Par Tom McAnally*
Selon les membres de la Commission sur l'unité chrétienne et les affaires interreligieuses de l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM), le dialogue interreligieux, notamment entre chrétiens et musulmans, est plus difficile qu'on ne l'imaginait, en particulier après les attaques terroristes du 11 septembre.
Un débat sur certaines de ces difficultés était à l'ordre du jour de la commission de 40 membres qui s'est réunie du 4 au 7 avril dans un centre de retraites catholique.
Des échanges ont lieu entre musulmans et chrétiens mais, selon le pasteur Bruce Robbins, directeur exécutif de l'agence basée à New York. nombre de chrétiens se sentent interpellés par l'affirmation exclusive que Jésus est la seule voie de salut.
Les membres de la commission ont reçu des documents présentant différentes positions théologiques, dont un dossier "Suprématie du Christ". Un article du pasteur Dean Gilliland, professeur évangélique méthodiste au séminaire théologique Fuller de Pasadena, Californie, également membre du comité de l'officieuse Société de mission, relève que: "Le salut, tel que les chrétiens le connaissent en Jésus Christ, ne peut pas être trouvé dans l'islam. L'islam n'est pas une religion de foi en Dieu (Allah) ou d'alliance avec Dieu, mais d'obéissance aux prescriptions des lois".
Par contre, le pasteur Wesley Ariarajah, professeur de théologie oecuménique à l'Ecole universitaire de théologie Drew, de Madison, New Jersey - un institut lié à l'EEM - a proposé un point de vue nettement différent lors de la réunion de la commission. Il a animé deux études bibliques et a participé à une table ronde avec le pasteur Leicester Longden su : "Engager le dialogue avec l'autre : le dialogue interreligieux en temps de crise".
Longden, un évangélique méthodiste canadien, est professeur associé d'évangélisation et de formation des laïques au séminaire théologique de Dubuque, Iowa. Chrétien de la troisième génération, originaire de Sri Lanka, Ariarajah a travaillé pendant 10 ans au Conseil œcuménique des églises, au sein duquel il a animé des dialogues interreligieux.
Au cours de leur débat, les deux hommes ont convenu qu'un temps de crise n'est pas le meilleur moment pour s'engager dans un dialogue interreligieux. Cependant, le 11 septembre a provoqué une nouvelle prise de conscience et un nouvel intérêt pour les relations interreligieuses, qui autrement ne se seraient pas produits, ont-ils dit.
"Le dialogue interreligieux n'est pas un service d'ambulances", a dit Ariarajah. "C'est un programme de santé publique".
Les traditions religieuses se sont développées dans l'isolement et les chrétiens sont les plus mal équipés pour gérer les conflits et les tensions inhérents au dialogue interreligieux, a ajouté Ariarajah. "Si nous ne comprenons pas notre propre foi et ne savons pas quelque chose de la foi des autres, nous ne pourrons pas gérer cette crise". Souvent, a-t-il dit, la perception qu'ont les chrétiens de Dieu, du Christ et de la mission est un obstacle à l'établissement de relations avec des personnes adeptes d'une autre foi.
"En tant que chrétiens, nous devons engager le dialogue avec nos voisins adeptes d'une autre foi parce que nous croyons que la terre et tout ce qu'elle contient sont à Dieu", a-t-il dit. "Il n'y a qu'un Dieu. Personne n'est hors d'atteinte de l'amour de Dieu et de sa protection".
"Si le dialogue interreligieux ne commence pas par admettre que tous les êtres humains sont sous la miséricorde et la providence de Dieu et que Dieu est le Dieu de toutes les nations et de toute la création, alors nous avons un problème", a-t-il dit.
Longden a appelé à un équilibre entre une vue "pluraliste", qui offre de nombreuses voies vers Dieu et une vue "particulariste", qui demande que l'on entre en dialogue à partir d'une position d'ancrage ferme dans sa foi.
"Les pluralistes tendent à être connus comme pensant que tous les croyants sont sensibles à la transcendance", a-t-il dit. Si le pluraliste a déjà décidé de la manière de comprendre les différences, il n'y aura pas vraiment dialogue. Ce sera la réduction du particulariste au silence".
