« Vivant jusqu’à la mort ». Texte de la Fédération protestante sur la question de la fin de vie
La Fédération Protestante de France est consciente que, dans bien des cas, la manière dont la fin de vie est vécue dans notre pays n'est pas satisfaisante. Elle se vit le plus souvent à l'hôpital, hors du cadre familier de la personne, et fréquemment dans une certaine solitude, apparaissant ainsi angoissante pour nombre de nos contemporains.
Par ailleurs, bien des gens appréhendent la perte de leur autonomie et souhaitent pouvoir échapper à ce qu'elles considèrent comme une mort indigne.
Bien que, selon notre foi, nous croyions que personne n'est entièrement maître de sa vie et que la dignité et la valeur irréductible d'un être humain ne dépendent en rien des conditions extérieures ni même de son état physique ou psychique, nous entendons ces craintes et considérons que la société doit chercher à y répondre.
Il est vrai que, trop souvent, par manque d'informations, certaines personnes n'ont pas une conscience très claire des possibilités actuelles au niveau médical et législatif.
D'une part, le développement des soins palliatifs est déjà à même de répondre à bien des besoins en prenant soin des souffrances physiques et en accompagnant psychologiquement, voire spirituellement, les personnes dans les derniers jours de leur vie. Il est nécessaire de développer de tels services et plus encore, de favoriser une culture des soins palliatifs dans l'ensemble des services concernés par l'accompagnement de la fin de vie.
D'autre part, sait-on assez que, depuis 2005, la loi a évolué et ouvert des possibilités qui répondent déjà largement aux besoins et aux angoisses des personnes en fin de vie. Chaque patient est ainsi en droit de refuser toute obstination déraisonnable et même de refuser tout traitement. Face à des douleurs insupportables, il est possible de proposer des sédations en phase terminale qui soulagent le patient en le rendant inconscient, même si ce traitement peut parfois avoir également pour effet d'abréger la vie.
La loi peut certainement être améliorée, en particulier en rendant plus claire la possibilité de sédation en phase terminale ou en précisant la nécessité du caractère collectif des décisions à prendre dans ces situations extrêmes. Mais il nous semble qu'ainsi complétée, elle répond très largement aux situations dramatiques qui peuvent se produire.
Par ailleurs, si toute demande de mettre fin à ses jours doit être entendue comme un appel, il est extrêmement difficile de déterminer dans quelle mesure cette demande est destinée à durer. Nombreux sont les cas où une attention affectueuse et un accompagnement de la personne dans ses différents besoins ont abouti à un apaisement réel et à la fin de la demande.
Actuellement, la société dans son ensemble - et cela concerne en particulier les soignants qui ont une responsabilité particulière - est perçue comme devant apporter aide et soutien. Un changement de la loi, autorisant à donner ou à faciliter la mort, ne pourrait qu'ébranler la confiance que la personne peut faire à son entourage. Elle pourrait même susciter chez certains, par souci de ne pas peser sur les leurs ou même la société, une sorte de « devoir » de quitter la vie.
En outre, le poids des contraintes économiques qui prennent une place toujours plus grande dans notre société – et dans notre système de soins - laisse craindre la possibilité de dérives qu'il est facile d'imaginer.
Le conseil de la FPF considère donc qu'il serait regrettable et dangereux que l'euthanasie soit dépénalisée et inscrite d'une manière ou d'une autre dans la loi.
Une telle affirmation n’empêche pas toutefois de prendre au sérieux la possibilité, dans des cas extrêmes, de répondre à la demande du patient d’une assistance médicalisée pour une fin de vie. Par cette assistance médicalisée s’exprimerait, dans le discernement commun et dans la confiance réciproque, non seulement la reconnaissance de la dignité et de la volonté du patient, mais aussi et surtout la pleine solidarité du corps social tout entier qui accompagne un de ses membres jusqu’à la fin, solidarité de la famille, des proches et du corps médical.
Mais une loi ne pourra jamais répondre à tous les cas de figure et on peut imaginer que des situations demeureront dans lesquelles les soignants pourront en conscience penser qu'accéder à la demande d'une personne qui souhaite mourir sera la seule réponse possible. S’il est important que cela demeure une transgression de la loi, il l’est plus encore d’être attentif à la singularité de chaque situation, et d’accompagner les patients, leur entourage, les médecins et le personnel soignant dans ces moments ultimes, où la conscience de chacun est engagée.
En effet, nous croyons que la vie est donnée par Dieu, qu’elle n’est pas sacrée en elle-même et qu’elle prend sa pleine signification selon le cadre relationnel dans lequel elle s’inscrit. C’est à protéger ce cadre que la loi doit veiller ; c’est à le rendre toujours plus vivant et respectueux de chacun que nous voulons contribuer.
16 janvier 2014
FPF / protestants.org