Déclaration Alliance Evangélique Européenne (AEE): sur l'interdiction du port des symboles religieux en public

Le port des symboles religieux en public est devenu un des sujets brûlants de l'actualité. Malgré le profond attachement à la défense des Droits de l'Homme dans les pays européens, les politiciens de plusieurs de ces pays semblent être de plus en plus enclins à interdire le port des symboles religieux dans des lieux publics tels que les écoles. Pourquoi donc ?


L'Europe est confrontée à la réalité des sociétés multi-culturelles et multi-religieuses. En particulier, elle fait face à une crainte compréhensible du fondamentalisme religieux, et surtout à l'extrémisme musulman.


Une interdiction de porter des symboles religieux peut-elle aider à combattre la croissance d'une militance religieuse? Une interdiction peut-elle aider à créer une société plus harmonieuse parce que les différences sont cachées? Une interdiction peut-elle libérer des individus de l'aspect oppressif de leur religion? Ou l'interdiction est-elle plutôt une violation d'un droit fondamental de l'homme?


L'AEE croit que ce genre d'interdiction est une restriction inacceptable de la liberté religieuse et de la liberté d'expression. Certains peuvent porter un symbole religieux en tant qu'acte politique provocateur ou pour renforcer un prosélytisme agressif. D'autres le font, contraints par leur communauté religieuse. Cependant il n'y a pas de preuve pour montrer que la plupart des personnes qui portent des symboles appartiennent à une de ces catégories. Au contraire, la plupart choisissent de porter leur symbole pour montrer leur obéissance ou leur fidélité à leur foi. Pour certains, cette pratique est essentielle et non-négociable.


En réalité, la probabilité que des interdictions puissent contrecarrer l'augmentation de l'extrémisme religieux est très faible. Au contraire, elles pousseraient certains croyants fervents à devoir choisir entre foi et patrie, ce qui, loin de contribuer à une vrai intégration, pousserait plutôt à l'extrémisme et encouragerait des conflits d'identités entre les communautés.


Si les politiciens cherchent à interdire seulement les symboles religieux, n'est-ce pas parce qu'ils trouvent que l'expression religieuse est particulièrement dangereuse? Pour nous, il nous semble incohérent d'interdire le foulard, sans interdire, par exemple, un t-shirt portant un slogan politique ou le logo d'une équipe de foot !


L'AEE reconnaît que certains efforts gouvernementaux visant à diminuer l'influence sur un pays d'une religion dominante ont parfois été utiles pour augmenter la liberté religieuse et le bien-être des citoyens du pays. Cependant, bien que la religion puisse être détournée pour faire le mal, des idéologies politiques non-religieuses peuvent aussi être manipulées de façon tout aussi dangereuse. La laïcité nous semble être une 'foi' tout autant que les religions qui croient en un être divin. A notre avis, le cadre standard du code civil et pénal de toute société doit être le contexte servant à gérer tout usage impropre ou abusif d'une foi ou d'une idéologie. Porter une attention particulière à une communauté religieuse nous semble être une recette pour créer davantage de problèmes que de solutions.


Dans notre histoire européenne très variée, marquée par des guerres et des conflits tribaux, nous avons aussi au sein de chaque pays une tradition légale et culturelle de cohabitation d'une très grande tolérance. Notre conviction est la suivante: chacun doit être libre de vivre selon ses convictions, dans la mesure où ces convictions ne nuisent à personne. Des interdictions ne créent pas des lieux neutres et sûrs dans l'espace publique pour les adhérents de toutes les religions, parce que la laïcité imposée n'est pas neutre. 


Nous sommes consternés lorsqu'un gouvernement cherche à juger une pratique religieuse. Les politiciens ne sont pas formés pour faire de tels jugements, et ils n'ont pas le droit de les faire. Si on interdit le foulard aujourd'hui, verra-t-on demain une interdiction de parler de sa foi en dehors de son domicile ou de son église? Nous croyons qu'une telle progression serait entièrement logique; et elle serait contre les intérêts de TOUS les citoyens de l'Europe!


Mars 2004


Traduction : Alliance Evangélique Française

Source: Alliance Evangélique Française/CPDH