La révélation d'actes de torture et de traitements inhumains et dégradants infligés à des prisonniers irakiens dans la prison d'Abou Ghraib sous surveillance des forces militaires américaines a fait l'objet de la réprobation de la communauté internationale dans son ensemble.
Dans un rapport, le CICR à Genève a dénoncé ces faits inacceptables aux autorités américaines depuis longtemps.
Un rapport interne de l'armée américaine, établi par le Général Antonio Taguba en février 2004, parle "de violences criminelles, déchaînées, flagrantes et sadiques" et d'abus systématiques et illégaux à l'encontre de détenus.
Le Président des Etats Unis a dû présenter des excuses publiques le 6 mai dernier.
Au Royaume-Uni, une enquête est en cours à la suite d'allégations similaires à l'encontre des forces britanniques de la Coalition. Le Premier Ministre Blair a d'ores et déjà présenté ses excuses pour toutes les exactions de ce genre qu'auraient commises des militaires de son pays.
Des témoignages publiés au cours des derniers mois par des ONG, comme Amnesty International et Human Rights Watch, montrent clairement que les tortures subies par les détenus de la prison d'Abou Ghraib ne sont pas des incidents isolés mais des méthodes courantes d'interrogatoires.
Des témoins parlent de privation de sommeil, de coups, d'immobilisation dans des positions corporelles douloureuses jointe à la diffusion de musique assourdissante, d'exposition à une lumière trop forte, du port prolongé de cagoule.
L'armée américaine viendrait d'ouvrir des enquêtes, en Irak comme en Afghanistan, sur 35 affaires de violences subies par des prisonniers, dont 25 auraient abouti à des décès.
Le Rapporteur spécial de l'ONU sur la torture, Theo van Boven, dans un communiqué du 3 mai, s'est déclaré très préoccupé par les rapports concernant les abus commis à l'encontre de prisonniers irakiens par les forces de la Coalition. Il demande "une enquête, des poursuites et des sanctions".
La Fédération internationale de l'ACAT condamne vivement ces faits criminels. Elle les considère d'autant plus graves que le Président Bush avait affirmé à plusieurs reprises que les forces américaines n'emploieraient jamais de telles méthodes. Il est également paradoxal et honteux de constater que bon nombre de ces exactions se sont produites dans une prison rendue tristement célèbre par les brutalités du régime de Saddam Hussein.
La FIACAT rappelle que l'usage de la torture est prohibé par le droit international en toutes circonstances, en temps de guerre, comme en temps de paix, et que la lutte contre le terrorisme ne saurait justifier la moindre dérogation au principe absolu du respect de la dignité de la personne. Elle rappelle également que la reconnaissance de ces faits et les excuses présentées par les autorités des Etats-Unis et du Royaume-Uni constituent une étape certes importante, mais ne peuvent en aucun cas suffire.
La FIACAT demande, par conséquent, aux Gouvernements des Etats-Unis et du Royaume-Uni:
- de faire la lumière sur toutes les allégations de torture et de traitements inhumains et dégradants dans tous les lieux de détention dont leurs forces militaires ont la responsabilité en Irak
La FIACAT demande également au gouvernement des Etats-Unis:
- de procéder aux mêmes investigations dans les lieux de privation de liberté qui sont sous son autorité en Afghanistan et à Guantanamo Bay, et ailleurs dans le monde (Philippines, Yémen…).
La FIACAT demande:
- que les enquêtes sur les allégations de violations du droit international humanitaire soient menées en toute transparence par des organes indépendants et impartiaux et que leurs conclusions soient rendues publiques;
- que les responsabilités de faits constitutifs de crimes de guerre aux termes de la Convention de Genève soient clairement établies et que leurs auteurs soient traduits en justice et sanctionnés;
- que toutes les victimes de ces crimes et leurs familles soient indemnisées.
La FIACAT demande aux autorités des Etats-Unis:
- de signer sans délai le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture, qui crée justement un mécanisme de prévention de la torture par un système de visite régulière des lieux de détention.
La FIACAT demande à l'Organisation des Nations Unies:
- de mandater avec diligence son Rapporteur spécial sur la torture pour examiner sur place toutes les allégations de torture et de traitements inhumains et dégradants de la part des forces de la Coalition en Irak, et que les résultats de ses investigations soient rendues publiques.
Le 10 mai 2004.
Source: FIACAT