Commentaire: l'Église doit faire du ministère auprès des malades du SIDA une prioritéCommentaire: l'Église doit faire du ministère auprès des malades du SIDA une priorité

J'ai marché pendant deux heures à travers le plus grand hôpital de l'Inde pour malades du SIDA en décembre dernier, parlé avec des patients et le personnel soignant et offert plus de 700 cadeaux de Noël.


Lors d'une rencontre de patientes femmes, j'ai vu pleurer une petite fille dehors pour sa mère alitée à l'intérieur. Quelques instants plus tard, elle a disparu de devant de moi et rejoint sa mère. La mère a pris sa fille dans ses bras et montré à l'enfant le nouveau sari que je venais de lui donner.


À ce moment-là, mon coeur a atteint son point de rupture et je ne pouvais plus retenir mes larmes. Je ne voyais pas en cet enfant un inconnu, mais ma chère petite petite-fille, Rachel. Et soudain, la crise mondiale du HIV/SIDA apparaissait dans toute son horreur: 40 millions de personnes en sont infectées. Cette crise prenait alors une dimension toute personnelle, que je ne peux pas totalement décrire, mais seulement ressentir.


La mère et l'enfant n'ont pas même un lit où reposer leurs têtes, mais seulement une mince natte posée à même le plancher. L'hôpital Tambaram, situé à l'extérieur de la ville côtière du sud-est de Chennai (Madras), est occupé à 130 % de ses possibilités et toujours plus de patients passent par ses portes chaque jour. Au 21e siècle, l'Asie, l'Afrique et l'Amérique Latine n'ont toujours pas "de place dans l'auberge" pour les gens atteints du virus du HIV/SIDA. Le déni et la discrimination règnent en maîtres absolus - la plupart des hôpitaux en Inde, soit publics soit chrétiens, n'acceptent tout simplement pas de patients atteints du SIDA.


Après avoir repris ma respiration et tâché d'arrêter mes larmes, je suis retourné m'asseoir à côté de cette belle petite fille et de sa mère. Je me suis senti si impuissant face à un tel désespoir. La mère était manifestement très heureuse du nouveau sari en soie, un cadeau d'évangéliques méthodistes et d'autres américains. Mais je savais que l'enfant serait bientôt orphelin, car les pauvres n'ont pas droit à la trithérapie antivirale efficace disponible dans les pays plus riches. 


Quoique j'aie parlé avec la mère par le biais d'un traducteur, je réalise, au moment où j'écris, que je ne connais même pas le nom de l'enfant et je n'ai aucune idée de ce qui arrivera à cette petite fille. Les gens qui me connaissent comprennent les puissants liens émotionnels qui me lient à Rachel. D'une façon ou d'une autre, il a suffi que j'observe cette petite fille indienne pour ramener à la maison le visage personnel et le dilemme des quelques 12.1 millions orphelins du SIDA dans le monde. Leur nombre s'intensifie quotidiennement.


C'est une chose de faire des interventions lors de conférences internationales, d'écrire des résolutions et de prêcher des sermons sur le HIV/SIDA, mais c'en est une autre de regarder les gens droit dans les yeux comme de se mettre à genoux à côté d'eux. Et ensuite de regarder en haut et en bas du hall et de voir une mère après l'autre, âgées de 17 ans, de 21 ans, de 27 ans, de 22 ans... Aller à la rencontre des jeunes veuves et des orphelins, c'est se confronter à la réalité de la crise du SIDA, véritable pandémie globale.


Avec un groupe de chrétiens, j'ai visité en ce jour l'hôpital réservé aux malades du SIDA. Notre voyage avait été rendu possible grâce au docteur N. M. Samuel de l'Inde, à Garez Hill de l'Église Evangélique Méthodiste (EEM) de Denver, à la Commission pour la mission et la Diaconie et au Centre "Center for Global Parish Ministry" de l'École de Théologie Iliff à Denver. Les cadeaux que nous avons distribués avaient été achetés grâce à des dons individuels de gens du Colorado, du Kansas, de la Pennsylvanie et d'ailleurs.


Ma collègue, Susan Brown, responsable laïc de Park Hill, a dit plus tard qu'elle avait vu le visage de Dieu dans les yeux des gens. Je me suis interrogée à plusieurs reprises: Où est Dieu au milieu d'une telle souffrance? Où est l'Église de Jésus Christ?


