France, Mont-de-Marsan: un pasteur méthodiste engagé auprès des demandeurs d’asile

Dans ce numéro 10 d’ENroute, plusieurs acteurs sont interrogés à propos de leur engagement auprès des réfugiés, dont le pasteur Vivian Bénézet, pasteur de la communauté méthodiste de Mont-de-Marsan. Voici l’intégralité de l’interview condensée dans le journal.


<En Route (ER : Comment naît une vocation de responsable d'antenne de la Cimade ? Comment en vient-on à ce poste de responsabilité ?


Vivian Bénézet (VB) : Personnellement, c'est une collaboration avec le pasteur de l'Eglise Réformée de Mont-de-Marsan qui m'a permis de travailler à la Cimade. Il m'a proposé de monter un groupe de la Cimade dans les Landes et d'en devenir le président. Le président d'un groupe de Cimade a surtout un travail relationnel avec les institutions (administration, préfecture) mais aussi avec les autres associations à caractère social, le MRAP, le CADA (Centre d'Accueil des Demandeurs d'Asile) qui s'occupe justement des réfugiés politiques et économiques venant en France et les héberge en attendant de recevoir leurs papiers de la Préfecture.


<ER : Pour être clair, la Cimade est une sorte d'interface pour faire la médiation entre les pouvoirs publics et les demandeurs d'asile ou les réfugiés potentiels ?


VB : Le rôle de la Cimade est essentiellement un rôle de défense au niveau des droits. Elle ne s'inscrit pas dans le cadre d'une politique qui consisterait à défendre à tout prix mais plutôt de permettre à des personnes qui ne connaissent pas les lois françaises de pouvoir se défendre avec un avocat, avec un service juridique, mais nous ne faisons pas des choses hors la loi.


<ER : Vous faites les choses en équipe, vous prenez la défense de ces personnes avec des personnes bénévoles compétentes ?


VB : On travaille avec plusieurs associations (l'UNICEF, Amnisty International, MRAP, La Ligue des Droits de l'Homme, etc...) pour constituer une équipe et monter des dossiers de défense de ces hommes et de ces femmes et souvent de ces familles.


<ER : Quelle est l'ampleur de cette mobilisation associative ?


VB : A Mont-de-Marsan, elle est très importante : nous avons ce qu'on appelle une commission des déboutés du droit d'asile, qui se préoccupe du sort de gens qui, dans un premier temps, ont essuyé un refus de l'Etat et la préfecture et nous les aidons à faire appel de cette décision et les accompagnons au niveau juridique comme au niveau humain dans ces démarches, parce que ces gens sont souvent très, très seuls, isolés et sans personne à qui parler.


<ER : L'obstacle de la langue n'est pas dérisoire ?


VB : Oui, dans les équipes que nous formons, nous avons plusieurs personnes parlant des langues étrangères. En France, parler le russe, c'est très important, parce qu'il y a beaucoup de gens originaire des pays de l'Est. Autres langues usitées, l'anglais, l'arabe...


<ER : Nous avons évoqué la mobilisation importante du mouvement associatif, mais le flot de réfugiés prend quel volume ?


VB : Je ne saurai pas dire exactement...


<ER : Combien de personnnes défilent dans vos bureaux et font l'objet de prises en charge ?


VB : Tous les réfugiés en France ne passent pas par la Cimade. Quelques fois, ils se débrouillent seuls, quelques fois ils ne connaissent pas la Cimade et ne viennent donc pas les voir, nous voir. Nous, nous en voyons peut-être une dizaine par an pour le moment, mais nous sommes une association jeune.


<ER : Et quel est le degré de réussite de ces démarches ?


VB : Ça dépend des dossiers. Il y a des dossiers indéfendables, mais il y a aussi des dossiers sur lesquels nous devons nous pencher, parce qu'ils révèlent une réelle détresse et une réelle peur, peur de retourner dans leur pays.


<ER : Qu'en est-il de ces personnes, dont la vie est menacée dans leur pays d'origine, seront-ils assurés d'une réponse favorable par les services de l'OFPRA, par les autorités concernées ? Est-ce qu'ils vont obtenir gain de cause ?


