COE: la guérison, la réconciliation et le Saint Esprit - des jeunes missiologues discutent de l’avenir de la mission chrétienne

Des jeunes théologiens réfléchissent à des thèmes futurs relatifs à la mission : Y a-t-il des guérisons miraculeuses dans les Eglises de notre temps ? Comment les gens peuvent-ils se réconcilier dans une société déchirée, comme dans l’Afrique du Sud d’après l’apartheid ? Comment l’Esprit Saint peut-il nous aider à découvrir une nouvelle conception de la mission ? Réunis à Rome, des jeunes théologiens et théologiennes ont discuté de ces questions et d’autres encore, au cours d’un colloque préparatoire à la Conférence mondiale sur la mission et l’évangélisation, qui doit avoir lieu du 9 au 16 mai 2005 à Athènes (Grèce).


31 jeunes théologiennes et théologiens du monde entier, représentant toutes les grandes familles confessionnelles, se sont rencontrés dans un centre catholique de retraites, juste en face de la basilique Saint-Pierre, du 19 au 25 janvier 2005. Ce colloque de jeunes missiologues, organisé par le Conseil oecuménique des Eglises (COE), avait pour but d’échanger des idées sur les sujets qui seront abordés au cours de la prochaine Conférence mondiale sur la mission et l'évangélisation qui se tiendra à Athènes (Grèce) et qui a pour thème principal : "Viens, Esprit-Saint, guéris et réconcilie !"


"Les Eglises qui, aujourd’hui, grandissent le plus vite sont celles qui donnent une grande importance à la guérison miraculeuse", a déclaré B. Knappstaad dans son allocution d’ouverture. Il est membre de l’Eglise de la Vigne, communauté née aux Etats-Unis, qui associe les convictions évangéliques et pentecôtistes. Il vient de terminer ses études au séminaire luthérien de théologie de Norvège et il s’est particulièrement intéressé aux guérisons miraculeuses.


"C’est un sujet négligé, a-t-il ajouté, mais il faut mettre la guérison miraculeuse à l’ordre du jour du COE. Ce mouvement charismatique se développe aussi au sein des Eglises historiques." Pour Knappstaad, il y a des leçons à en tirer ; il s’agit notamment de considérer de plus près la dimension de pouvoir qu’implique la guérison : "Regardez la Bible : Jésus a passé beaucoup de temps à guérir. Ce n’est pas uniquement symbolique."


Cela remet sérieusement en cause la conception plus figurative de la guérison qu’ont bien des Eglises, qui s’intéressent essentiellement à la relation entre la guérison et la foi plutôt qu’à la relation entre guérison et pouvoir. Mais Knappstaad insiste : "Ce que les gens veulent, c’est la guérison".


"Toutes les Eglises devraient offrir à leurs membres une occasion de recevoir la guérison", poursuit-il, et il voudrait qu’elles adoptent, à cet égard, une attitude proactive : "Voilà comment nous procédons, par le moyen de la prière, de la bénédiction, de l’onction, etc." Pour lui, les pratiques de guérison font partie des différentes traditions chrétiennes et, en la matière, on constate une très grande diversité oecuménique : "Il n’y a pas qu’un seul moyen de guérir ; mais il n’y a qu’un seul Dieu qui guérit".


Dans sa réflexion théologique, Knappstaad tente de combler un profond fossé : "D’une part, affirme-t-il, nous devons accepter le miraculeux. Sinon, on retombe dans une conception dualiste, où Dieu et le monde sont complètement séparés." A son avis, il faudrait arriver à une conception holistique qui transcende les divisions radicales inhérentes à la pensée moderne occidentale et qui inclut la dimension spirituelle du monde.


D’autre part, il soulève une question qui pèse lourd sur les réflexions de la théologie des Eglises institutionnelles à l’égard de la guérison : "Toute théologie et toute pratique de la guérison doivent inclure une dimension qui englobe, d’une manière positive, les gens qui ne sont pas guéris".


La réconciliation en Afrique du Sud est un miracle


"Je n’ai pas de certitude à propos de la guérison miraculeuse", déclare de son côté Puleng Lenka Bula (33 ans), qui a aussi participé au colloque de Rome. Elle est professeur d’éthique chrétienne à l’Université d’Afrique du Sud, à Pretoria, et elle conteste que la question de la guérison soit, comme on l’affirme souvent, un problème dont il faudrait chercher l’origine dans les Eglises du Sud. "Je suis en permanence confrontée à la conception charismatique et pentecôtiste qui établit un lien étroit entre miracle, guérison et enrichissement matériel".


"A l’heure actuelle, l’Afrique du Sud s’efforce de surmonter de très graves divisions." Lenka a évoqué son expérience de femme noire et sa conception contextuelle de la guérison, étroitement liée, pour elle, aux processus de réconciliation depuis l’abolition de l’apartheid en 1994 : "En Afrique du Sud, la réconciliation consiste à essayer de rétablir des relations brisées, mais aussi à établir de nouvelles relations entre des gens qui, auparavant, refusaient de s’accepter mutuellement comme tels – Voilà un miracle !"


"A suivre les travaux de la Commission "vérité et réconciliation", explique-t-elle, j’en suis venue à découvrir un sens plus profond de la réconciliation. Les gens qui avaient subi une grave épreuve, qui avaient par exemple perdu leurs enfants, avaient une énorme capacité à pardonner et à continuer à vivre. Pour moi, c’était absolument phénoménal. Les gens étaient disposés à pardonner librement. Personne ne les y forçait. Ils le proposaient eux-mêmes."


