L’initiative populaire fédérale « Pour le renvoi effectif des étrangers criminels » demande une automatisation des renvois sans tenir compte ni de la situation personnelle ni de la gravité du délit, méprisant des principes de justice fondamentaux dans un Etat de droit. Les renvois systématiques négligent en outre le droit au respect de la vie familiale. Les citoyens suisses se prononceront le 28 février 2016 sur cette initiative populaire fédérale.
La commission « Église et Société » de l’Église évangélique méthodiste (EEM) prend position contre l’«inégalité de traitement entre les étrangers et les Suisses ». Pareil pour La Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS), dont l’EEM est membre.
EEM: « Non à des lois injustes pour les seuls étrangers »
Initiative populaire fédérale ‘Pour le renvoi effectif des étrangers criminels'
1 Les dispositions suivantes sont appliquées en vue d'assurer le renvoi effectif des étrangers criminels:
I. Expulsion
1. Si un étranger est condamné pour l'une des infractions énumérées ci-après, et quelle que soit la quotité de la peine qui a été prononcée à son encontre, le tribunal ou le ministère public prononcent son expulsion du territoire suisse:
a. meurtre (art. 111 du code pénal, CP2), assassinat (art. 112 CP), meurtre passionnel (art. 113 CP);
b. lésions corporelles graves (art. 122 CP), mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP);
c. effraction, entendue comme la réalisation cumulative des éléments constitutifs des infractions de vol (art. 139 CP), de dommages à la propriété (art. 144 CP) et de violation de domicile (art. 186 CP);
d. vol qualifié (art. 139, ch. 2 et 3, CP), brigandage (art. 140 CP), escroquerie par métier (art. 146, al. 2, CP), extorsion qualifiée (art. 156, ch. 2, 3 et 4, CP), recel par métier (art. 160, ch. 2, CP);
e. escroquerie (art. 146 CP) à l'aide sociale et aux assurances sociales, et abus en matière d’aide sociale et d’assurances sociales (ch. V.1);
Extraits
Suite à cette initiative populaire, les électeurs devront voter le 28 février prochain si les personnes sans passeport suisse condamnés pour certains crimes et sans égard à leur situation individuelle doivent quitter le pays. À la Constitution serait ajoutée une liste d’infractions conduisant à l'expulsion. En plus de crimes tels que l’assassinat, le viol ou les lésions corporelles graves apparaissent aussi des infractions telles que le vol simple, l'effraction ou l’escroquerie à l'aide sociale et aux assurances sociales dans le menu détail du texte constitutionnel soumis au vote des électeurs.
«Eglise et Société» se prononce contre un traitement différencié entre Suisses et étrangers dans ce domaine: « D'un point de vue chrétien et méthodiste, il est inacceptable de traiter les personnes résidant en Suisse différemment selon leurs différences d’origine et leur racines nationales seulement ». Cette initiative empêcherait toute clause de rigueur. Les autorités compétentes n’auraient guère de marge de manœuvre. En vertu de la nouvelle loi, les juges ne pourraient plus effectuer un examen au cas par cas.
« Tout homme peut fauter » dit « Eglise et Société ». Montrer plus de compassion et de justice à des citoyens suisses qu’à des étrangers et à des immigrants de deuxième génération contredit les conceptions juridiques de la Bible vieilles de 2500 ans (par exemple Nb 15.16: « les lois et les règles sont identiques pour vous et pour les étrangers »).
Il serait certainement juste que, comme par le passé, des étrangers qui ont commis des crimes graves tels que le viol ou le meurtre, après avoir purgé leur peine, perdent leur droit de résidence en Suisse, écrit « Eglise et Société ».
Toutefois, il n’est guère concevable qu’un père de famille par exemple, doive quitter la Suisse automatiquement et sans audience en raison de délits mineurs et qu’ainsi la famille soit déchirée. Seraient également affectés les jeunes de 2e génération qui n’avaient même jamais vécu dans un autre pays que la Suisse, et dont l’intégration dans le pays de leurs parents serait inéluctablement vouée à l’échec ».
La FEPS dit non à l’initiative «Pour le renvoi effectif des étrangers criminels»
La Fédération des Eglises protestantes de Suisse rejette donc ce texte en votation le 28 février.
L’initiative « Pour le renvoi effectif des étrangers criminels (initiative de mise en oeuvre) » attaque directement la Suisse en tant qu’Etat de droit. En effet, dans le système de droit suisse, la peine doit être équitable, proportionnelle par rapport au délit. Or l’initiative propose de remplacer l’examen de chaque cas par des renvois automatiques. Elle ignore par ailleurs deux autres fondements de notre droit : le principe du sens de la peine, ainsi que l’objectif de resocialisation.
Avec l’automatisation des renvois, des familles seraient séparées dans le mépris du droit au respect de la vie familiale. En ignorant ainsi ce droit, le texte de l’initiative fait primer le droit national sur les droits de l’homme, établissant un dangereux précédent.
Enfin, le nom de l’initiative est trompeur. Il ne s’agit pas simplement d’appliquer ce que proposait l’initiative « Pour le renvoi des étrangers criminels » que le peuple suisse a accepté le 28 novembre 2010. L’initiative en votation le 28 février 2016 va plus loin, élargissant le catalogue de délits menant à un renvoi.
14.01.2016
Traduction eemni