Juerg Matter (juerg.matter@umc-europe.org), nouveau directeur du Diaconat Bethesda à Bâle, une oeuvre autonome de l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM), lance une réflexion de fond sur la vocation de diaconesse.
"Imaginez-vous la situation: une jeune femme vous fait part de sa décision de vivre à l'essai pour quelques mois au sein de la communauté des soeurs du Diaconat Bethesda de Bâle. Durant ce temps, elle s'interroge avec sérieux si elle veut ou non intégrer cette communauté de soeurs.
Comment réagissez-vous? Vous vous frottez les yeux et pensez (espérons que vous le lui dîtes!): «Mais en fait, tu es très belle!» Vous froncez les sourcils et posez la question avec une voix plus assurée: «As-tu vraiment bien réfléchi à la chose?» (et pensez: «comment cette pensée s'est-elle seulement imposée à elle?!» Elle n'a aucune idée de la manière dont se déroule en général la vie communautaire d'une communauté de soeurs et en particulier comment se présente la vie au sein du Diaconat Bethesda. Entre temps, vous lui posez la question suivante en toute objectivité: «Comment tu en arrives là?» Vous connaissez et estimez des diaconesses en particulier. Vous les trouvez à l'aise dans les maisons de Bâle ou de Kuesnacht et dîtes: «Je ne peux que t'encourager à vivre ce temps le coeur et l'esprit ouverts.»
En résumé: Qu'est-ce qu'une femme a à gagner d'après vous à devenir diaconesse; ou que perd-elle?
Je formule quelques pistes de réflexion: Chaque fois que je fais tel ou tel choix de vie, j'écarte d'autres voies. Je me marie; je me décide pour une formation professionnelle; je bâtis ma petite maison en une localité, etc... Je peux faire deux choses suite à ces décisions: soit je passe mon temps à ressasser tout ce que ces décisions m'ont fait perdre, soit je me concentre sur la vie que j'ai choisie et me réjouis de ses possibilités et de ses chances. Chaque être humain décide de son choix de vie plus ou moins consciemment et sous l'influence plus ou moins forte d'un tiers. Devenir diaconesse, c'est l'expression pour une femme d'une grande liberté de décision personnelle. C'est aussi les marques d'une personnalité affirmée, car parents et connaissances réagissent souvent avec un grand étonnement à une telle décision. Entrer au sein d'une communauté de soeur à l'essai ou pour la vie, c'est une décision, qui certes exclut d'autres formes de vie; mais c'est fondamentalement marcher de l'avant, s'ouvrir des horizons et des perspectives. J'en cite quelques uns: une diaconesse est intégrée à une communauté, qui lui offre le nécessaire et la sécurité. Elle fait l'expérience qu'on s'occupera parfaitement d'elle dans les bons comme dans les mauvais jours sur les plans matériel et spirituel. Dans le même temps, il lui est demandé un grand sens de responsabilité personnelle. Elle recherche et trouve en liaison avec les autres soeurs un rythme de vie bénéfique. Elle détermine avec les autres en toute responsabilité les formes et les règles de vie. Elle exerce son métier comme partie intégrante de sa vocation. Elle apporte sa contribution à la vie d'une grande oeuvre sociale de l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM). Il va de soi qu'elle exclut de ce fait d'autres options de vie: elle ne se mariera pas. Elle n'aura pas d'enfants. Elle ne se tiendra jamais devant une penderie pleine de vêtements, jamais, elle ne se plaindra de ne pas avoir pas d'habits à se mettre. Elle se contentera, - malgré un salaire -, de l'argent de poche. Elle fera disparaître de sa vie courante le luxe bien entendu, mais aussi bien des agréments. Elle limitera son espace de vie à quelques mètres carré. Elle ne choisira pas non plus son lieu de résidence à son gré.
La décision de devenir diaconesse, est-ce alors perdre ou gagner de la qualité de vie? La question joue non seulement au niveau horizontal mais aussi sur le plan vertical: une femme ne peut y répondre qu'en se mettant en présence du Dieu Trinitaire. La question de la vocation ne se limitera jamais à la question: de quelle manière vais-je me couper la plus grande part du gâteau de la vie? Ma vie personnelle apparaîtra chargée de sens, pour autant que je suis disponible et disposé à consacrer mon temps, mes forces et mes dons au service des autres. Je saurai pour quoi et pour qui je suis au monde, si et seulement si je me libère du souci angoissant de rater ma vie. On peut faire nôtre cette certitude dans toutes les formes de vie, quelles qu'elles soient: dans le mariage et la famille, dans le choix du célibat, dans une carrière professionnelle comme dans un métier social et d'entraide - et précisément aussi dans la vie, la foi et le service d'une diaconesse.
Vous vous présentez et dîtes: «je me suis décidée de partager la vie de la communauté des soeurs du Diaconat Bethesda à Bâle à titre d'essai!»
>Source: Juerg Matter