Le pasteur Tveit, secrétaire général du COE (à droite), a célébré la communion à l'église évangélique luthérienne du Rédempteur, à Jérusalem, le dimanche 29 août.
Par Mark Beach (*)
Les postes de contrôle militaires font partie du quotidien pour les Palestiniens, en Israël comme en Palestine. Chaque jour, des dizaines de milliers de Palestiniens avancent patiemment à travers des tourniquets et d'étroits passages grillagés pour se rendre au travail, à l'école ou chez eux. L'expérience est humiliante.
Pour les Israéliens, on pourrait dire que les postes de contrôle font indirectement partie de leur vie quotidienne. Ce sont leurs fils et leurs filles qui surveillent le passage des Palestiniens qui vont chez eux, au travail, à l'école ou dans un lieu de culte.
Certains postes de contrôle, comme celui de la rue Shuhada, à Hébron, donnent sur une rue à l'abandon, où les boutiques ont mis la clé sous la porte et où les appartements à l'étage sont vides. Les Palestiniens ne peuvent s'aventurer que jusqu'à un certain point dans la rue avant d'être refoulés.
Toute notion de bon voisinage ayant pu faire partie de l'éducation familiale et religieuse des personnes qui passent à travers les tourniquets et de celles qui les surveillent est mise à rude épreuve par le symbole que représentent les postes de contrôle.
L'idée d'aimer son prochain, ancrée dans l'adoration et l'amour de Dieu, fait partie intégrante des religions abrahamiques - le judaïsme, l'islam et le christianisme -, qui sont implantées dans cette région.
C'est dans ce contexte que le pasteur Olav Fykse Tveit, secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglises (COE), a fait une prédication inspirée de la parabole du Bon Samaritain à l'église évangélique luthérienne du Rédempteur, située dans la vieille ville de Jérusalem, le dimanche 29 août. Il s'est exprimé au cours d'une journée pendant laquelle les membres de la délégation du COE qu'il emmenait ont pu voir de leurs propres yeux plusieurs de ces barrières qui séparent les gens.
La parabole du Bon Samaritain, tirée de Luc 10, décrit les qualités de la vie telles qu'elles sont présentées dans "le grand commandement d'aimer son prochain", a déclaré le pasteur Tveit. Mais la véritable question est de savoir qui s'est avéré un bon prochain dans cette parabole.
Dans le contexte de la Palestine et d'Israël, marqué par des barrières et une violence omniprésentes, chaque camp est privé de cet objectif de la vie: aimer Dieu et son prochain, a-t-il affirmé. "La religion ne devrait pas y faire obstacle."
Malgré la complexité de la politique et des différences religieuses qui sont à la base des récentes tragédies comme de la plupart des événements historiques qu'ont connus la Palestine et Israël, l'histoire du Bon Samaritain dégage une idée très simple: "aimer son prochain".
La parabole du Bon Samaritain est l'histoire d'un homme qui, pour une raison quelconque, voulait se rendre à Jéricho, a dit le pasteur Tveit à la paroisse de l'église du Rédempteur. Son voyage a été interrompu par la violence. "Cette histoire est peut-être plus réelle que nous ne le souhaiterions", a déclaré le pasteur Tveit.
Quand on approche d'un poste de contrôle en Palestine ou Israël, il est difficile de ne pas penser aux voisins, aux voisinages et au fait qu'on est le prochain de quelqu'un. Pour le pasteur Tveit, "au final, tout revient à aimer son prochain, son voisin."
Tel est le message simple et peut-être naïf que nous transmet le Nouveau Testament. Quel écho ce message d'amour pour son prochain pourrait-il trouver dans un contexte aussi complexe que celui-ci?
Il n'est pas si difficile de savoir qui nous devons aimer, a déclaré le pasteur Tveit. "La vie morale n'est pas bien compliquée: elle se résume à aimer Dieu, aimer son prochain et s'aimer soi-même", a-t-il expliqué.
Des rues vides et des quartiers divisés
Les années de violences en Palestine et Israël ont créé des rues vides aux boutiques abandonnées et définitivement fermées, d'imposants murs et des clôtures en barbelés à lames visant à garder certaines personnes à l'extérieur et d'autres à l'intérieur. Des voisins ont fini par être séparés et vivre dans la méfiance et la crainte de l'autre.
En parcourant la rue Shuhada, qui divise la zone contrôlée par l'Autorité palestinienne de la zone contrôlée par Israël, le pasteur Tveit et ses collègues ont pu constater à quel point le silence de la rue était assourdissant.
Ils marchaient avec des membres du Programme d'accompagnement œcuménique en Palestine et Israël (EAPPI), mis en place par le COE. Les accompagnateurs œcuméniques sont des bénévoles d'Eglises membres du COE dans le monde entier qui accompagnent les Palestiniens aux poste de contrôle, ou les Israéliens souhaitant interpeller les politiques de leur gouvernement, qui s'applique à diviser les quartiers au lieu de les relier.
Alors que le groupe se déplaçait le long de la rue, deux des accompagnateurs ont été rappelés au point de contrôle pour observer le cas d'un Palestinien qui avait des problèmes pour le traverser. En fin de compte, le problème s'est résolu.
Les accompagnateurs sont toujours sur le qui-vive. Pas plus tard que samedi soir, à Jérusalem-Est, des membres de l'équipe de Jérusalem suivaient une manifestation de Palestiniens et d'Israéliens exprimant leur opposition à l'occupation illégale de maisons palestiniennes par des colons israéliens.
A un carrefour en T, sous les réverbères, les manifestants se tenaient d'un côté. De l'autre côté se trouvait un groupe de colons et dans un autre coin la police.
Alors que la marche touchait à sa fin, un des manifestants a sauté dans la rue et s'est mis à invectiver les colons, ce qui a poussé la police à intervenir aussitôt. Des jeunes gens sont arrivés en courant de toutes parts et pendant un moment, la possibilité d'une escalade de la violence était bien réelle.
Les accompagnateurs œcuméniques ont observé et consigné au moyen d'appareils photo les événements qui se déroulaient devant eux. Tout cela, ils l'avaient déjà vu par le passé. La situation s'est calmée et chaque groupe est retourné dans son coin avant de se disperser pour regagner les foyers.
Mais dans la rue Shuhada, à Hébron, qui aujourd'hui est une "ligne rouge" sur les cartes, où étaient-ils, les gens? Où était le quartier? A une époque, cette rue était un quartier commercial animé, rempli de négociants et de clients.
"Nos voisins ont besoin que nous aimions", a affirmé le pasteur Tveit. "La religion, c'est aimer Dieu, aimer son prochain et s'aimer soi-même."
Le signe d'espérance que le pasteur Tveit a trouvé dans l'histoire du Bon Samaritain ne vient pas d'une quelconque repentance de la part de ceux qui sont passés à côté du voyageur blessé sans l'aider. "Cela ferait une bonne histoire à raconter", a-t-il cependant dit.
"Cette capacité à la repentance qui nous fait défaut ne limite pas la capacité de Dieu à répandre l'amour et la justice", a précisé le pasteur Tveit.
De fait, même quand on est confronté aux postes de contrôle et à la séparation des voisins, à l'indignité et à la violence, "on ne peut pas omettre la vérité" de l'amour et de la justice de Dieu, a-t-il déclaré. C'est ce qu'a démontré il y a bien longtemps la parabole du Bon Samaritain.
(*) Mark Beach est le directeur de la Communication au COE.
2 septembre 2010
COE