Danielle Baumann-Haeberlin dirige avec sa famille un restaurant réputé (trois étoiles dans le Guide Michelin depuis 40 ans) en Alsace. Protestante, de sensibilité évangélique méthodiste (membre de l’EEM de Muntzenheim), Dieu est son compagnon de tous les jours, le moteur indispensable de ses journées, comme le rapporte le mensuel baptiste ”Construire ensemble” du mois de juin 2007. L’interview est signé Nathalie Guillet.
Depuis quand êtes-vous restauratrice?
Je pourrais presque dire: «depuis toujours». Cela fait cent cinquante ans que l’Auberge de l’Ill* est la propriété de ma famille, soit trois générations. J’ai donc toujours vécu ici. Au moment de choisir mon orientation, j’ai été tentée par la théologie mais j’ai rencontré mon futur mari qui était dans la restauration… j’ai décidé de le suivre. Nous travaillons tous les deux dans l’entreprise familiale; mon frère s’occupe de la cuisine, mon mari de l’hôtel, moi de l’accueil des clients dans la salle à manger, qui peut accueillir jusqu’à cent personnes. Nous avons au total une soixantaine d’employés.
Décrivez-nous une journée de travail
Au réveil, ma première pensée va à Dieu. C’est une sorte de discipline qui s’est progressivement imposée à moi et qui me permet d’orienter mes pensées vers Dieu dès le matin et pour toute la journée. C’est comme une respiration. Après le petit-déjeuner, je prends un moment pour lire la Bible, prier, tout cela sur fond musical. À partir de dix heures, je suis au bureau. Je traite le courrier, la caisse. Je déjeune à 11h30, puis je me change pour accueillir les clients dès midi. J’y suis jusqu’à 17h. Ensuite, jusqu’à 18h30, j’ai un moment pour moi, je dîne, puis le service reprend jusqu’à une heure du matin.
Ce sont de longues journées…
Oui, en effet. Je suis convaincue que c’est Dieu qui me donne la force de faire tout cela. La prière a une immense importance dans ma vie. C’est la clé de mes matins et le verrou de mes soirs. Le matin, elle agit comme la rosée qui m’abreuvera pour toute la journée et le soir, elle est un scanner au travers duquel j’examine ma journée. Là, je prends conscience de ce que je n’ai pas fait ou mal fait, je m’examine sous le regard de Dieu.
Qu’est-ce que ça change dans votre travail d’être chrétienne?
Ce qui change, c’est précisément ce regard de Dieu, dont je viens de vous parler, car on apprend aussi à considérer les autres avec les yeux de Dieu, à les aimer véritablement et à les considérer comme supérieurs à soi-même. Dieu n’est pas derrière moi, ni devant moi mais à côté de moi. L’amour qu’il me donne pour nos clients et nos employés enrichit mon travail d’une manière extraordinaire. En retour, eux aussi m’apportent beaucoup. J’ai appris à transmettre plus ma foi dans ma manière d’être que dans ce que je dis. L’amour et la tolérance se disent plus en actes qu’en paroles. C’est une grande force dans la vie que d’avoir de l’amour pour les autres. «Être et prier», j’aimerais en faire ma devise!
Depuis quand êtes-vous chrétienne?
Je suis née dans une famille protestante, luthérienne. J’aime beaucoup cette citation de Bob Gass car je peux la reprendre à mon compte: «La meilleure traduction de la Bible, c’est la vie de ma mère». J’ai reçu une éducation chrétienne et j’ai eu une enfance très heureuse avec beaucoup d’amour.
Mais, c’est au moment du baptême de ma fille, il y a vingt ans, que le «déclic» s’est produit. Alors que le pasteur priait pour elle, les yeux de mon cœur se sont ouverts, la présence et l’amour de Dieu se sont imposés à moi d’une façon bouleversante. Jusque-là, ma foi était une démarche d’ordre intellectuel. Mais ce jour-là, la vérité de Dieu m’a envahie en quelque sorte. C’était comme une porte qui s’ouvrait, un voile devant mes yeux qui tombait. Depuis, j’ai un besoin vital de sa présence. Et, j’ai la chance d’être «encordée» avec mon mari. Quand l’un faiblit, l’autre l’élève sur le palier supérieur.
Et depuis, qu’avez-vous appris sur Dieu?
C’est Dieu qui m’a appris beaucoup de choses! Je ne me suis jamais sentie «formatée» par qui que ce soit. Lui seul a gravé mon «disque dur». Particulièrement à travers les épreuves, l’une d’elles m’a enseigné l’humilité et la patience. J’ai dû apprendre à lâcher prise aussi, à m’abandonner à l’amour de Dieu. Les épreuves sont devenues pour moi comme le grain de sable dans l’huître: grâce à Dieu, elles deviennent des perles. J’en suis arrivée à les accepter et à remercier Dieu pour elles! Lorsqu’on les remet entre ses mains, elles deviennent une bénédiction. Pour devenir du pain, le blé doit être broyé! Finalement, peu importent les difficultés car aucune n’est trop grande pour lui. Je crois que lorsqu’il nous plonge dans la nuit, c’est pour nous apprendre à mieux entendre sa voix. Je vois tout le temps la main de Dieu dans ma vie.
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*L’Auberge de l’Ill, 2 rue de Collonges-au-Mont-d’Or, 68970 Illhauesen, 03 89 71 89 00
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L’humour de Dieu
Aucun détail n’échappe à Dieu. Il nous le fait comprendre, parfois, avec un clin d’œil.
Un soir, panique! Un couple de clients avait réservé une table en précisant qu’ils seraient accompagnés de leur chien. Or ce soir-là, la salle était pleine, j’étais débordée et j’avais totalement oublié le couple avec son chien. Soudain, je m’en suis rappelé mais il était déjà tard. Il ne restait qu’une toute petite table, dans un coin. Ils allaient manquer de place! J’étais inquiète car dans un restaurant comme le nôtre, ce genre de détail compte, nous devons bien accueillir et donner toute satisfaction à nos clients. J’ai donc prié, Dieu seul pouvait agir. Quelques minutes, plus tard, le couple est arrivé… avec le chien… C’était une minuscule boule de poils, qui tenait facilement dans les paumes de la main. Dieu avait vraiment pensé à tout, y compris à ma distraction!
Source: construire ensemble