George Barrolle est de par son travail chaque jour en contact avec beaucoup de personnes en souffrance dans ce pays déchiré par la guerre.
Barrolle est le directeur du programme "Droits de l'homme et Paix & Justice" lancé par la Conférence Annuelle (CA) de l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM) du Libéria. Il voyage d'un camp de réfugiés à l'autre à Monrovia et autour de la capitale du Libéria, pour mener son enquête sur les violations des droits de l'homme. Son enquête lui permet de faire le point de la situation sur le plan humanitaire et sécuritaire, en ce qui concerne l'alimentation, le logement, l'assistance médicale et l'éducation.
"Nous partageons cette information avec tous les services de l'église," a-t-il dit. A partir de son rapport, l'église tâchera de mettre en place le dispositif voulu pour répondre à la situation. "Puisque l'église est impliquée sur le plan humanitaire, nous estimons que l'église est en droit d'obtenir des informations précises pour être capable de faire pression et continuer à partager l'information avec ses partenaires pour obtenir de l'aide complémentaire."
Jusqu'à une date récente, Barrolle dirigeait le camp Findel, situé à environ une heure de Monrovia. Il avait entendu parler des rumeurs persistantes faisant état de commerce sexuel dans le camp contre de la nourriture. Une longue route en argile rouge mène à ce camp; sous l'effet des pluies incessantes, elle est boueuse et les trous ressemblent à de petits étangs. Des rangées de huttes couvertes d'un toît de chaume au milieu d'un paysage luxuriant. Les toits de paille ont été partiellement couverts de toiles goudronnées blanches pour ne pas laisser pénétrer la pluie.
Findel est un camp permanent ouvert il y a 2 ans qui a déjà logé plus de 16,000 personnes. "Africa for Assistance" et l'organisation "Concerned Christian Community" gèrent le camp. La Croix-Rouge y est aussi présente, elle tâche de réunir les familles séparées.
A son arrivée, Barrolle a découvert que le camp n'était nullement sécurisé, il écourtera de ce fait son séjour dans le camp, il n'y restera pas plus de 60 minutes. Le reste de son équipe d'enquêteurs était nerveux, puisque le camp avait été pillé et se trouvait dans un secteur isolé, une cible facile pour des rebelles encore à désarmer.
Selon des managers de ce camp, Findel avait été sans nourriture pendant presque huit mois. En juillet, les occupants se sont enfuis à Monrovia à cause du combat. Ils ont tout quitté derrière eux. Leur camp a été pillé et les structures ont été détruites. Les organisations d'aide humanitaire ne livreront pas de nourriture ni de structures pour le stockage à des camps n'offrant pas d'abris à leurs résidants; ils ne livreront pas non plus de la nourriture aux camps qui n'offrent pas un minimum de sécurité. Le risque d'embuscade est trop grand.
Barrolle a demandé comment les gens réussissaient à manger. William Pala Dit de l'organisation "Concerned Christian Community": "si tu ne manges que demain, tu commences à t'y préparer aujourd'hui. Les gens vont dans la brousse et ils creusent dans le sol pour déterrer des racines. Si tu ne le fais pas cuire correctement, ça met ton estomac dans un drôle d'état."
Les gens retournent petit à petit dans ce camp quand ils constatent que leurs maisons ne sont plus habitables. Plus de 7,000 sont revenus, quelques uns seulement pour constater que leurs conditions de vie n'étaient pas beaucoup meilleures dans ce camp. Les abris ont été détruits et ont besoin d'être reconstruits, mais le matériel fait souvent défaut. Les vêtements et les ustensiles de cuisine ont été volés.
"Les conditions de vie sont très mauvaises parce que nous n'avons pas de nourriture, nous n'avons pas de nourriture," a dit un résidant du camp de 17 ans dénommé Joseph. "Nous n'avons pas de vêtements; nous n'avons pas de vêtements, de pantoufles. Nous n'avons rien; nous souffrons."
Barrolle n'a pas trouvé de cas de "prostitution contre de la nourriture", mais il a trouvé des gens en état d'inanition, sans eau propre ni trop d'espoir. Les discussions avec les managers du camp, font ressortir que l'aide humanitaire pourrait venir dès que des forces de sécurité entreraient dans le camp.
Sur le plan de la sécurité, la situation du camp est précaire sur plusieurs fronts. Les rebelles dans le secteur n'ont pas été désarmés et chacun redoute un nouveau raid contre le camp. La Communauté Économique Militaire des États de l'Afrique occidentale mise en place par les Nations Unies pour aider à la sécurisation du pays, ne veut pas déployer de troupes à cause de ce risque d'embuscade.
Si aucun viol n'a été signalé dans le camp, Barrolle a néanmoins vérifié ce qu'il en était dans la clinique médicale pour être sûr. La clinique, qui fonctionne à l'aide de "Médecins Sans Frontières", traite de 75 à 80 personnes quotidiennement, a-t-il dit. "La plupart des patients traités ici ont des problèmes respiratoires et sont des enfants. C'est la saison pluvieuse et la plupart des enfants dorment à même le sol, ce qui fait que les infections respiratoires sont courantes parmi les enfants."
Un hélicoptère militaire américain est passé au-dessus du camp. "La présence américaine signifie le retour à la vie pour la plupart des Libériens, pour les IDPS (personnes déplacées internes)," a dit Barrolle. "Quand ils voient l'hélicoptère, je ne sais pas ce qui se passe dans leurs esprits. Ce sont des avions américains.... Les avions volent juste au-dessus du camp: comme s'ils s'apprêtaient à se poser et à apporter de la nourriture ou autre chose. Je ne peux pas imaginer ce qui se passe dans leurs esprits quand ils regardent passer ces avions."
A son départ, Barrolle a fait son rapport. "Le besoin est désespéré. En fait, on n'a pas donné de rations aux gens depuis quelques huit mois, autant vous dire qu'ils sont des gens affamés," a-t-il dit.
"C'est épouvantable," a-t-il continué. "Ils ont été pillés. Ils n'ont pas même d'ustensiles de cuisine. Ils n'ont pas de vêtements. Les vêtements ont été emportés suite à la crise. Nous comprenons ce qui s'est passé: des soldats sont entrés et ont juste arraché des mains leurs biens. Ce sont des gens désespérés. Ils ont été déracinés. Donc le besoin est énorme. Il y a une crise humaine sérieuse.
"Sur le plan de la sécurité, même si on devait distribuer des aliments, on peut craindre que des hommes armés les visiteraient ensuite et emporteraient la nourriture dont ils disposent. Ainsi est-il nécessaire d'améliorer d'urgence la sécurité du camp. Il doit y avoir une présence militaire dans le camp. Les mots ne peuvent pas décrire l'urgence du besoin. Environ 50, 60 (personnes déplacées) retournent quotidiennement dans le camp et la plupart d'entre eux n'ont pas de place pour y rester."
Barrolle a dit qu'il écrirait un rapport appelé à une large diffusion dans l'église et parmi ses partenaires. "Nous rassemblons l'information nécessaire pour éveiller la conscience de l'église dans l'espoir d'obtenir quelque aide humanitaire."
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Le 21 novembre 2003
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Source: Service de presse évangélique méthodiste (UMNS)