Etats Unis, Washington: le COE envoie une délégation pastorale aux Etats-Unis

Huit personnes sont venues à la rencontre de chrétiens de la capitale américaine le 12 novembre, comme autant "de lettres vivantes", de foi et d'espérance que des Eglises membres du Conseil Oecuménique des Églises (COE) leur adressaient.


L'évêque Mvume Dandala de l'Église Méthodiste d'Afrique du Sud, à la tête de la délégation, a souligné que ses membres n'étaient pas des responsables du COE, mais les représentants d'Eglises membres de différentes parties du monde, particulièrement de pays ayant éprouvé l'instabilité ou la violence.


"Nous venons à vous comme à des gens blessés ... pour essayer de vous parler en tenant compte de vos blessures," ainsi s'est exprimé Dandala face à environ 50 collaborateurs des Eglises à l'"United Methodist Building" au "Capitol Hill". Il a parlé des objectifs à atteindre ensemble après les attaques terroristes du 11 septembre contre l'Amérique, à savoir la guérison et l'espérance.


La délégation comprenait des personnalités issues d'Eglises de pays principalement musulmans comme la Palestine, le Pakistan, l'Indonésie et le Liban. Les autres étaient russe orthodoxe, protestant français et également un cadre du COE qui se décrivait natif d'une communauté grecque en Turquie et résidant depuis 25 ans en Suisse.


Que dire aux Américains, et comment le dire? Telles sont les questions que se posait la délégation, affirme Dandala. Il est toujours difficile de parler à des gens en peine, ajoute-t-il. Le groupe espérait que les gens aux Etats-Unis prendraient courage en prenant connaissance des épreuves endurées par les uns et les autres. 


Le groupe du COE a visité le périmètre critique, le "ground zero", à Manhattan et rencontré des pasteurs à cet endroit comme à Chicago. Ils ont poursuivi leur périple jusqu'à Oakland, en Californie, pour suivre l'Assemblée Générale annuelle du Conseil National des Églises. A chaque endroit, ils ont rejoint les Américains pour prier et entamer un dialogue avec eux.


Dandala faisait remarquer la grande diversité des réactions observées par le groupe, allant du chagrin à la colère et à l'hostilité. Il a mentionné les propos fort émouvants de pasteursau sujet de leur ministère auprès d'enfants ayant perdu des parents dans les événements du 11 septembre; un tas de questions les assaillent depuis: pourquoi n’a-t-on pas ressenti un souci analogue pour les enfants d'Irak blessés par les sanctions internationales contre leur pays? ...


"Nous avons été étonnés de la réaction de responsables de communautés religieuses s'efforçant de comprendre les implications du 11 septembre," a dit l'évêque. Ils se demandaient si ces actions (terroristes) n'étaient pas un indice de la haine que certains éprouvent pour les Etats Unis; ils se demandaient aussi comment les pasteurs pourraient aider leurs communautés à comprendre de tels sujets de politique étrangère.


Des responsables religieux américains se sont efforcés de rapprocher la souffrance découlant des activités terroristes avec la souffrance déclenchée en Afghanistan par les bombardements, Dandala a marqué son étonnement à ce sujet. Un pasteur a posé cette question, rapporte-t-il ensuite: "Comment les frappes peuvent-elles être la voie du Christ?" Les membres de la délégation n'étaient pas sûrs de rencontrer des gens se posant ce genre de questions, parce que, selon les médias, tous les Américains semblaient approuver unanimement le principe des bombardements, déclarait Dandala. ...


"Des questions morales importantes nous unissent et devraient être au premier rang, or elles n'ont été soulevées dans aucune des Eglises que nous avons visitées," a-t-il dit. "Même notre présence comme lettres vivantes ne semble pas leur convenir."


La communauté mondiale avait défendu les opprimés d'Afrique du Sud au temps de l'apartheid, quand les gens ne pouvaient pas s'exprimer eux-mêmes à cause de leur douleur, disait l'évêque méthodiste. Il a exprimé l'espoir que la délégation pourrait de la même façon être le porte-voix des Américains et de leur chagrin.


"Notre expérience nous fait douter de l'efficacité du militarisme pour régler les problèmes à court terme," a dit Dandala. C'était la stratégie employée en Angola et dans d'autres pays africains avant que "la raison ne prévale," a-t-il ajouté. Il a suggéré que l'on propose des alternatives à l'action militaire plutôt que de simples manifestations de protestation.


Dans le cadre d'une action à long terme, il appartient à l'Eglise de montrer au monde que l'on ne peut pas permettre à l'injustice de continuer, a-t-il dit. "On doit mettre un terme à l'injustice globale." 


"Je viens d'un endroit où l'Eglise est aussi confrontée à ces problèmes," a dit Jean Zaru, présidente de la Société Religieuse des Amis et résidante de Ramallah en Palestine. 


Dans de telles circonstances, l'Eglise mondiale invite les chrétiens à vivre leur foi par les questions qu'elle pose et les défis qu'elle lance. Bien que quelques visites de l'extérieur aient été douloureuses, de telles interventions ont stimulé quelques Palestiniens à mener une vie de non-violence avec d'autres, a-t-elle dit. Les Eglises "ne peuvent pas travailler pour la paix et la justice comme des tribus séparées. Nous devons le faire ensemble."


Elle a pressé les responsables d'Eglises américains à ne plus subordonner Dieu à leur patriotisme et à trouver une alternative à cette voie, "comme si la religion était venue seulement pour cette partie du monde."


"La violence consume notre monde et ce n'est pas la réponse," a-t-elle déclaré. L'armée israélienne est la plus grande qui soit dans ce secteur et la meilleure formée au monde, mais les soldats n'ont pas apporté de paix à leurs concitoyens.


La pasteure Septemmy Lakawa, théologienne indonésienne et membre du comité exécutif du COE, a parlé de ses propres expériences comme enseignante et pasteure au sein de la plus grande nation musulmane au monde. Elle a posé la question suivante: l'unité de l'Eglise peut-elle aller au-delà de la désunion nationale?


"Nous devons reconnaître qu'il y a différentes voix dans l'Eglise et nous devons écouter ces voix," a-t-elle dit.


L'évêque Samuel Azariah, qui exerce son ministère dans un diocèse de l'Église du Pakistan, a aussi souligné la valeur de l'unité de l'église. Il a rappelé qu'une loi contre le blasphème est utilisée depuis quelques années pour persécuter les chrétiens. Les responsables d'Eglises ont appelé tous les chrétiens à participer à un jour de prière et de jeûne. "Nous nous sommes tous réunis et avons essayé de parler d'une seule voix," a-t-il dit. A la fois le gouvernement et une commission internationale, tous nous ont écoutés. 


Les chrétiens ne parlent pas d'une seule voix aux Etats-Unis, a-t-il observé, ajoutant qu'il est nécessaire de se serrer les coudes, si l'on veut traiter des questions de justice.


"Si nous ne pouvons pas parler d'une seule voix, disons alors qu'il y a un débat parmi nous," laissait entendre le pasteur Jean-Arnold de Clermont, président de la Fédération Protestante de France. 


Il a dit qu'il ressentait fortement l'urgence pour les chrétiens de se poser quelques questions: les Etats-Unis entameront-ils une nouvelle guerre en Irak? Les Etats-Unis permettront-ils aux Israéliens d'envahir de nouveau le territoire palestinien? Les pays démocratiques continueront-ils à soutenir des gouvernements totalitaires en Afrique? "Si les évêques ne peuvent pas parler, alors que parlent les prophètes," a-t-il dit.


Nicholas Balashov, le secrétaire du département des relations oecuméniques pour l'Église Orthodoxe russe, a dit que le temps de prière qu'il a observé avec des pasteurs locaux au "ground zero" de Manhattan était une des expériences les plus inoubliables de sa vie. Comme habitant de Moscou, il a dit qu'il reconnaissait que le 11 septembre était un moment unique. Il a encouragé les Américains à partager leur foi. "Le temps est court."


"Parfois nous prêchons la douleur et la souffrance des autres" comme si les chrétiens ne devaient pas souffrir, commentait le Métropolite orthodoxe grec Elias Audi, du Patriarchat d'Antioche et de l'Orient. Il a fait valoir plutôt que les chrétiens faisaient l'expérience de la douleur pour prêcher à d'autres la douleur. "Nous sommes des êtres de résurrection."


Le 13 novembre 2001

Source: UMNS