COE: Travaillons à une transformation selon Dieu

 Naim Ateek (*)


Le thème de la 9e Assemblée du Conseil œcuménique des Eglises - Transforme le monde, Dieu, dans ta grâce - 14-23 février 2006 - évoquait, selon les personnes, des choses différentes. Qu'en est-il pour des chrétiens vivant dans une situation aussi difficile que celle qui prévaut en Palestine? Naim Ateek, éminent théologien palestinien, aborde cette question.


Ce thème est une prière qui, pour les gens de notre peuple, exprime diverses choses. Pour des chrétiens palestiniens, il transmet cinq messages importants dont chacun est essentiel dans le mouvement conduisant à la transformation de nos communautés et du monde.


Il s'agit d'une supplication adressée à Dieu. Nous reconnaissons qu'une transformation est nécessaire et, dans la prière, nous allons directement à celui qui peut amener cette transformation. En fin de compte, c'est Dieu, la source de vie, qui nous renouvelle et nous transforme. Dans les temps de souffrance, de détresse, d'oppression, l'esprit humain se tourne vers Dieu, source de guérison, de réconfort et de libération. Les chrétiens et les musulmans palestiniens, qui subissent l'occupation israélienne de leur pays, ne cessent d'adresser leurs supplications à Dieu. C'est dans la puissance de Dieu que nous plaçons notre foi et notre confiance, non dans la puissance des êtres humains.


Le thème reconnaît la façon dont Dieu transforme. C'est par la grâce, la miséricorde et l'amour que Dieu est en relation avec nous. Ce n'est pas par la violence ou par la guerre qu'il réalise la transformation du monde. La grâce de Dieu englobe l'ensemble des admirables attributs de Dieu. Prier pour obtenir la grâce de Dieu, c'est refuser la façon de faire qui est celle de l'empire et qui provoque le changement au moyen des forces destructrices de la violence et de la guerre. De même, c'est le refus des méthodes utilisées par des extrémistes religieux qui tuent les autres au nom de Dieu. Faire appel à la grâce de Dieu, c'est chercher la volonté de Dieu dans le monde et c'est accomplir cette volonté. La volonté de Dieu est justice, paix, réconciliation, et non domination et oppression.


C'est une prière qui exige une participation active de la part de celui qui implore. Il ne s'agit pas de se tourner vers Dieu pour lui demander de l'aide tout en se calant passivement dans son siège à regarder la façon dont les choses se dégradent. Comme le dit l'apôtre Paul, nous sommes ouvriers avec Dieu. Il est vrai que sans Dieu nous ne pouvons rien faire, mais nous sommes ses partenaires dans son œuvre de transformation. Lorsque Dieu transforme des personnes, celles-ci sont transformées à l'image de celui qui les a transformées. Nous ne pouvons nous contenter d'un simple changement. Nous recherchons la transformation complète des êtres, de l'intérieur, de façon à ce que, à leur tour ils puissent devenir instruments de changement et de transformation. Nous sommes enfants de Dieu lorsque nous nous impliquons dans l'œuvre de bâtisseurs de paix que Dieu nous a confiée par le travail de réconciliation. Nous collaborons avec Dieu pour que ce monde devienne quelque chose de meilleur pour tous.


La transformation suppose une création nouvelle fondée sur la justice et la miséricorde de Dieu. Cela commence au moment où la justice est accomplie afin que la paix puisse être établie. Dans le contexte palestinien, on aura atteint la justice lorsque l'occupation illégale de notre pays par les Israéliens sera terminée. L'objectif de notre action c'est, appuyée sur la base solide de la justice, la coexistence pacifique d'un état palestinien et d'un état israélien, côte à côte. Mais la transformation va au-delà de la réalisation de la justice et de la paix. Il faut qu'elle ouvre le chemin à la réconciliation et au pardon que seule la miséricorde de Dieu rend possibles. La transformation sera réalisée lorsque les Israéliens et les Palestiniens - juifs, musulmans et chrétiens - reconnaîtront leur humanité commune, don de Dieu, et qu'ils vivront ensemble en paix, en bons voisins.


Cette prière vise à une transformation intégrale. Notre monde est devenu si petit que les événements survenant dans un lieu ont des conséquences ailleurs, parfois de façon radicale. L'injustice commise à tel endroit aura des effets en d'autres lieux. En priant et en travaillant pour la transformation, on ne saurait être égoïste. Cela doit englober l'ensemble des peuples du monde. C'est une prière qui doit dépasser les différences confessionnelles, ethniques, raciales. Elle cherche le contact avec tous. Certes, en tant que Palestiniens, nous ressentons notre souffrance, nous prions et agissons pour la fin de l'occupation de notre pays, mais nous ne saurions avoir un esprit de clocher. Nous devons nous souvenir de nos frères et de nos sœurs dans d'autre pays, qui vivent également dans l'oppression et aspirent à la libération. La transformation ne sera jamais totale tant qu'il y aura des opprimés subissant le joug de la domination. L'enjeu consiste toujours à œuvrer avec Dieu pour la transformation du monde.


Prions: Transforme le monde, Dieu, dans ta grâce. Et la grâce de notre Seigneur Jésus Christ, l'amour de Dieu le Père et la communion du Saint Esprit seront toujours avec nous. Amen.


(*) Le pasteur Naim Ateek, ministre de l'Eglise épiscopalienne, est le fondateur et le directeur du Centre œcuménique de Sabeel pour la théologie de la libération, à Jérusalem. Eminent théologien chrétien palestinien, il a publié, entre autres ouvrages, Justice and Only Justice, a Palestinian Theology of Liberation (Orbis, 1989). Il réside et travaille en Palestine/Israël.


01/12/2005

Source: Conseil oecuménique des Eglises (COE)