Incapable de trouver le sommeil après la mort de son épouse le 19 novembre, Richard Cory s'assit devant ordinateur et tapa un message de courrier électronique pour un ami.
Cet ingénieur de 43 ans, de Chesapeake, Virginie, n'avait jamais rencontré en personne cet ami, un médecin ougandais vivant au Swaziland. Leur relation avait commencé après que cet ami, que Richard appelle le Dr Alex, eût découvert quelques articles écrits par Richard pour le réseau des Ministères électroniques auprès des Sidéens («Computerized AIDS Ministries», CAM) du Comité pour la Mission globale de l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM)
Ces articles décrivaient les luttes et les victoires de Richard et de sa famille. En 1986, Catherine, son épouse, avait reçu une transfusion sanguine en raison de complications survenues lors de la naissance de leur fils Alex. Deux ans plus tard, alors qu'elle effectuait un don de sang, on s'aperçut que Cathie et Alex, nourri au sein, étaient tous deux porteurs du virus du Sida.
Richard expliqua: "Il m'avait écrit au sujet des mes pages sur la Toile et dit qu'il prenait contact avec moi parce qu'il se sentait découragé et n'arrivait à rien". Le médecin examinait quotidiennement de six à huit nouveaux patients HIV-positifs, mais il n'avait aucun médicament à leur donner. Dès lors, les deux hommes se sont soutenus et encouragés mutuellement via Internet.
Le Dr Alex est l'une des nombreuses personnes dans le monde, affectées par le HIV/Sida, avec lesquelles Richard était entré en contact au cours de la décennie écoulée. En liaison avec des voisins, des amis, des collègues de travail et deux paroisses EEM locales, elles avaient apporté leur soutien après la mort de Cathie, décédée à l'âge de 42 ans, des suites d'effets secondaires de médicaments qui avaient endommagé son foie.
"J'ai été richement béni", écrivit Richard à son ami ougandais. "J'ai reçu la bénédiction de 15 années de mariage et d'une épouse qui, même aux heures les plus sombres, était pleine de vie et relevait le moral de tout son entourage. J'ai reçu la bénédiction d'un fils qui a survécu à tous les pronostics des médecins. C'est un jeune qui, à 14 ans, a dû faire face à la possibilité de sa mort et qui, pourtant, vit avec un esprit positif hérité de mon épouse."
Alors qu'une nouvelle fois, le 1er décembre, a eu lieu la Journée mondiale du Sida, Richard continue à puiser dans sa foi religieuse pour trouver la force dont il a besoin. "La mort de Cathie n'est pas une défaite", a-t-il déclaré. "A cause du Christ, nous avons encore et toujours la victoire à travers la mort."
Une telle conviction ne s'acquiert pas facilement. La pasteure Nancy Carter, responsable du réseau CAM, se souvient de la colère de Richard à l'égard de l'Eglise au moment où, en juillet 1993, il s'était abonné pour la première fois à son nouveau bulletin de nouvelles électronique. Il estimait que les Eglises n'avaient guère manifesté de sollicitude pour la situation de santé de sa famille et il était furieux de ce que son fils n'ait pas été admis dans deux écoles dirigées par l'Eglise parce qu'il était porteur HIV.
"Mais l'hospitalité dont Richard a bénéficié (au travers du CAM) et la possibilité d'être intégré dans un 'contexte d'église', même si celui-ci était électronique, ont modifié son horizon spirituel et ouvert son esprit et son coeur à Christ", a ajouté Mme Carter. L'amour et la foi dont qu'il a vécus au CAM l'ont finalement aidé à trouver une paroisse Evangélique Méthodiste dont il est devenu membre et qui a aussi accueilli sa famille."
Richard, qui considère que Mme Carter est l'un des "saints vivants" dans sa vie, a confirmé que le CAM "a été le premier endroit que j'aie trouvé offrant un message de foi et d'espérance centré sur le fait que des gens vivent avec le Sida."
Les Cory ont ainsi perdu leur peur de parler de leur situation à d'autres personnes. Quand on diagnostiqua chez Alex, alors âgé de 6 ans et qui avait jusque-là vécu assez normalement, un Sida bien développé, Richard décida de "le crier sur les toits". Il suivit un cours pour devenir instructeur HIV/Sida de la Croix-Rouge, de manière qu'il puisse former des gens ainsi que partager son expérience personnelle. Il devint également membre de l'équipe des conférenciers de la Cellule de crise en matière de Sida pour la localité de Tidewater, Virginie.
