Un local dans un immeuble de Bachenbülach recèle un trésor très particulier. environ 2000 images en noir et blanc reproduisant des scènes bibliques, de la grandeur d'un poster, des reproductions collées sur des rouleaux ou sur un grand carton. Elles étaient utilisées comme matériel d'enseignement à l'école de dimanche jusque dans les années 60 du siècle dernier. Active pendant de nombreuses années au service de communautés EEM, Elisabeth Russenberger collectionne ces images depuis plus de trente ans.
Comment vous est venue l'idée de collectionner ces images?
Je n'étais pas à l'origine méthodiste. Quand je commençais en 1967 mon ministère à Vevey, j'ai trouvé dans le batiment de l'Eglise une trentaine de ces images environ au grand format avec des scènes bibliques. Elles me plaisaient, et je me demandais, pourquoi elles avaient été déposées ici dans le grenier. C'est ainsi que je les descendis dans le local des jeunes pour les nettoyer. Sur ce, je me suis dit qu'il devrait y avoir encore plus d'images non seulement à Vevey, mais encore dans d'autres paroisses.
Comment avez-vous trouvé d'autres images?
J'ai appelé mes collègues pasteurs et les administrateurs et suis allé de paroisse en paroisse. C'est ainsi que d'autres images se sont ajoutées au lot, et quand j'étais mutée en 1983 à Schaffhouse, j'emportais déjà 700 images avec moi. De 1990 jusqu'en 1998, j'étais affectée à la paroisse de Zurich 8 Inselhof. A cette époque-là, je commençais à numéroter et à cataloguer systématiquement les images. En conversant avec des collègues pasteurs plus âgés, j'ai appris qu'on utilisait autrefois ces images très fréquemment à l'école de dimanche. On les appelait "la grande galerie d'images" ou "la vieille galerie d'image". Plus je collectionnaies d'images, plus j'étais enthousiasmée. Je les utilisais souvent lors des cultes, des études bibliques et dans l'instruction religieuse. Non seulement les images sont captivantes, mais les textes accollés aux images sont très intéressants.
Pourquoi la collection s'appelle-t-elle la "galerie d'images"?
On pensait qu'en faisant défiler des images devant le spectateur toute la Bible apparaissait comme une grande galerie d'images.
Comment travaillait-on avec ces images?
J'ai parlé à ce sujet avec des moniteurs et monitrices de l'école du dimanche plus âgés. Chaque dimanche, une image était prévue en rapport avec la leçon du jour. Les images venaient sous forme de rouleaux par la poste; en plus il y avait un livret d'accompagnement: les "leçons de l'école du dimanche". D'abord on traitait la leçon, ensuite seulement on avait le droit de découvrir l'image, une façon d'éviter que les enfants se distraient avant l'heure. Les images étaient fixées sur un support comme pour un "Flipp-Chart" (ndlr. un chevalet de conférence), et un enfant pouvait feuilleter une image de plus chaque dimanche. Quand un enfant était attentif, et donc avait retenu, par exemple, le contenu de la dernière leçon, il recevait en cadeau l'image en format réduit, "la petite galerie d'images", ou, comme on disait, une "Fleissbildchen" (traduction: une petite image pour enfants sages).
Quel était le but de ces images?
Ce n'était pas en premier lieu la diffusion d'images culturellement belles, mais la diffusion du texte biblique. On était convaincu que sans une connaissance approfondie de la Bible, on ne pouvait guère vivre correctement sa foi chrétienne.
N'a-t-on employées ces images que pour les enfants?
Non, également chez les adultes, par exemple, en Amérique, Angleterre, Italie etc.... En Suisse, elles étaient appliquées avant tout à l'école de dimanche, mais aussi dans les cours d'instruction religieuse et dans les études bibliques.
Un mot sur l'histoire de ces images!
Les images apparaissaient dans les années 1865-1921. L'acheminement des images de l'atelier du peintre jusqu'au "bon pour le tirage" prenait, habituellement, douze ans.
Pourquoi douze ans?
Tout le processus durait plutôt plus longtemps. A cette époque, il n'y avait encore d'avion ni de moyens de transmission rapides à l'échelle mondiale. Les peintres, en majorité originaires des USA et des pays européens, devaient soumettre leur image au jury de la Fédération mondiale des écoles du dimanche. Celui-ci décidait alors, si les images convenaient. Il y avait des critères pour ces images, par exemple, elles devaient être fidèles à la Bible, être proches du texte et ne pas en rajouter. Pour les pays germanophones, ces images venaient alors jusqu'à la maison d'édition Anker, à Dresde, en addition au texte et de là repartaient à Cincinatti aux Etats-Unis pour l'impression. De là, elles étaient reexpédiées suivant la langue dans les pays correspondants. Chaque année, quatre rouleaux de 13 images étaient ainsi mises à la disposition.
Pourquoi n'y avait-il plus eu aucune nouvelle image après 1921?
Après la Première guerre mondiale (1914-18), il y avait un grand manque de papier. A quoi s'ajoute l'importance du stock d'images disponibles. En outre, le jury ne pouvait pas travailler pendant la guerre et n'avait pas été renouvelé.
Qui en principe a été à l'origine de ces images?
Je n'ai pas découvert jusqu'à maintenant qui en était l'initiateur. Probablement qu'il n'y en avait pas. Je pense qu'on doit en chercher l'origine en Europe. J'ai aussi des images avec un texte suédois ou espagnol. Je poursuis mes recherches sur cette question.
Qu'est-ce qui vous frappe personnellement dans ces images?
La Bible. L'histoire biblique me fascine. Cette diversité, cette richesse qui mène de la création à l'Apocalypse en passant par les prophètes, les psaumes et le salut. Ça correspond exactement à ce que j'ai vécu comme enfant. Mon père était missionnaire. Il a raconté non seulement les histoires classiques aux Chinois, mais aussi présenté tous les psaumes et la partie des prophètes, etc. Et la "galerie d'images" reflète parfaitement cette histoire. Depuis des années, je m'inquiète de ce que les gens ne lisent pratiquement plus la Bible. Plusieurs ne connaissent pas plus de la Bible, que ce que le pasteur lit du haut de la chaire le dimanche.
D'où cela vient-il?
Je pense surtout par commodité. Les gens lisent, certes, beaucoup de livres et de revues et racontent qu'ils ont entendu ces histoires au cours de l'instruction religieuse. Mais ils ne lisent plus les histoires. Je suis convaincue qu'un chrétien, qui lit régulièrement la Bible, vit une transformation de sa personne. Lire soi-même la Bible, c'est totalement différent que de se la faire raconter. Il faut considérer que depuis longtemps déjà tous les enfants ne viennent plus à l'école de dimanche et à l'instruction religieuse. Il est nécessaire d'apporter le message biblique tel qu'il est écrit, aux femmes et aux hommes de notre temps. J'ai très à coeur que les gens apprennent à connaître la Bible et vivent avec elle.
Interview: Andy Schindler-Walch
Source: Kirche und Welt N°16, 8 août 2002