VB : La France mène une politique visant à reconnaître les pays en guerre et en conflit interne, à ce jour une dizaine de pays, par exemple, l'Ouganda, le Kosovo ou l'Afghanistan, pour ne citer que ces pays... Mais dans le cas de conflits internes non reconnus par la France, il est assez difficile pour la personne d'être reconnue réfugiée.


<ER : Et même dans le cas de pays qui sont en voie de pacification, dont le processus de paix est enclenché (l'Angola par exemple), rien ne garantit la prise en compte de ces dossiers.


VB : Des pays comme le Rwanda sont reconnus, mais comme ils sont en voie de pacification officiellement, il importe pour le demandeur d'asile de monter un dossier pour prouver que sa vie est en danger dans son pays d'origine: elle doit avancer des preuves et des témoignages à l'appui de son récit, comme quoi elle a subi des menaces de mort, etc....


<ER : N'est-ce pas trop demander à des personnes qui ont dû fuir en catastrophe et qui ont du mal à renouer avec leurs contacts dans leur pays d'origine ?


VB : C'est souvent des gens meurtris, blessés. Je pense à ce Tchétchène qui dernièrement était très biolent autour de lui, parce que sa famille était assassinée par les Russes et il était comme perdu. C'est la raison pour laquelle l'accompagnement n'est pas seulement d'orre juridique, législatif et judiciaire mais aussi humain fait d'acoute: il s'agit d'écouter ce que ces gens ont à dire et de développer notre don de compassion et d'amour envers ces hommes et ces femmes.


<ER : Nous abordons là la dimension de l'Evangile. Quel sera l'apport spécifique de la Cimade sous cet angle, au-delà de l'écoute ?


VB : Au-delà de la Cimade, il y a la Bible qui nous apprend que le peuple d'Israël doit accueillir l'étranger avec amour. L'étranger n'est pas un ennemi, mais quelqu'un à aimer comme un frère. La Cimade est d'inspiration protestante, chrétienne à l'origine et dans son article 1 elle parle de témoignage chrétien et il faut adhérer à cet article 1 pour adhérer à la Cimade. Tout le monde n'adhère donc pas à la Cimade. Des gens qui ne croient pas en Dieu ou en tout cas qui sont contre Dieu ne peuvent pas adhérer à la Cimade.


<ER : Est-ce que, en tant que pasteur de l'Eglise méthodiste de Mont-de-Marsan, vous avez eu directement prise avec un demandeur d'asile dans votre communauté ?


VB : Oui, nous avons eu, il y a quelques années, une famille arménienne, d'un pays, l'Arménie que la France ne reconnaît précisément pas comme étant en conflit, puisque ce pays est comme on dit en voie de démocratisation-, nous avons donc accueilli cette famille pendant deux ans et nous avons pleuré et prié avec elle. Nous avons vécu avec elle des moments forts, de joie et de peine, quand nous l'avons vue repartir dans son pays.


<ER : Bon gré, mal gré ?


VB : Impuissants face aux lois iniques quelques fois, que l'on considère en tout cas iniques, d'expulsions de personnes et de familles qui n'ont rien fait de malhonnête et qui n'ont en tout cas commis aucun délit, de les voir considérer comme des délinquants, comme des gens qui ont fait une faute, celle de ne pas être français.


<ER : Tristes mais pas découragés ?


VB : Il y a aussi la joie de voir des dossiers aboutir et des gens obtenir leurs papiers, mais tout n'est pas réglé pour autant. Il faut aussi qu'ils puissent trouver du travail et subvenir ainsi à leurs besoins et dans ce domaine-là il semble que des lois interdisant aux gens d'avoir leurs papiers permette à ces personnes d'entrer dans des engrenages d'esclavage moderne avec des gens qui profitent d'eux, qui les paient au lance-pierre tout cela parce qu'ils n'ont pas de papier et ne peuvent pas travailler. L'esclavage moderne existe bel et bien en France.


<ER : Autre motif de combat, merci Vivian.


Propos recueillis par jp.w

Source: EEMNI/ENroute