Dans le même temps, ses contacts via Internet s'étendaient et aujourd'hui encore, il reçoit au moins deux à trois courriers électroniques par mois d'inconnus qui sont arrivés sur le site du CAM et éprouvent le besoin d'écrire. Les correspondants internationaux venaient, outre du Swaziland, du Panama, de Colombie, de Malaisie, d'Indonésie, d'Egypte, de Russie, d'Angleterre d'Allemagne, de Yougoslavie et d'Afrique du Sud. L'un de ses correspondants d'outre-mer l'a remercié "pour avoir été mon ange lorsque j'étais dans un creux profond et que j'avais besoin de communiquer avec quelqu'un qui avait fait plus de chemin que moi."
Soulignant son attachement à sa famille, Mme Carter a décrit Richard comme un "homme remarquable" qui a connu une croissance spirituelle étonnante au cours de ces sept dernières années.
"L'espérance qu'il a puisée dans sa foi en Jésus Christ a à son tour touché beaucoup d'autres personnes, y compris celles qui font partie du CAM et qui ont lu ses pages sur la Toile, dans lesquelles il parle de son cheminement dans la foi", a-t-elle ajouté. "Grâce à son enseignement et à celui de l'église, son fils adolescent Alex a lui aussi développé une foi profonde."
Richard a déclaré qu'il a récemment renoncé à son statut d'instructeur HIV/Sida parce que la Croix-Rouge lui avait signifié qu'il ne pouvait pas partager sa foi en même temps qu'il enseignait les matières au programme. "Pour moi, cette foi est aussi importante, sinon plus, que tout ce que je pourrais dire d'autre", a-t-il précisé.
Le fait qu'une famille puisse faire face et même se développer sous la menace de que l'on considérait comme la sentence de mort du Sida est un autre élément important de l'histoire des Cory. Alex, qui n'a pas été hospitalisé en plus de trois ans, fait partie de la fanfare de son nouveau lycée et membre du groupe de jeunes de sa paroisse. "En fait, c'est un garçon tout à fait normal, à part le fait qu'il doive prendre une poignée de pilules matin et soir et qu'il soit peut-être un peu plus petit et plus fragile que les autres", a dit son père.
Pendant des années, Cathie était restée sans symptôme, mais en octobre 1998, elle a entamé une thérapie médicamenteuse. Richard et elle étaient tous deux activement engagés dans leur communauté religieuse - tout d'abord la paroisse EEM du Tribunal, dans la localité voisine de Virginia Beach, puis, plus récemment, l'église EEM St. Paul, à quelques pas de leur maison.
Mais en 1999, Cathie a été hospitalisée pendant un mois du fait d'une affection du foie connue sous le nom de stéatose hépatique, un effet secondaire connu de l'AZT, le médicament anti-SIDA qu'elle prenait. C'est à ce moment -là que les médecins ont constaté qu'elle avait contracté une hépatite C qui avait endommagé son foie.
Environ une semaine avant sa mort, on leur annonça que Cathie avait une cirrhose du foie. Ils ne s'attendaient pourtant pas à son hospitalisation d'urgence et finalement son décès, dû à une angoisse respiratoire aiguë. Richard a raconté qu'elle avait malgré tout gardé son sens de l'humour presque jusqu'à la fin, son plus grand souci étant "le grand gâchis" qu'elle avait laissé à la maison et qu'il devrait réparer.
"La dernière chose que j'ai faite pour elle à l'hôpital a été de lui laver les cheveux", s'est rappelé Richard.
Bien qu'ils aient vécu à l'ombre de la mort pendant des années, la fin de la vie de Cathie fut un choc. Lorsque Richard rentra de l'hôpital et tira Alex de son jeu sur l'ordinateur pour lui annoncer la nouvelle, Richard éclata en sanglots.
Alex sut le réconforter. "Papa, nous ne devons vraiment pas être tristes" dit-il à son père, "parce que nous savons qu'elle est allée en un lieu meilleur".
>Source: United Methodist News Service (Trad.: FS)