Il a souhaité un dialogue qui mette l'accent sur une "relation entre des personnes, pas simplement des formules théologiques". Catégoriser des chrétiens en "exclusivistes" et en "inclusivistes" par rapport à la question de la suprématie du Christ est une façon "de mettre à l'index et de rejeter des gens", a-t-il déclaré.
"Les diverses convictions religieuses sont orientées dans des directions différentes et posent des questions différentes", a-t-il dit. Il existe un danger que nous changions d'autres religions en échos de la nôtre". Il a mis en garde contre une tendance à réduire des affirmations religieuses à une auto-compréhension humaine. Tout en soulignant que Dieu peut travailler hors de la chrétienté, il a montré que "le christianisme a son propre rôle spécifique à jouer".
Ariarajah a repris ce thème lors de l'étude biblique du lendemain. "Si la suprématie du Christ constitue notre préalable au dialogue, alors il n'y aura pas de dialogue", a-t-il déclaré.
Il a suggéré que le récit du Nouveau Testament sur la rencontre de Jésus et de la Samaritaine pouvait servir de modèle pour le dialogue interreligieux. En lui demandant à boire et en ayant une conversation avec cette femme, Jésus a rompu les barrières sociales, religieuses et de genre de son époque, a-t-il montré.
"Un dialogue commence lorsque quelqu'un est prêt à franchir des frontières. …Ce qui se passe à ce moment-là est une conversation personnelle au cours de laquelle Jésus révèle qu'il connaît l'histoire de la femme et sa situation maritale et elle demande pourquoi les Juifs disent qu'on ne peut adorer qu'à Jérusalem", a dit Ariarajah. Il a relevé que Jésus a répondu en disant que "le temps viendra où l'on n'adorera ni sur cette montagne ni à Jérusalem, …Dieu est Esprit et ceux qui adorent Dieu l'adoreront en esprit et en vérité".
Jésus a changé le cadre théologique du dialogue, selon Ariarajah. "Il n'a pas dit: 'Désolé, mais tu dois adorer à Jérusalem'. Il n'a pas cherché à saper les fondements de la religion de cette femme et à dire qu'elle était une victime de l'histoire. Il a trouvé une nouvelle façon de parler de l'adoration. Il nous faut trouver un moyen de parler de Dieu comme étant le Dieu de tous les êtres humains".
Bien que la femme n'ait pas eu conscience de ce que Jésus était le Messie, elle a été touchée par la façon dont il l'avait traitée, a poursuivi Ariarajah. "Elle a été impressionnée par le fait que Jésus la connaisse".
Ariarajah a raconté qu'ayant été invité à s'adresser à une réunion d'Hindous, il avait commencé par faire référence à leurs saints et leurs livres sacrés. "Le fait que je connaisse leur religion les a impressionnés", a-t-il dit. "La Samaritaine a dit de Jésus: 'Il me connaît' ".
Trop souvent, lors des dialogues interreligieux, les chrétiens commencent très vite à parler d'eux-mêmes, a-t-il dit. "Il est important que nous sachions qui sont les autres. C'est cela, plus que tout autre facteur, qui va ouvrir le dialogue interreligieux. Je suis plus disposé à dialoguer avec des gens qui prennent le temps d'apprendre à me connaître."
Lors de la réunion précédente de la commission, quelques semaines après le 11 septembre, les membres avaient rencontré des dirigeants musulmans dans un centre islamique de la région de Los Angeles. Robbins a déclaré qu'il espérait que le mouvement vers des relations plus fortes et des contacts réguliers pourrait se poursuivre, ajoutant qu'après la réunion, il avait continué à parler avec ces gens.
D'après Robbins, une documentation visant à faciliter le dialogue interreligieux sera incluse dans un dossier qui sera envoyé prochainement à tous les pasteurs évangéliques méthodistes.
Dans le rapport qu'il a présenté en tant que responsable exécutif de l'agence, il a dit qu'il était "angoissé" par la crise au Proche-Orient et inquiet à l'idée que les fragiles relations entre juifs et chrétiens puissent en être gravement affectées.
La prochaine réunion de la commission est prévue du 26 au 29 septembre à Daytona Beach, Floride.
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McAnally, qui était directeur du Service de presse évangélique méthodiste, a pris sa retraite le 31 décembre 2001.
9 avril 2002
Source: Service de presse évangélique méthodiste (UMNS)