«Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l'Eternel, ton Dieu (...).»[1] Fondée sur le commandement du sabbat, la pause dominicale est mise en danger par un projet de loi sur l'ouverture des commerces dans les grandes gares et aéroports le dimanche. Les syndicats, qui ont lancé un référendum, ont à ce jour récolté plus de signatures que nécessaires, soit 70000, claironne l'Union syndicale suisse (USS). Elles devraient être déposées le 25 janvier.
Les Eglises, elles, comptent bien remettre le commandement divin au milieu du village suisse. Pourtant, elles ne se sont pas officiellement associées aux référendaires. «Nous ne sommes pas un mouvement politique», justifie Markus Sahli, directeur des relations intérieures de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS).
En commun avec le Conseil des évêques suisses (CES), la faîtière s'engagera en revanche «moralement» contre le travail dominical dans la campagne pour la votation (probablement le 5 juin). Les deux instances nationales publieront en commun un argumentaire sous le titre provisoire «La valeur du dimanche», annonce Markus Sahli.
En attendant, impossible de savoir combien de signatures les milieux chrétiens ont récoltées, car elles ont été apposées sur les feuilles des syndicats: «Quelques cercles chrétiens nous ont soutenus», répond vaguement Rolf Zimmermann, secrétaire dirigeant de l'USS en charge du dossier.
Au niveau des instances dirigeantes, on n'a en effet pas encore levé le petit doigt. A Genève par exemple, le Vicariat épiscopal (catholiques romains) s'alignera sur la position du CES, mais n'a pas l'habitude de s'engager dans ce genre de domaines, explique Pierre Regad, secrétaire général.
LE TAUREAU PAR LES CORNES
La base est plus mobilisée: la Commission Tiers-Monde de l'Eglise catholique (Genève) a relayé le référendum au sein de son réseau. Même son de cloche côté protestant. C'est Evangile et Travail, au nom de l'Eglise protestante genevoise, qui a fait cette même démarche, et qui prendra le taureau par les cornes lors de la campagne.
L'Alliance évangélique (représentant 250000 personnes en Suisse) a fait beaucoup plus en récoltant activement des paraphes en association avec le forum Christnet.
Mais ce sont peut-être les fidèles engagés qui ont le plus oeuvré: il est fréquent qu'un chrétien motivé fasse la pêche aux signatures à la sortie de la messe, selon Jean-Paul Zurcher. Secrétaire général de l'Alliance évangélique romande, c'est ce qu'il a constaté dans l'église évangélique de Plan-les-Ouates (GE), dont il a la charge.
1996: LA CLAQUE!
En 1996, lors de la révision de la loi sur le travail qui comprenait un volet dominical, les instances chrétiennes avaient aussi attendu la campagne pour s'engager. Une analyse politique Vox des votations fédérales de l'époque désigne comme décisif le projet d'ouverture des commerces six dimanches par année dans le refus claquant de la révision (67%). Décisive aussi, l'alliance entre la gauche et l'aile conservatrice et sociale des démocrates chrétiens. Et le poids des Eglises? Très important, du fait de la crédibilité de cet acteur sur la question du dimanche, répond Lukas Golder, politologue à l'Institut de recherche gfs.bern, qui ne peut toutefois dire si cet engagement avait été crucial.
Pour la votation à venir, Christian Garin, d'Evangile et Travail (affilié à l'Eglise protestante de Genève) se montre pourtant pessimiste, désespéré par le découragement des fidèles. «Je ne les vois plus se mobiliser pour grand-chose, mis à part pour les requérants d'asile menacés de renvoi dans le canton de Vaud.»
Rolf Zimmermann, au contraire, est confiant. Bien qu'il juge plus difficile qu'à l'époque un ralliement du PDC, il pense que les référendaires seront capables de trouver une majorité. «Avec ou sans les Eglises, notre expérience pour défendre les conditions de travail, par exemple en obtenant un salaire minimum, me rend optimiste.»
[1]Exode 20 8-10.
le Samedi 15 Janvier 2005
Source: le courrier