont coûté la vie à 3'700 personnes et provoqué plus de 40'000 blessés. La question du sort de ces victimes a été abordée dans un rapport présenté à la Conférence Annuelle (Synode du 9 au 13 juin) de l'Église Méthodiste Irlandaise. Rechercher la paix malgré la méfiance et la douleur constitue la priorité de l'heure. C'est un des premiers rapports qu'une Église d'Irlande du Nord ou du Sud ait jamais présenté sur ce sujet. Des individus, des groupes et régions et des villes ont été cités, entre autres aussi le nom de ceux qui ont été à l'origine de ces troubles. Le rapport honnête des Méthodistes reconnaît le bien-fondé de la plainte de ces victimes de trois décennies de terreur et d'intimidation sectaires: personne ne peut rendre compte avec précision de l'étendue et de la profondeur des souffrances endurées par les habitants des deux camps pendant ces troubles. Dans une société où le simple choix de l'école, le type de sports que l'on pratique, l'endroit où l'on vit et même le choix du nom donné à son enfant définissent immédiatement le camp auquel on appartient, -on est soit protestant, soit catholique-, dans ces conditions, il est inévitable de céder à l'influence du sectarisme.
Au moment du décompte des victimes, les politiciens sectaires ont vite fait de clamer sur tous les tons que les victimes de leur camp étaient plus innocents que ceux de l'autre camp et que les membres de leurs communautés souffraient davantage que les ressortissants du camp adverse.
«Les gens d'Églises ont certes prié pour la paix, la guérison et la réconciliation, mais au demeurant ils n'ont fait que très peu pour faire passer la paix, la guérison et la réconciliation dans la réalité. ... On ne peut pas draper Dieu dans un drapeau, sinon on en arrive à «tordre la croix». .... Nous faisons Dieu à notre propre image et faisons de Dieu quelqu'un d'utile pour nous. Nous posons des limites à Dieu et lui disons ce qu'il peut ou ce qu'il ne peut pas faire. Nous mettons Dieu dans une boîte: nous l'avons fabriquée, cette boîte, la promenons autour de nous et la désignons du nom de boîte protestante ou de boîte catholique et encore de boîte méthodiste. .... Quelle arrogance!»
Ce rapport relève aussi que l'Église avait été «trop insulaire» par le passé et ne s'est pas attaquée aux problèmes, par exemple aux discriminations à l'embauche dont les catholiques avaient été les victimes, qui avaient entraîné les fameux troubles. Le rapport note que l'Église avait été «trop partiale» dans l'attribution des emplois: les Catholiques ont souffert de discrimination.
«Les gens me disent que leurs Églises les avaient laissés tomber», disait le pasteur David Clements. «J'espère que ce rapport donnera l'impulsion aux autres Églises et montrera comment sortir de la crise».
William Clements, le père de David et prédicateur laïc méthodiste, policier de métier, était en service quand il fut assassiné par un terroriste de l'IRA lors de l'attaque d'un Bureau de police en 1985. Plus de 300 officiers de police avaient été tués durant ces troubles.
Six ans après la mort de son père, David Clements était un pasteur dans un secteur très protestant de Belfast. Et là, il se trouve qu'il a exercé un ministère auprès de familles de protestants aussi bien que de catholiques assassinés par des terroristes.
Clements s'engage comme volontaire avec l'organisation d'aide aux victimes WAVE, qui travaille tant avec des protestants que des catholiques. En 1998, lui-même ainsi que d'autres représentants de WAVE a rencontré le président Clinton et des conseillers de la Maison Blanche pour discuter du sort des victimes.
Le nouveau président de l'EM irlandaise, le pasteur Kenneth Todd, a attribué nommément cette violence sectaire à «une mauvaise religion». «Une mauvaise religion prône le nationalisme au lieu de l'évangélisation.,» déclare Todd. Avec cette déclaration officielle, les Méthodistes irlandais apportent aussi leur soutien à l'accord de paix signé le vendredi saint 1998 et reconnaît le droit des victimes. Cet accord a ouvert la voie à la formation d'un gouvernement représentatif en Irlande du Nord. Jusqu'à une date récente, les décisions relatives aux domaines de la santé, de l'éducation et du développement économique avaient été prises par des hauts fonctionnaires britanniques.
Clements a fait remarquer auprès d'UMNS que l'homme confronté à la menace de la violence a pour réflexe, -simple mécanisme de défense- de «baisser sa tête et de fermer les yeux».» Cette réaction, ajoute-t-il, pourrait expliquer pourquoi l'Église a mis tant de temps à prendre la parole en faveur des victimes. Dans son ancien métier (dans le monde de la santé), Clements dit avoir subi eun entraînement pour faire face aux traumatismes physiques causées par les balles, les bombes et les coups. Comme pasteur expérimenté, il n'a pas eu droit à une préparation quelconque pour faire face aux blessures psychologiques et spirituelles résultant des troubles.
Les membres de l'Église sont aussi invités à former des associations de solidarité s'engageant du côté des victimes et pour la recherche de la vérité, des lieux où l'on parle vrai et des lieux d'écoute pour les uns et les autres.
Ce rapport a suscité des réactions contrastées: de l'accueil enthousiaste à la distance critique.
La déléguée laïque de Dublin Joan Pippingale a qualifié ce rapport comme étant «le meilleur jamais produit sur ce sujet. En tant qu'Église, nous ne sommes pas bons du tout avec la colère. ..... J'ai aimé que l'on prenne des risques».
Le pasteur Roy Cooper de la «Ballymena Methodist Church» reconnaissait que certains membres de sa communauté ont difficilement encaissé la partie du rapport qui désigne nommément ceux qui ont tué et ont été victimes de mutilations. «Ils ne comprennent pas comment on peut être à la fois victime et coupable,» fait-il remarquer. Manifestement, la capacité de pardon atteint ses limites.
Le reportage met en évidence que l'Église Méthodiste Irlandaise n'absout pas de leurs fautes les coupables; elle les encourage plutôt à se repentir de leurs crimes. Que de jeunes, qui, après la perte d'un parent, d'un ami ou d'un frère durant leur prime jeunesse, se sont fait recruter facilement par un groupe paramilitaire ou terroriste. Une fois entrés dans une telle organisation, ils ont fini par commettre des violences et perpétrer des meurtres sur une autre famille. En d'autres circonstances, ces jeunes n'auraient pas pris de telles décisions.
Avec ce rapport, les Méthodistes irlandais invitent à présent à la compassion, étape difficile pour parvenir à la réconciliation des communautés en Irlande du Nord.
Le pasteur Johnston McMaster, un pasteur méthodiste et membre de l'«Irish School of Ecumenics», déclare que «les chrétiens, qui espèrent en la guérison et la réconciliation, ne peuvent pas condamner ceux qui ne sont pas capables de pardonner. La réconciliation, c'est d'abord l'oeuvre de Dieu», faisait-il remarquer.
>Source: United Methodist News Service + The Methodist Recorder Online