'Agir ensemble': les Eglises mises au défi de tenir leurs promesses d’action contre le VIH et le SIDA

Par Frank Imhoff


Pour les chrétiens, le respect des promesses faites est un élément de la foi qui peut et doit être appliqué lorsqu’ils réagissent au VIH et au SIDA. Hier, quatre intervenants ont été invités pour ouvrir la pré-conférence œcuménique intitulée « La foi dans l’action : tenir sa promesse ». Ils ont lancé un défi aux 500 participants, celui d’évaluer leur propre travail de défense des intérêts des personnes qui vivent avec le VIH et le SIDA.


La pré-conférence oecuménique (les 10 et 11 août) et une pré-conférence interreligieuse (le 12 août) qui ont lieu à l’Université de Toronto précèdent le Congrès international sur le SIDA qui se tiendra au Palais des congrès du Toronto métropolitain (PCTM) du 13 au 18 août.


La sœur Patricia Talone, vice présidente des services de missions de la Catholic Health Association (Association catholique pour la santé) à Saint-Louis (Etats-Unis), a rappelé que les enfants accentuent les promesses en prononçant « croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer ». Cette expression « contient un sens intuitif selon lequel le fait de donner sa parole implique de donner également l’essence – la vie et le sang de la vie – de ce que l’on est. Cela fait partie de l’identité d’une personne », a-t-elle déclaré.


La sœur Talone a souligné quatre aspects de l’« engagement », dans les écritures judéo-chrétiennes, qui s’appliquent aux ministères chrétiens en ce qui concerne les personnes touchées par le VIH et le SIDA. Premièrement, Dieu a une relation fidèle avec la création de Dieu. Deuxièmement, en tant qu’enfants de Dieu, « nous devons reconnaître que nous sommes frères et sœurs », a-t-elle affirmé. Troisièmement, Dieu appelle les gens qui ont la foi à donner la priorité absolue au pauvre, au malade et au vulnérable. Quatrièmement, l’engagement entre Dieu et ses fidèles « oblige chacun d’entre nous à respecter sa part du marché ».


« Si notre génération ne prend pas ses responsabilités, si elle ne reconnaît pas le fait que nous sommes tous des frères et sœurs qui souffrons et si elle n’agit pas en conséquence, » a déclaré la sœur Talone, « alors nous risquons de perdre plus que notre richesse, notre culture et notre mode de vie. Nous risquons de voir notre propre identité humaine nous glisser entre les doigts ». Puis elle a conclut : « Notre foi exige plus de notre part. Notre Dieu exige plus de notre part. Nos frères et sœurs qui sont partis avant nous exigent plus de notre part. Notre futur exige plus de notre part ».


Selon le père Johannes Petrus Heath, Secrétaire général du Réseau africain de responsables religieux vivant avec le VIH ou le SIDA ou personnellement touchés par eux (ANERELA+), de Johannesburg (Afrique du Sud), « Evoquer le VIH et le SIDA revient avant tout à réfléchir sur la façon dont les communautés religieuses nous perçoivent par rapport à ce que Dieu nous a appelé à être. A de nombreux égards, le VIH et le SIDA nous ont simplement donné un outil, un miroir, pour observer plus attentivement la façon dont nous nous comportons vis-à-vis du monde dans son ensemble.


« La communauté des fidèles a la charge de se comporter en acteurs et de militer. Nous pouvons faire pression sur nos gouvernements ; nous pouvons militer pour des structures civiles ; nous pouvons militer pour des systèmes de soins de santé », a déclaré le père Heath. « Mais les communautés religieuses ont la possibilité de faire bien plus que de simplement militer pour que d’autres personnes fassent le travail », a-t-il précisé.


« Nous, les communautés religieuses, sommes les personnes qui ont été appelées par Dieu pour prodiguer les soins, pour être les cœurs, les oreilles, les yeux, les pieds de Dieu sur la Terre », a affirmé le père Heath. « Il est triste de devoir encore poser la question ‘Qu’est-ce que c’est, tenir une promesse ?’ », a-t-il déploré. « Pourquoi passons-nous de la réflexion à la mise en pratique de la politique ? Parce que tenir une promesse, pour moi, cela signifie être le cœur de Dieu sur Terre ».


Andy Seale, responsable des partenariats avec les organisations de société civile dans l’unité « Politiques, évidence et partenariats » du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA), a exhorté les participants de la pré-conférence à « ne pas perdre de vue ce qui [les] a motivé au départ à [s’]impliquer dans le travail sur le SIDA ». « Rappelez-vous l’élément ou la personne qui vous a inspiré à travailler sur le SIDA. Cette prise de conscience peut vous aider à votre tour à inspirer d’autres personnes à passer à l’action », a-t-il affirmé.


Andy Seale a décrit UN+, une association d’employés séropositifs à l’ONU. « Nous sommes des médecins, des cadres, des chauffeurs, des rédacteurs, des membres du personnel de sécurité, des secrétaires, des experts en protocole ou en logistique. En bref, nous nous trouvons à tous les niveaux aux Nations Unies », a-t-il déclaré.


« Les personnes séropositives apportent une contribution positive à tous les aspects de la société, a affirmé Andy Seale. « Que vous élaboriez des politiques pour le lieu de travail, des liturgies ou que vous travailliez au lancement d’initiatives visant à faire barrage au SIDA, je vous supplie de suivre un principe important. Faites toujours participer activement les personnes vivant avec le VIH et mettez-les toujours au cœur de vos activités. Nous pouvons faire la différence pour une meilleure qualité et une meilleure efficacité du travail sur le SIDA », a-t-il affirmé.


Le pasteur Adam Taylor, directeur de campagne et de l’organisation chez Sojourners à Washington, a utilisé une histoire tirée de la Bible pour comparer la réponse de David à Goliath avec la réponse de l’Eglise au VIH et au SIDA. « Dieu a déjà fourni les ressources », a-t-il affirmé. David a trouvé cinq pierres lisses pour abattre Goliath.


« Je veux vous donner cinq pierres lisses », a déclaré le pasteur Taylor. Premièrement, l’Eglise doit surmonter sa peur des « autres ». Jésus avait prêché parmi les travailleurs du sexe de son époque, a-t-il rappelé. « L’Eglise a un message qui peut briser la stigmatisation ».


La deuxième « pierre lisse » est la ressource que l’Eglise met à disposition pour « la compassion et la charité ». Le pasteur a déclaré que ces ressources pouvaient faire bien plus que rétablir la justice. Il a exhorté les Eglises à utiliser une troisième ressource, leur voix prophétique, afin de parler « au nom des dépossédés ».


Les Eglises, entre autres, ont réagi au VIH et au SIDA au moyen de l’ABC, l’acronyme anglais pour « Abstinence, fidélité et préservatifs », a déclaré le pasteur Taylor. Une quatrième « pierre lisse » serait de passer à MPF : médecins, prise de pouvoir et foi, a-t-il préconisé. Enfin, la cinquième pierre serait d’amener la structure internationale de l’Eglise à soutenir le mouvement contre le SIDA.

« Le mouvement contre le SIDA a connu de nombreuses victoires, mais l’heure n’est pas à l’autosatisfaction. Il nous reste encore beaucoup à faire », a ajouté le pasteur Taylor.



Le 11 août 2006


Source: Alliance œcuménique « agir ensemble »