"Il existait un "espace de sécurité" dans lequel les gens pouvaient discuter du vécu de l’apartheid. Des gens qui écoutent, c’est de la guérison. Communiquer, c’est de la guérison." Pour Lenka, le pardon n’est pas nécessairement la première étape de ce processus : "Il n’est pas indispensable que le pardon précède la réconciliation. Il faut en tout cas que les gens acceptent de dépasser le passé."


Pourtant, cette conception de la réconciliation est sérieusement contestée, même en Afrique du Sud. Certains préfèrent faire appel avant tout à la justice distributive : "Pour beaucoup de pauvres, explique Lenka, il n’est pas facile de parler de réconciliation. Beaucoup pensent que la réconciliation, c’est bon pour les riches alors que, pour les personnes dépendantes, c’est avant tout une question de réparations".


"Ce qui apparaît nécessaire, ajoute Lenka, c’est de ré-humaniser. Et il s’agit aussi de restaurer l’humanité des oppresseurs."


Pour que la réconciliation ait un sens plus global, et même plus théologique, Lenka propose de reprendre le concept africain d’ubuntu, mot qui signifie l’humanité de tous, "le caractère sacré de l’autre". "Mais il faut aussi y inclure l’ensemble de la nature", ajoute Lenka, et ne pas oublier les dimensions écologiques de la réconciliation : "Quelle est notre relation avec la Terre ?" Lenka veut que l’on envisage de nouvelles relations avec la Terre, qui ne soient pas des relations de domination : "Ce sont des relations à double sens ; nous sommes tous interdépendants".


L’Esprit Saint dans la mission de l’Eglise


Mais comment intégrer les dimensions de réconciliation et de guérison dans le nouveau paradigme de la mission que va rechercher la Conférence mondiale sur la mission et l'évangélisation ? "Du point de vue des Africaines, déclare Lenka, la manière dont, par le passé, l’Eglise a tenté de pratiquer la mission a limité son action à certains aspects. En Afrique, la mission a été à la fois une bénédiction et une malédiction". Ses principaux apports ont été les soins de santé et l’enseignement. 


"Ce qu’il nous faut maintenant, c’est une nouvelle perspective post-coloniale, qui ne se contente pas d’aller du Nord au Sud ; le Nord et le Sud doivent collaborer." Pour Lenka, la mission est un ensemble d’activités : "Commencez par votre propre communauté", suggère-t-elle. "Comment l’Eglise vit-elle dans une communauté locale ? Il s’agit d’accroître la crédibilité de la Bonne Nouvelle au sein de la population locale." Lenka défend l’idée d’une "diversité de conceptions" – en d’autres termes, elle souhaite que la mission se fasse sous de multiples formes.


Anastasia Vassiliadou (26 ans), diplômée de l’université de Thessalonique (Grèce), a évoqué une tout autre conception de la réconciliation. Elle a parlé de l’Esprit Saint, qui sera au centre des discussions de la Conférence mondiale sur la mission et l'évangélisation à Athènes : "L’Esprit Saint est le catalyseur ; c’est lui qui donne sa dynamique et son orientation à notre mission", a-t-elle expliqué dans son intervention sur le rôle des orthodoxes dans les activités du COE.


"L’Esprit Saint est l’expression de notre communion – de notre koinonia – avec la Sainte Trinité, explique-t-elle. L’Eglise vit dans la communion avec Dieu, Père et Fils, par l’Esprit Saint. C’est l’Esprit Saint qui nous réconcilie avec Dieu."


Mais, pour Anastasia Vassiliadou, il ne s’agit pas de prêcher une doctrine : "Il s’agit de prêcher la venue du Royaume de Dieu, précise-t-elle. La mission n’est pas une affaire de morale, de la manière dont il faut combattre le mal, etc. La mission est en rapport avec la conception de l’Eglise. Dans l’Eglise orthodoxe, c’est la liturgie de l'Eucharistie, qui vient en premier. La mission orthodoxe se fait au travers de l’Eucharistie, le témoignage de la nouvelle réalité de Dieu."


Ce colloque de jeunes missiologues qui s’est tenu à Rome a donné un avant-goût des discussions qui auront probablement lieu à Athènes sur cette question. "Il y a un grand besoin de réconciliation entre l’Eglise orthodoxe et les pentecôtistes, explique Anastasia Vassiliadou. J’espère que cette conférence permettra que le dialogue s’établisse."


"Cela va dans les deux sens, précise-t-elle. Il y a beaucoup à apprendre de la théologie et du mode de vie orthodoxes. Mais la Conférence mondiale sur la mission et l'évangélisation est aussi un point de départ pour la réconciliation entre Eglises en Grèce." En particulier, les relations entre l’Eglise orthodoxe de Grèce et les Eglises pentecôtistes posent un problème difficile.


"Quoi qu’il en soit, conclut-elle, cette conférence est un grand pas en avant. Se pourrait-il que le Comité local d’organisation de la Conférence, qui comprend des représentants de cinq Eglises différentes, devienne l’amorce d’un conseil d’Eglises en Grèce ?"


14/02/2005


Source: Conseil oecuménique des Eglises (COE)