Une femme avisée m'a posé quelques questions précises et poignantes. "Pourquoi n'obtenons-nous pas les médicaments disponibles dans ce monde? Pourquoi procède-t-on ici à des transplantations cardiaques, sans disposer là de médicament pour nous aider?" Son cri s'intensifie partout dans le Tiers-monde, seuls quelques 25,000 personnes en Afrique environ sur 25 millions obtiennent les médicaments qui leur permettent de survivre.


Nous avons parcouru l'hôpital en long et en large et présenté à chaque fois individuellement les cadeaux. Les femmes (mères et femmes) regardaient par les fenêtres ce que nous faisions quand nous allions à la rencontre des hommes. Chaque fois que nous marchions à l'extérieur, elles nous gratifiaient de sourires et exprimaient leur reconnaissance pour les cadeaux que nous avions apportés. 


Mais à l'extérieur du quartier des femmes, il ne se trouvait personne pour regarder par les fenêtres. Elles sont terriblement seules. On m'a dit que quelques maris et quelques familles venaient, mais nous n'en avons vu aucun. A la Troisième Conférence Internationale sur le SIDA en Inde, j'ai appris que les hommes communiquaient la maladie à leurs conjoints et à leurs petites amies, mais les femmes sont blâmées et souvent rejetées de la maison. Non seulement elles meurent, mais elles meurent seules.


Nous étions en mesure d'identifier plusieurs femmes comme chrétiennes, nous avions donc pu passer plus de temps avec elles. Quand on leur a dit que c'étaient des cadeaux de Noël, elles se sont mises à sourire et je les ai entendues parler de Jésus. Une femme très mince avait une grande Bible qu'elle gardait sous son oreiller pendant son sommeil.


Pendant mon séjour en Inde, j'ai donné deux conférences à la Conférence Internationale et présidé avec un docteur bouddhiste et un dignitaire musulman une session interreligieuse sur l'accompagnement de personnes atteintes du HIV/SIDA. J'ai aussi prêché dans deux Eglises indiennes sur le thème de l'Avent et le SIDA ("Y-a-t-il une place dans l'Auberge?"). L'expérience était de la plus grande importance, c'était puissant pour moi, mais le temps passé à l'hôpital a donné du relief aux paroles partagées précédemment aux Eglises et à la conférence.


Les Nations unies reconnaissent devoir faire face à la plus grave pandémie jamais survenue depuis 700 ans; elles ont récemment déclaré à l'unanimité que "l'épidémie du SIDA à travers le monde ... constituait un cas d'urgence global." L'ONU a invité à chaque segment de la société à intervenir, avec une mention spéciale pour les groupements religieux.


Jusqu'à présent, les efforts des évangéliques méthodiste ont été minimaux. Dans les temps à venir, trois pas significatifs devront impérativement être franchis. D'abord, de même que les gens doivent changer de comportement pour empêcher et éliminer le SIDA, les responsables d'Eglise doivent aussi changer leur propre comportement. De la compassion, pas de condamnation; de l'engagement, pas d'indifférence, voilà ce qui doit prévaloir. On doit en finir avec tout déni et toute discrimination.


Deuxièmement, l'Eglise doit accroître ses ressources financières pour l'éducation et les programmes de prévention. ... . Le Conseil des Évêques doit lancer un appel spécial, comme cela fait pour d'autres cas d'urgence dans le monde.


Troisièment, les Conférences Annuelles et les Eglises locales doivent répondre de manière créative à ce cas d'urgence mondial. Venir en aide aux orphelins, plaider pour une justice sociale globale dans les programmes de santé publique et participer à des programmes missionnaires bénévoles, voilà quelques exemples de ce qui peut être fait. Ce n'est pas une question "libérale" ni une question "évangélique", mais un appel de la part de Dieu à répondre à cette crise humaine urgente avec l'Esprit guérissant de Jésus Christ.


Puisse se réveiller le caractère compâtissant du méthodisme évangélique l'année qui vient. L'éducation globale en matière du Sida, la prévention, le traitement et les soins doivent devenir une priorité de la mission de l'Eglise. 


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*Messer, l'auteur de ce commentaire, est professeur de Théologie Pratique et directeur du "Center for Global Parish Ministry" à l'"Iliff School of Theology" à Denver. Il est aussi le président émérite d'Iliff. 


Les commentaires publiés par EEMNI ne reflètent pas nécessairement l'avis ou les positions officielles de l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM).


Le 4 janvier 2002

Source: Service de presse évangélique méthodiste (UMNS)