L'intervention de Desmond Tutu le 20 février à la 9ème Assemblée du Conseil Oecuménique des Églises (COE) a remporté un vif succès, souligné par deux standing ovations. "Dieu souhaite que nous vivions en harmonie avec lui, les uns avec les autres, et avec le reste de sa Création. Le rêve de Dieu a été brisé par le péché", a-t-il déclaré dans un discours plein d'humour, mais aussi porté par une profonde spiritualité, et une analyse biblique et théologique très fine.
L'ancien Archevêque anglican d'Afrique du Sud et Prix Nobel de la paix en 1984 a rendu hommage au COE avec lequel il a collaboré et qui a apporté son soutien à la lutte contre l'apartheid dans son pays. "Le COE a été mon mentor en me préparant au ministère et au témoignage qui allaient être les miens en tant que Secrétaire général du Conseil des Eglises d'Afrique du Sud", a-t-il ainsi déclaré, en faisant référence à son travail au sein du Fonds pour l'éducation théologique du COE de 1972 à 1975. Il a poursuivi en évoquant l'aide qu'il avait reçu de ses amis du COE: "Le monde nous a donné le Prix Nobel de la paix en 1984. Ce n'était pas mon prix. C'était notre prix et vous y avez pris part. Merci".
Le péché de l'apartheid
Intervenant dans le cadre de la plénière de l'Assemblée consacrée à l'unité de l'Eglise, il a rappelé les points communs entre apartheid et péché: "l'apartheid partage avec le péché la caractéristique qui le définit: il crée la division. Le péché est ce qui divise, sépare et aliène". Soulignant le rôle positif que le COE avait joué en Afrique du Sud, il n'a pas pour autant passé sous silence le jeu négatif de l'Eglise dans la politique discriminatoire sud-africaine: "l'apartheid a perduré longtemps en partie parce que l'Eglise était divisée. Certains chrétiens, de nombreux chrétiens, en ont cherché des justifications dans la Bible".
Se référant au récit biblique de la tour de Babel et aux relations entre Jésus et ses disciples, il a rappelé que Dieu avait le projet d'une Création unie. Dieu cherche sans cesse à rétablir cette unité. Après la tour de Babel, il n'a pas cherché à détruire cette humanité divisée. Jésus n'a pas condamné ses disciples, qui tous l'avaient abandonné à sa mort sur la Croix: "Après sa Résurrection, il a appelé ces hommes - des couards si abjects: qui l'avaient trahi, qui l'avaient renié, et qui l'avaient tous abandonné. Il ne les a pas appelé en les nommant indifféremment, mais en les appelant: mes frères".
L'unité de la famille humaine
Pendant cette plénière et lors de la conférence de presse qui l'a suivie, Desmond Tutu a largement ouvert la conception de l'unité de l'Eglise en l'amenant à la question de l'unité de la famille humaine: "Nous appartenons tous à une seule famille, et tous nous sommes dans cette famille, pas seulement quelques-uns. Aucun n'est rejeté à l'extérieur. Bush, Ben Laden en font partie, les homosexuels, les lesbiennes, tous en font partie, sont aimés, sont précieux".
Son discours s'est conclu par un appel très fort au travail de réconciliation: "Nous ne gagnerons pas, nous ne pourrons pas gagner une guerre contre la terreur tant qu'il y a des conditions de pauvreté et de misère, d'ignorance et de maladie, qui désespèrent des enfants de Dieu, des membres de notre famille. Une Eglise unie n'est pas un 'extra' optionnel. Une Eglise unie est indispensable pour le salut du monde".
20/02/2006
Source: Conseil oecuménique des Eglises (COE)