De l'embarras
Du scandale au chiffre d'affaires, Mel Gibson, qui se dit lui-même catholique intégriste, aura fait son effet. Son film, dont on parle depuis des mois, a déjà rapporté plus de 300 millions de dollars. Les images des dernières heures du Christ, d'une extrême violence, ont soulevé la polémique, tout comme la manière dont le film présente les juifs, dépeints comme les pires ennemis de Jésus.
En Suisse, les Eglises officielles affirment que ce film ne vaut pas le déplacement. L'évêque auxiliaire de Genève, Mgr Pierre Farine, a adressé lundi, à l'occasion de la Pâque juive, une lettre fraternelle aux communautés israélites de Genève, affirmant l'attachement de son Eglise au dialogue entre juifs et chrétiens. La CICAD (Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation) dénonce quant à elle le contenu du film, qui «bafoue quarante années de rapprochement entre juifs et chrétiens». Dans son communiqué, elle cite une déclaration du Concile Vatican II: «Ce qui a été commis durant la passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les juifs vivant alors, ni aux juifs de notre temps (Décret Nostra Aetatedu 28 octobre 1965).»
De l'enthousiasme
L'Alliance évangélique suisse affirme au contraire que le film ne peut être taxé d'antisémitisme et recommande de ne pas éluder la question fondamentale qu'il pose sur le sens des souffrances et de la mort du Christ.
Pour un évêque luthérien allemand, la croix est le symbole de la non-violence
L'évêque à la tête de la VELKD, Hans Christian Knuth, estime que "la passion de Christ" de Mel Gibson est de nature à renouveler la piété du Vendredi saint. Dans une contribution adressée aux quotidiens du Schleswig-Holstein, il écrit que ce film ne glorifie pas la violence.
On peut comprendre le film de Mel Gibson sur la souffrance du Christ comme une "pièce maîtresse dans le débat actuel sur la signification théologique de la crucifixion de Jésus" pour reprendre les propos de l'évêque de la VELKD. Selon l'évêque Knuth, le film indique d'une "manière extrême et sûrement exagérée", comment Jésus est devenu la victime d'une violence absurde et brutale. Sous cet angle, la violence "n'est pas du tout exaltée". "Au contraire, la croix devient le symbole de la non-violence!"
En notre temps caractérisé par la violence et les ripostes brutales, "cette approche deJésus est de la plus haute importance". Knuth déclare mot pour mot: "notre monde sombre dans un bain de sang, s'il n'y a pas des gens comme Jésus qui réagissent à la violence en faisant preuve de non-violence." Mahatma Gandhi, Martin Luther King, Dag Hammarskjöld et beaucoup d'autres sont devenus comme Jésus les victimes de la violence parce qu'ils s'opposaient à la violence sans user de violence.
La "Croix comme l'approche non-violente par excellence" pourrait caractériser la piété du Vendredi saint, ainsi l'entend l'évêque de la VELKD.
Jeudi 08 Avril 2004
Source: EEMNI/Le Courrier/RNA/velkd