Etats Unis, Hartford: l'amitié improbable entre un pasteur et le meurtrier de son fils

Les trois mots - " Je vous pardonne " - ont été les plus difficiles à écrire pour le pasteur Walt Everett.


Everett a rédigé ces mots il y a près de 17 ans dans une lettre adressée au meurtrier de son fils.


" Ma colère me détruisait ", dit Everett, pasteur de l'Eglise Evangélique Méthodiste de Hartford. " Elle m'empêchait d'avoir des relations normales avec les gens et je ne pouvais plus travailler convenablement. Je me suis demandé si c'était comme cela que je voulais passer le reste de ma vie... "


Le chemin de foi de Walt Everett débute le 26 juillet 1987, le jour où son fils Scott est abattu dans son appartement. L'aîné de ses trois enfants décède sur le coup à l'âge de 24 ans.


Le meurtrier, Mike Carlucci, vendait et consommait de la drogue durant la période des faits :


" Depuis ma petite enfance, ma vie était remplie de violence, d'alcool et de drogue. J'étais exactement le genre de personne dont vos parents vous ont appris à vous méfier. "


L'année suivante, les graines de la réconciliation sont plantées lors du jugement de Carlucci. Everett explique combien la perte de son fils est douloureuse... Et Carlucci lui répond qu'il est sincèrement désolé. 


Quelques semaines plus tard, au premier anniversaire de la mort de Scott, Everett compose une lettre de trois pages et l'envoie en prison à Carlucci. Le pasteur y décrit son année extrêmement pénible, puis il note :


" J'accepte vos excuses et aussi difficiles que ces mots soient à dire, j'aimerais ajouter que je vous pardonne. "


Au moment du crime, Carlucci luttait sans succès pour sortir de ses problèmes d'alcool et de drogue :


" La nuit où j'ai tué Scott, je n'avais plus dormi depuis deux jours... Je buvais dans un bar et j'avais pensé retourner chez moi pour changer d'habits avant d'aller finir la fête à New York. "


" Je me souviens avoir appuyé mon arme contre la tête de Scott. Je savais qu'en tirant, il allait mourir et que je finirais ma vie en prison. Mais cela n'avait pas d'importance... J'ai appuyé sur la détente. "


Pendant son incarcération, Carlucci a cherché à se faire aider et a pris part à des réunions pour surmonter ses dépendances. L'un de ses conseillers lui a recommandé de prier pour demander pardon :


" J'ai supplié Dieu, - Dieu pardonne-moi pour ce que j'ai fait. Je peux vous dire qu'à partir de là, ma vie a commencé à changer. "


Walt n'aurait pas été surpris si sa lettre avait été son dernier contact avec le meurtrier de son fils :


" Je l'avais écrite premièrement pour moi. Ce que Dieu a fait ensuite pour Mike ne dépendait plus de moi. "


Mais Carlucci a répondu au pasteur et tous les deux ont entretenu une correspondance régulière pendant plusieurs mois. Everett a alors reçu une invitation surprenante... Carlucci lui proposait de le visiter en prison. 


Everett appréhendait beaucoup cette rencontre. Leur discussion a débuté au sujet de la prise de poids de Carlucci depuis qu'il se nourrissait à la prison. Puis, la conversation a tourné sur leurs vies et sur la foi :


" Je me suis levé et ai commencé à serrer les mains de Mike. Mais j'ai pensé instinctivement que ce n'était pas la bonne chose à faire et je l'ai pris dans mes bras ", dit Everett. " La conseillère de Carlucci s'est mise à pleurer. "


Depuis cette entrevue, Everett lui a rendu visite au moins une fois par mois pendant les deux années suivantes. Un jour, Carlucci lui a demandé s'il témoignerait en faveur de sa libération anticipée. Le pasteur a accepté et a rencontré la chambre d'accusation, qui a accordé une remise de peine au meurtrier après trois ans de détention :


" Je leur ai assuré qu'il n'était plus l'homme qui avait tué mon fils et qu'il pouvait devenir utile à la société. Et je leur ai dit que Dieu avait opéré des changements formidables dans la vie de Mike. "


" Dieu m'a poussé, m'a poussé, jusqu'à ce que je sois capable de pardonner. Je suis reconnaissant pour cela. Je me sens désolé pour ceux qui n'y arrivent pas, parce qu'ils vivent avec cette souffrance jusqu'à leur mort. "


De telles rencontres entre prisonniers et leurs victimes sont exceptionnelles. Certains systèmes carcéraux commencent à étudier des programmes de réconciliation, mais les initiatives en ce sens restent rares.


Après sa libération anticipée, Everett a officié au mariage de Carlucci. Mais les tragédies de Mike n'étaient pas encore terminées... Sa femme est décédée d'une overdose, puis il s'est retrouvé sans emploi à la suite d'une faillite. 


Carlucci travaille actuellement comme superviseur dans une compagnie de camions.


" J'aime à croire que Walt est le chauffeur qui m'a conduit selon les plans de Dieu. "


Walt Everett, 70 ans, planifie de prendre sa retraite au mois de juin et de déménager en Pennsylvanie. Il écrit un livre sur la mort de son fils et sur ses relations avec Carlucci. 


Everett continuera d'encourager les autres victimes à pardonner aux criminels. Il est aussi l'un des membres fondateurs de " Familles de Victimes d’homicides en faveur des Droits de l'Homme " (Murder Victims' Families for Human Rights), une association basée à New York opposée à la peine capitale.


Près de 18 ans après le décès de Scott, l'amitié entre Everett et Carlucci s'est beaucoup renforcée. De temps en temps, ils témoignent dans des églises. 


« Je considère Walt comme mon ami. L'amour inconditionnel... c'est ce qui décrit une vraie amitié. »


Everett dit qu'on lui demande souvent comment il a pu pardonner à celui qui a tué son enfant :


« Lorsqu'il s'agit de quelque chose de peu important, vous pouvez demander des comptes à quelqu'un. Mais devant un événement irréparable, la seule chose qui reste pour guérir est le pardon. »


Traduction et rédaction de l'article par

Pascal Rodriguez


Source: Top Info/Service de Presse Evangélique Méthodiste (UMNS)