Afrique du Sud, Durban: la Conférence mondiale de l’ONU contre le racisme, la chance d’un nouveau départ

Certains déplorent que la Conférence mondiale contre le racisme ait été débordée par les tractations politiques 


Au terme d'une nuit d'âpres négociations, la Conférence mondiale contre le racisme s'est achevée le samedi 8 septembre, un jour suivant la date prévue, après avoir accepté des textes de compromis sur Israël et sur la traite des esclaves transatlantique, deux questions déjà controversées avant l'ouverture de la rencontre.


"Il est important de comprendre l'importance historique de cette réunion des victimes du racisme venus du monde entier. C'était un moment sans précédent pour l'humanité," a dit Marilia Schüller, responsable au Conseil Oecuménique des Églises (COE) du programme de lutte contre le racisme, à la fin de la Conférence Mondiale Contre le Racisme, la Discrimination Raciale, la Xénophobie et l'Intolérance annexe (WCAR) samedi, le 8 septembre.


Après une semaine d’âpre débat sur les textes d'une déclaration et un programme d'action proposé à l'adoption des gouvernements, il y a peu de chances que tous soient entièrement satisfaits du résultat. Suivant la tradition onusienne, les montres se sont été arrêtées vendredi à minuit, à l'heure où la conférence était censée finir, mais les groupes de travail ont joué des prolongations jusqu'au lendemain. Il subsiste quelques sérieux désaccords.


"Ce que réclament les victimes est puissant. Ce que les gouvernements décident finalement de transcrire dans un document servira à alimenter le débat dans les années à venir. Mais il ne diminuera pas l'obligation des gens ici. Nous pourrions être déçus des gouvernements, mais nous continuerons le combat," déclarait Schüller. Se rappelant les paroles de l'Archevêque Desmond Tutu pour qui "les gouvernements ne représentent pas toujours leurs gens", "ils le prouvent ici," a-t-elle dit. 


L'archevêque Tutu avait parlé au nom du Comité Oecuménique lors d'une conférence de presse à Durban le 5 septembre. "Dans ce nouveau millénaire, Dieu dit: ' je nous donne une autre chance pour prendre un nouveau départ'. C'est important pour nous ici à Durban d'annoncer au monde ce message: 'oui nous écoutons Dieu'," ainsi s'exprimait Tutu devant environ 300 journalistes.


En évoquant le départ des Etats Unis de la Conférence, le chef de la délégation du COE et président du Conseil sud-africain des Églises, l'Évêque méthodiste Mvumelwano Dandala, a fait la déclaration suivante: "Mon désespoir, c'est qu'une nation célébrant la démocratie comme les ETATS-UNIS trouve difficile de poursuivre l’âpre dialogue à un moment où il se trouve minoritaire. C'est un message terrible adressé aux jeunes démocraties qui ont pour idéal de remplacer la guerre par le dialogue".


Le document produit par le Forum des ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES comprend certaines références désobligeantes à Israël. La délégation du COE croit bon d'expliquer: "le COE a toujours oeuvré à écouter la voix des démunis et des victimes de l'oppression," explique Schüller. "Le document, de plus de 70 pages, traite de questions concernant le monde entier. Ces questions ne peuvent pas être rejetées. Le document total est un porte-voix significatif de ceux que l'on entend rarement," a-t-elle dit.


"Pendant le Forum des ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES," a déclaré la délégation du COE dans une déclaration publiée vendredi, le 7 septembre, "conformément à la politique du COE, la délégation du COE a soutenu le droit des Palestiniens à l'autodétermination, leur droit au retour et à l'établissement d'un état palestinien. Il a aussi affirmé le droit de l'Etat d'Israël à l'existence et la condamnation de l'antisémitisme. Quelques déclarations figurant dans le document du Forum des ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES sont contraires aux positions défendues par le COE et que le COE ne peut en aucun cas soutenir: l'assimilation du sionisme au racisme, la description d'Israël comme un état pratiquant l’apartheid et l'appel à un boycott général des produits israéliens."


Réparations des dommages consécutifs à l'esclavage et au colonialisme


Le Comité Oecuménique, dont la délégation du COE faisait partie, a évoqué une autre question abordée lors de la conférence principale, celle des réparations. Il a appelé les églises et les gouvernements à reconnaître qu'ils ont profité de l'exploitation des Africains et des descendants Africains, des Asiatiques et des descendants asiatiques comme des peuples indigènes par l'esclavage et le colonialisme. "Nous disons clairement que les traites d'esclaves transatlantiques, transpacifiques comme toute autre forme d'esclavage constituent des crimes contre l'humanité," laisse entendre la déclaration du Comité.


Le Comité Oecuménique s'exprime ensuite sur les droits indigènes qu'il faut préserver à tout prix: ... "si la déclaration contient une élément réduisant les droits des peuples indigènes comme peuples selon la loi internationale, alors l'ONU sera coupable d'opérer et de perpétuer des discriminations dans ses propres documents," ...


Durant toute la conférence Durban, la délégation du COE a rejoint des délégations semblables d'autres Eglises et s'est rapprochée des agences dans un Comité Oecuménique. Elle a fait une déclaration commune dans laquelle elle a invité toutes les Eglises "à reconnaître notre complicité et notre implication dans le racisme, l'esclavage et le colonialisme et leur perpétuation, sinon nous ne sommes pas crédibles". ....


Le point culminant de cette Conférence a été pour la délégation du COE un service oecuménique, suivi par la plupart des responsables des Eglises de Durban; ensuite eut lieu une marche aux bougies jusqu'à l'Hôtel de ville et là fut célébré à l'extérieur du bâtiment un court service pour lutter contre le racisme. "Vous ne savez pas ce que représente la venue du COE ici avec nous maintenant," a expliqué l'Évêque anglican Reuben Philip.


L'Évêque Dandala déclarait pour finir que "la présence du COE à cette conférence était un rappel puissant du pouvoir et de la pertinence de l'Incarnation; la présence de Dieu dans la douleur et la souffrance du monde". ...


"Beaucoup continuent à espérer dans la vie, quand on leur rappelle que Dieu n'évite pas les contradictions pénibles et brouillées de l'expérience humaine. ... Cette conférence a montré clairement que la voie que le monde a à suivre durant ce siècle ne sera pas forgée par les seuls gouvernements, mais par des femmes ordinaires, des hommes ordinaires et des jeunes. L'Eglise a pour défi d'apprendre à effectuer ce périple."


7/10 septembre 2001

Source: COE/ENI