Bénin: entretien avec le pasteur et président de l’Eglise protestante méthodiste du Bénin (EPMB) et élu président de la région Afrique au Comité central du Conseil oecuménique des Eglises (COE)

 L’élection du pasteur Simon Dossou comme président de la région Afrique au Comité central du Conseil oecuménique des Églises (COE), lors de sa dernière assemblée générale (février2006 à Porto Alegre, au sud du Brésil), renforce la présence de l'Afrique de l'Ouest francophone, face à une Afrique de l'Est majoritairement anglophone. Cette dernière regroupe le Kenya, la Tanzanie et l'Afrique du Sud. L'Afrique de l'Est est très présente au COE. L'actuel secrétaire général du COE, Samuel Kobia, est pasteur de l'Église protestante méthodiste du Kenya. 


Linda Caille* interroge le pasteur Simon Dossou pour le compte du mensuel Mission (juin 2006) et le service de presse du COE.


Né en 1950, il a suivi des études de théologie à la faculté protestante de Yaoundé au Cameroun puis à la faculté de théologie de Porto Novo au Bénin et à Lausanne en Suisse. Il a enseigné l'Ancien Testament à Yaoundé et Porto Novo et il est membre de la conférence des Eglises de toute l'Afrique (CETA). Son mandat en tant que président assure la présence de l'Afrique de l'Ouest francophone, aux côtés de l'Afrique de l'Est majoritairement anglophone. 



Quels souvenirs gardez-vous de la dernière assemblée générale du COE?


Les célébrations cultuelles m'ont fort marqué, car c'étaient des moments de communion avec Dieu, mais aussi avec les frères et soeurs présents à l'Assemblée. L'élection du président pour la région Afrique est restée dans ma mémoire comme une mission que tout le continent a confiée à une petite Église francophone d'Afrique. Toute la francophonie doit se sentir interpellée au sein de ce mouvement oecuménique. J'insiste sur ce point. 


Vous avez été élu avec sept autres collègues, président du Comité central du COE. Quels sont vos projets?


Dans la mesure du possible, rendre plus visible la vie des Églises d'Afrique. Faire entendre leurs voix sur les questions qui les concernent, mais qui n'intéressent personne. Je souhaite aussi faire du lobbying pour la promotion des valeurs humaines que l'Afrique peut encore offrir au monde, comme plaider pour une plus grande solidarité entre les riches et les pauvres. Le «pauvre» a nécessairement quelque chose à partager avec les autres. Le «riche» a nécessairement des besoins qu'il ignore, car il est incapable de s'abaisser pour se pencher sur ses manquements. 


Comment concevez-vous cette responsabilité?


Ma responsabilité se comprend comme une mission commune confiée à nous tous, à commencer par les francophones. Ensuite le siège du COE à Genève, qui malheureusement n'a daigné répondre à aucune des lettres que je lui ai adressées depuis notre retour de Porto Alegre. Je dois répercuter sur les Églises d'Afrique les messages pertinents qui viennent du siège. Je suis ouvert à tout ce que chacun peut apporter pour m'aider dans cette mission.


L'Église protestante méthodiste du Bénin (EPMB) comprend-t-elle votre engagement à l'étranger?


L'EPMB se sent très honorée par mon engagement à l'étranger. Elle est prête à m'aider de façon multiforme. L'Église n'est pas assez riche pour me payer les frais de mission qui sont pourtant utiles. Mon Église accepte que je parte selon les nécessités. Elle peut mettre à ma disposition de temps à autre un peu d'argent pour les frais de visas et autres assurances obligatoires. L'EPMB souhaite que je ne fasse pas piètre figure durant mon mandat au comité central du COE.


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"LES EGLISES MEMBRES DU COE ONT CONSCIENCE DE LEURS RESPONSABILITÉS VIS À VIS DU RESTE DU MONDE":

INTERVIEW DE SIMON DOSSOU, PRÉSIDENT DE L'EGLISE PROTESTANTE MÉTHODISTE DU BÉNIN.


Quelles sont vos premières impressions de ce comité central ?


Je suis un habitué de ces grands rassemblement internationaux, car je suis membre de la conférence de Eglises de toute l'Afrique (CETA), je constate que les habitués de cette assemblée savent comment entrer dans le débat alors que les nouveaux membres prennent le temps.


Je suis agréablement surpris de constater que les Eglises membres du COE ont conscience de leurs responsabilités vis à vis du reste du monde. Le COE se donne les structures pour jouer un rôle important dans les prochaines années comme le programme "Décennie vaincre la violence" ou bien l'initiative œcuménique de lutte contre le VIH/sida (EHAIA). 


En tant que président d'une Eglise africaine, vous retrouvez-vous dans les thèmes des discussions ?


Le débat sur la lutte contre le VIH/sida est un débat international et toutes les Eglises présentes sont concernées. Il recoupe parfois la question de l'accueil des personnes homosexuelles dans les Eglises. Je remarque à ce sujet que deux courants se dessinent, celui des traditionalistes qui souhaitent préserver une conception classique de la vie de couple et de la famille, et le courant de ceux souhaitant voir le couple évoluer. 


A quel courant appartenez-vous ?


Je suis un traditionaliste. Selon moi on ne peut pas réécrire la Bible en voulant systématiquement l'adapter au monde contemporain. Mais je suis ouvert à ceux qui réfléchissent différemment. Je suis un ennemi des stigmatisations. Les membres d'une communauté chrétienne doivent accueillir et intégrer les personnes atteintes du sida car n'importe qui "sain" aujourd'hui, peut être contaminé un jour, et quoi qu'il arrive, il devra être admis à nouveau dans la communauté. 


Quant au débat sur l'accueil des personnes homosexuelles, il ne peut être mené convenablement en Afrique car nos véritables préoccupations sont ailleurs. Nos problèmes quotidiens d'alimentation, de santé et d'éducation sont beaucoup plus urgents. Certains diraient, ces sont des débats de personnes "rassasiées" c'est à dire si comblées qu'elles peuvent prendre le temps de réfléchir à cette question. 


Est-ce qu'une question d'actualité a retenu votre attention ?


La situation au Soudan à mon sens a été abordée de manière responsable. Le COE effectue un travail "mature" permettant aux Eglises africaines de rentrer dans le débat. 


La question de l'environnement peut apparaître comme une découverte pour certaines Eglises africaines. Elles prennent conscience que leurs pratiques, comme couper à la machette du bois de chauffe, ont des conséquences sur l'environnement. Ces pratiques dites "normales" peuvent être destructrices.


Toutefois, je constate que se sont tout de même les usines des pays du Nord qui polluent le plus. J'ai parfois le sentiment que les pays qui polluent font semblant de ne pas comprendre ce qu'ils font. Au Bénin, nous n'avons rien pour polluer, sauf nos mobylettes récupérées, qui sont en fait les déchets de l'Europe déversés sur nous. 


(*) Linda Caille, réformée, est journaliste française, rédactrice en chef du mensuel Mission édité par le Service protestant de mission (Defap).


Lire le numéro de Mission de janvier-février 2006: Les religions au Bénin, le paysage chrétien à Cotonou. 

Source: Mission n° 161 - Juin 2006 - Église universelle / COE 06/09/06