Canada: la guerre contre l’Irak : après un an, KAIROS évalue les dommages - Une déclaration de KAIROS – Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice

On ne brandira plus l’épée, nation contre nation, on n’apprendra plus à se battre. Ils demeureront chacun sous sa vigne et son figuier, et personne pour les troubler. (Michée 3,3-4).


Cette vision de la paix se trouve au cœur de la position que KAIROS a prise l’an passé contre la guerre contre l’Irak. KAIROS et ses réseaux ont prié, écrit des lettres et joint les rangs de la vaste mobilisation contre la guerre.


Toutefois, le 19 mars 2003, les États-Unis, appuyés par la Grande Bretagne et de nombreux autres pays, ont lancé des attaques aériennes et terrestres féroces contre l’Irak. On estime à 10 000 le nombre de civils irakiens tués par cette guerre et cette occupation, de même qu’entre 5 000 et 10 000 le nombre de soldats irakiens morts au combat et à 650 les soldats sous commandement états-unien tués.


L’occupation militaire de l’Irak a engendré un plus grand chaos, l’anarchie et la violence, causant un traumatisme et des souffrances encore plus grands. De nombreux Irakiens sont marqués pour la vie par la perte de membres de leur famille et d’amis, par les blessures, la faim, l’eau insalubre et les soins de santé déficients, tout cela causé par la guerre.


KAIROS s’est opposée à la guerre, déclarant qu’elle était injustifiée et immorale devant la mort et la destruction qu’elle allait causer. «Nous, de l’Ouest, serons jugés par les générations futures et par le Créateur universel sur les torts que nous avons infligés de façon délibérée au nom de la sécurité», disaient les leaders des Églises canadiennes dans une lettre adressée au premier ministre du Canada en septembre 2002.


Le prétexte anglo-états-unien pour faire la guerre – que l’Irak possédait des armes de destruction massive (ADM) et se préparait à s’en servir pour attaquer d’autres pays – nous apparaissait douteux et influencé par des intérêts non déclarés, liés au contrôle des ressources et à la domination militaire sur le Moyen-Orient. Beaucoup considéraient la guerre illégale, car elle ne rencontrait pas les critères énoncés dans la charte des Nations Unies justifiant une telle attaque.


Le gouvernement canadien a finalement refusé de soutenir la guerre. Un an plus tard, la sagesse de cette décision saute aux yeux. Nous applaudissons l’ex-premier ministre Chrétien pour cette position de principe.


Un motif de guerre changeant


Les recherches intensives menées par les Nations Unies et les États-Unis n’ont mené à la découverte d’aucune AMD en Irak. Les rapports des agences de renseignement sur lesquels se fondaient les arguments invoqués pour faire la guerre se montrèrent ou bien grossièrement inexacts ou mal interprétés.


Maintenant, on présente la guerre dans un nouveau schéma, comme un acte de secours du peuple irakien contre Saddam Hussein. Les promoteurs de la guerre clament que «le monde se porte mieux sans Saddam Hussein». Le monde ne se porte pas mieux sans les 10 000 mères, pères, enfants, grands-parents, sœurs et frères irakiens morts à cause de la guerre.


Il faut protéger les droits démocratiques et humains des personnes mais dans le cadre des lois et des accords existants. Les nombreuses pertes de vie en Irak de même que tout le processus et la nature des bombardements sous la menée des USA contredisent les tentatives de justifier la guerre au nom de la protection du peuple irakien.


Quelles perspectives s’ouvrent à nous maintenant?


La guerre et l’occupation de l’Irak sont liées à une stratégie plus vaste des USA pour parvenir à la domination militaire, politique et économique. La «guerre contre le terrorisme» promeut cette stratégie et se déroule aux dépens des droits humains et en restreignant les libertés civiles. Depuis le 11 septembre 2001, le gouvernement canadien a procédé à des initiatives pour appuyer la guerre contre la terreur et s’est directement engagé sur d’autres théâtres de la guerre, comme en Afghanistan. KAIROS se préoccupe grandement que certaines de ces actions, y compris la loi C-7 (auparavant connue sous le nom de loi C-17) et la loi C-36, minent les libertés fondamentales à la base de la sécurité humaine.


