Point de vue : Peut-on faire la paix en détruisant des ponts ?

Le cessez-le-feu est prononcé entre belligérants libanais et israéliens depuis quelques jours. Espérons qu’il marque le pas au règlement négocié et pacifique du conflit. Pour le pasteur Joe Hale, qui s’exprime ici dans le cadre d’umns/eemni, la paix dans cette région a été l’objet d’un engagement profond et durable. Pendant 25 ans secrétaire général du Conseil méthodiste mondial, a pris sa retraite en 2001. En avril 2002, il était l’un des 16 membres d’une «Délégation de leaders religieux envoyée au Moyen-Orient» par le Conseil national des Eglises (USA) ; à cette occasion, il a rencontré les Chefs d’Etat du Liban, de la Syrie et de Jordanie et des leaders religieux à Istanbul et Jérusalem.


Par le pasteur Joe Hale


Le président George Bush et la secrétaire d’Etat Condolezza Rice donnent le feu vert à Israël et ses dirigeants pour lancer une machine de guerre impressionnante afin de détruire Beyrouth et d’autres régions dans l’ensemble du Liban. Nombre de villes ont été réduites à l’état de ruines et des centaines de citoyens Libanais ont été tués à Beyrouth et dans le reste du Liban, qui est l’un des plus beaux pays du monde. Israël a diabolisé le Liban pour justifier sa guerre et les destructions qu’elle a entraînées. La réalité de ce qu’était le Liban est très différente.


L’affirmation israélienne selon lequel un seul groupe, le Hesbollah, est visé n’est pas crédible. Ce qui s’est passé et se passe est une réellement différent. Des personnes innocentes, des zones d’habitation et, en réalité, une nation souveraine ont été écrasées – sans autre raison que le désir d’Israël de tuer et de détruire. Ce qu’Israël a fait est un crime contre l’humanité.


Lors de la première élection de George Bush à la présidence, j’ai voté pour lui. Je ne pouvais à cette époque imaginer son plan pour l’Irak. Pas plus que je ne pouvais imaginer que sans critique aucune, il alignerait maintenant les Etats unis sur la politique du gouvernement israélien, faite de conquête militaire massive et d’une destruction aveugle d’un pays souverain.


L’intention d’Israël d’étendre ses frontières au fil du temps n’est pas nouvelle. Il suffit de regarder les cartes des 40 dernières années pour le constater – les territoires palestiniens conquis, le détournement du contrôle de l’eau, la construction de grandes colonies de peuplement sur des terres palestiniennes occupées et une zone fortement réduite laissées aux Palestiniens, même dans ce qui était « la Rive Gauche palestinienne » d’origine. Les intentions d’Israël rappellent la vieille histoire de cet homme qui «ne voulait vraiment rien d’autre que toutes les propriétés jouxtant la sienne».

Au Liban, le Hesbollah était virtuellement inactif en tant qu’organisation militaire avant l’invasion israélienne de 1982 ; par contre, il était très actif en faveur des Libanais en tant qu’organisation humanitaire. Les roquettes lancées sur Haïfa au cours du présent conflit ont été tirées en réponse à des raids aériens écrasants dirigés contre lui, raids qui ont rapidement élargi leur objectif pour détruire Beyrouth et une grande partie du Liban.


La confiscation des terres palestiniennes sur la Rive Gauche a progressé lentement, mais sûrement tout au long des 30 dernières années ; on le voit au grand nombre de colonies illégales, empiétant chaque année un peu plus sur la Rive Gauche palestinienne. Et la preuve en est apportée par les réponses à des questions telles que : «Qui construit des murs ?» «Qui contrôle les points de passage ?» «Qui contrôle l’eau ?» «De qui les droits humains sont-il protégés ?» et la liste des questions est encore longue. La destruction du Liban et le mépris manifesté pour les droits de sa population ont eu lieu – peut-être pas intentionnellement – avec l’appui formel de notre Président.


Au moment du déclenchement de la guerre par Israël, la destruction du Liban m’a pris par surprise – encore que cela n’aurait pas dû être le cas. Ce n’est que l’aboutissement de ce qui, lentement, au fil des ans, a été fait par Israël au peuple palestinien. Mais plutôt que d’agir pas à pas, Israël a cette fois entrepris une guerre éclair de destruction et de conquête; l’idée était d’en finir rapidement pour que si possible, elle soit oubliée tout aussi rapidement. Je crains que cela ne sera pas le cas. 


Le 3 août, j’ai parlé par téléphone à une personnalité éminente, respectée dans le monde entier et qui vit en Israël. Il est citoyen israélien et aussi chrétien palestinien. Il est connu et respecté tant par les Israéliens que par les Palestiniens. Il a fondé une grande université dont les professeurs sont Israéliens et Palestiniens et dont le corps estudiantin reflète la population vivant en Israël.


Il a le cœur brisé ; il connaît personnellement beaucoup de ceux au Liban qui souffrent énormément aujourd’hui. Je suis sûr que beaucoup d’autres personnes pleurent dans le monde entier .


J’ai visité Beyrouth pour la première fois, avec mon père, il y a 52 ans. Il se rendait en Thaïlande dans le cadre d’un mandat du ministère des Affaires étrangères. De Beyrouth, nous nous sommes rendus à Damas pour y rencontrer un de ses collègues qui était là-bas. La route que nous avions suivie ce jour-là est aujourd’hui bloquée parce que la plupart des ponts ont été détruits. Je pose la question : «Est-il vraiment possible de faire la paix en détruisant des ponts ?»


4 août 2006

Source: Service de presse évangélique méthodiste (UMNS)