Maintenant, un an plus tard, nous nous rassemblons pour proclamer à nouveau, avec espoir, ce que Michée nous propose comme avenir possible: un monde libéré de la violence, de la pauvreté et de la peur. KAIROS demande au gouvernement canadien de se joindre aux efforts de bâtir un tel monde en adhérant aux normes et principes suivants :


En Irak


L’objectif premier en Irak doit maintenant viser à créer un société fondée sur l’autodétermination et le respect de l’ensemble des droits humains. Pour y parvenir, nous demandons au Canada d’appuyer les étapes suivantes :


Mettre fin dès que possible à l’occupation dirigée par les USA et retirer toutes les troupes qui ne sont pas sous le commandement des Nations Unies. Jusqu’à ce que cesse l’occupation, les puissances occupantes doivent observer de façon stricte les dispositions de la IVe Convention de Genève (gouvernant la conduite des occupations).


Donner à l’ONU le mandat clair, l’autorité et le financement suffisant pour gouverner l’Irak jusqu’à ce que soit rétablie la souveraineté de l’Irak. Le mandat doit inclure l’aide humanitaire et le soutien à la reconstruction, la sécurité, et l’appui à des élections.


Annuler les dettes douteuses de l’Irak (estimées à 120 milliards $ US, incluant 750 millions $ dus au Canada), contractées sous la dictature de Saddam Hussein sans le consentement du peuple mais en toute connaissance de cause des créditeurs. On ne doit attacher aucune condition à cette remise. Celle-ci doit servir de précédent pour effacer les dettes odieuses encourues par les dictateurs brutaux.


Établir un plan de reconstruction des infrastructures et de l’économie dévastées par deux décennies de guerre, la répression politique et les sanctions. L’aide internationale sera indispensable pour de nombreuses années.


Au Canada


Assurer que les droits humains des citoyennes et citoyens ne soient pas compromis par les soucis de « sécurité » (par exemple, la détention sans possibilité de recours aux dispositions normales de protection de la loi).


Poursuivre l’engagement du Canada envers le multilatéralisme et les Nations Unies.


Maintenir la position indépendante du Canada sur les arrangements de sécurité et de défense.


KAIROS et sa vision biblique de la justice


Le prophète Michée envisageait un monde libre de la peur, dans lequel toute personne se sentirait en sécurité. On a justifié la guerre contre l’Irak au nom du combat contre le terrorisme et pour faire du monde un endroit plus sûr. Les événements mondiaux actuels font apparaître des résultats opposés. Le monde est moins sûr. Le terrorisme a augmenté, en Irak et globalement. Partout dans le monde, les gens se sentent moins en sécurité et plus menacés.


Nous demandons au Canada et à toutes les nations de réexaminer les avenues menant à la sécurité et à la prospérité du monde. Les racines de l’insécurité n’ont pas changé : la pauvreté, la dégradation écologique, les interventions étrangères intéressées, l’intolérance religieuse et culturelle, pour n’en nommer que quelques-unes.


KAIROS a récemment lancé un Programme pour une paix juste. Ce programme invite les leaders du Canada et d’ailleurs à gouverner dans un esprit de paix et à entreprendre les actions menant à une authentique sécurité: respecter les droits humains, renforcer la sécurité sociale et les libertés civiles, contrôler l’exportation des armes, annuler les dettes, et accroître la quantité et la qualité de l’aide internationale.


Ce programme s’enracine dans une vision biblique de la justice, proposée par les prophètes et démontrée dans la vie et les enseignements de Jésus. C’est une voie qu’on n’a pas vraiment essayée. Elle exigera un changement fondamental dans la façon de concevoir les bases de la paix.


La paix est possible.


19 mars 2004

Source: KAIROS - Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice