EDIMBOURG 2010 : UN TOUR D’HORIZON

Cent ans après la première Conférence missionnaire, la conférence d'Édimbourg 2010 a permis d’actualiser le mandat missionnaire imparti à l'Eglise de Jésus-Christ.

Par quatre chemins, élargir le témoignage chrétien

Des pierres de la terre entière déposées sur une croix celtique

Quelques 400 délégués commémorent la première conférence missionnaire mondiale. Alors qu’en 1910, seuls vingt asiatiques et un africain avaient pris le chemin de l’Ecosse, Edinbourg 2010 est à l’image de ce qu’est devenu le christiannisme : un seul peuple multicolore, multiculturel et multilingue. Un peuple venu par quatre chemins, mais qui a maintenant son point de gravité dans l’hémisphère sud. Un peuple dont la diversité élargie constitue un défi pour parvenir à un témoignage crédible.

Dans un tel rassemblement, les moments les plus forts et émouvants sont les célébrations. On y vit ce qu’on approfondit dans les nombreuses conférences, partages et groupes de travail. Celui d’Edinbourg a été soigneusement préparé par des consultations sur neuf thèmes, sur les divers continents. La célébration initiale a permis de nouer la gerbe avec des fleurs apportées des contextes les plus variés…ou plus précisément avec des …pierres. En effet, les délégués avaient été invités à prendre avec eux une pierre de leur pays pour la déposer autour d’une croix celtique. Une croix ouverte sur les quatre points cardinaux symbolisant l’universalité du salut en Jésus-Christ, rendue visible aujourd’hui par les délégués du monde entier et de toutes les Eglises. Ce monde à prendre au sérieux dans toute sa diversité et dont on sentira la pulsation à travers les témoignages de responsables venus par quatre chemins.

Cette invitation à se centrer sur la croix du Christ est au cœur du message du pasteur Olav Tveit, le nouveau secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglises, lequel a cité l’appel de Jésus à l’unité - « Que tous soient un... afin que le monde croie » : « Ces paroles, dit-il, nous rappellent pourquoi nous sommes ici aujourd’hui, comme autrefois. La mission et l’unité vont de pair. Etre un en Christ, c’est témoigner ensemble du Christ. Nous avons un fondement qui va plus loin que nous-mêmes, nos institutions et nos traditions. Nous avons un appel qui va au-delà nos plans ». Il rappelle ensuite que tout de suite après avoir dit ces paroles, Jésus entre dans sa passion. C’est à ceux qui l’ont trahi et abandonné que le ressuscité dit ensuite : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Et Tveit ajoute : « Ceci veut dire que s’il doit y avoir un témoignage au Christ, cela doit être un mouvement missionnaire de la croix… Le monde a besoin de disciples fidèles au Christ qui portent la croix avec amour et en solidarité avec le monde pour lequel Christ est mort ».

Tveit fut le premier à s’exprimer dans une conférence dont les dimensions dépassent largement celles des Eglises membres du COE, en représentant toutes les couleurs du peuple chrétien : catholique, orthodoxe, protestant, évangélique, pentecôtiste… Une telle diversité exprime visiblement une volonté d’élargir le mouvement œcuménique à l’ensemble du christianisme, même si, ajoute Tveit, « nous sommes aussi conscients que beaucoup de chrétiens ne se sentent pas représentés ici et nous reconnaissons humblement les limites de cette conférence ».

Le défi de l’unité entre chrétiens en vue de la mission

Pour manifester cette communion qui s’approfondit entre les divers courants chrétiens, le directeur de l’Alliance évangélique mondiale, Geoff Tunicliffe, prit la parole, également au nom du Mouvement de Lausanne, tout de suite après le pasteur norvégien. « L’agneau crucifié et ressuscité est le seul à nous unir, dans le temps et l’éternité », affirme-t-il en espérant que ce rassemblement mettra Jésus-Christ au centre, comme le thème l’affirme. Il rappelle que beaucoup de délégués venus cent ans auparavant dans cette cité étaient évangéliques. « Ils ont fait des erreurs, ils étaient enfants de leur temps et de leur culture, comme nous le sommes. Mais leur engagement et leur dévotion sont indéniables ». Quant au défi actuel, il s’agit pour « toute l’Eglise d’apporter tout l’Evangile à tout le monde », sachant qu’il y a tant de peuples qui ne l’ont pas encore entendu et que d’autres, particulièrement en Europe, ont besoin d’une re-évangélisation. Pour le relever, les Eglises doivent chercher davantage d’unité : « Nous reconnaissons avec tristesse qu’à cause de la désunion de l’Eglise, il est plus difficile pour le monde de croire en Christ ». Pour cette raison, il se réjouit des discussions récentes de l’Alliance évangélique mondiale avec les Conseils pontificaux de l’Eglise catholique, le Conseil œcuménique des Eglises et l’Eglise orthodoxe.

A la fin de la célébration, nous étions invités, à la manière des disciples d’Emmaüs, à nous promener par groupes de trois pour faire connaissance en partageant sur le thème. Un moment amical très apprécié, qui illustre que dans l’Eglise, rien ne remplace les relations personnelles. C’est ainsi que Jésus a rencontré chacun, en les regardant et en les aimant. « Donnez-nous des amis » ! Tel était le cri passionné – et mémorable – de l’évêque Azariah, de l’Inde, aux délégués occidentaux en 1910. « Nous n’avons pas seulement besoin de vos biens pour nourrir les pauvres, mais aussi de votre amour ». Si ces quelques jours permettent de construire une amitié spirituelle en Christ entre tous les délégués – et que celle-ci rayonne ensuite par quatre chemins - l’Eglise ne sera-t-elle pas mieux en mesure de répondre aux attentes de notre monde ?

«Un Christ plus grand» - Témoigner de Christ aujourd’hui

Professeur Samuel Maluleke:

Les tentatives de l'Afrique pour être entendue

La conférence d’Edimbourg en 1910 fut perçue comme si importante, que l’archevêque de Canterbury d’alors la jugea sans équivalent dans l’histoire du Christianisme. Mais aujourd’hui, quel est le contexte du témoignage à ce « Christ plus grand », selon l’expression d’un pionnier du mouvement missionnaire. C’est à cette question que répondit une belle brochette de théologiens de tous les horizons, lors de l’ouverture de la célébration du centenaire.

Tout d’abord  Dana Robert, spécialiste en histoire du christiannisme et des missions à Boston, a retracé les acquis de la Conférence de 1910, qui a constitué une prise de conscience de l’unité chrétienne. Certes les délégués se  réunissaient dans le contexte du colonialisme occidental, mais ils rentrèrent chez eux avec la vision que le christianisme est en fait une  seule communauté mondiale. Comme l’exprima son secrétaire, John Mott : « Venant de différentes races, nations et communions, n’avons-nous pas commencé à prendre conscience de notre unité en Christ… car nous avons un Christ plus grand ». Un Christ plus grand, tel a été le slogan de cette conférence : plus grand que la domination occidentale et les divisions sectaires. Bien sûr, l’Eglise catholique avait déjà un fort sens d’être une communauté mondiale, mais pour les protestants divisés, 1910 fut un tournant dans cette direction.

Edimbourg a donc marqué le début symbolique de la « libération de la mission de sa captivité occidentale ». Dès lors celle-ci deviendra progressivement multidirectionnelle et multiculturelle. Ce que la conférence missionnaire de Mexico exprimera 50 ans plus tard dans son message final : « Nous affirmons que ce mouvement missionnaire implique maintenant des chrétiens dans tous les six continents et dans tous les pays. Il doit être le témoignage commun de toute l’Eglise, apportant tout l’Evangile à tout le monde ».

Mais notre contexte a changé. Par quoi se caractérise-t-il ? Par une pluralité beaucoup plus grande dans tous les domaines. Par le souci pour l’intégrité de la création; un aspect que D. Robert a particulièrement à cœur, elle qui est la petite fille d’un pêcheur du Golfe du Mexique actuellement pollué par le pétrole ! Par la réalité de la mondialisation, avec les multiples migrations, le déploiement des religions et de nouvelles formes de mission.

Changer de regard

D. Robert conclut sur une note optimiste, invitant à un changement de regard : « Il y a un siècle, les participants à la conférence d’Edimbourg se plaignaient que seulement un tiers du monde était chrétien. Aujourd’hui nous nous réjouissons que les disciples du Christ forment un tiers de ce monde. Que signifie ce changement d’attitude pour notre engagement à partager la Bonne Nouvelle avec tous les peuples ? Nous ne devons pas permettre aux difficiles questions théologiques, socio-culturelles et politiques, ni aux dissensions sur les théologies des religions de nous décourager à partager avec le monde entier l’amour de Dieu et le salut à travers Jésus-Christ ».

Ensuite Brian Farrell, Secrétaire du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, rappelle qu’aujourd’hui le calendrier catholique commémore les martyrs de l’Ouganda. Des chrétiens catholiques et anglicans, unis dans le martyre, voilà le témoignage le plus profond que l’on peut donner du Christ. Aujourd’hui, précise-t-il, les laïcs sont à l’avant-garde de la mission et l’exigence des droits humains s’est imposée partout. Il souligne également l’importance de l’actuel travail sur le code de conduite sur la conversion, en collaboration avec le Conseil œcuménique des Eglises et l’Alliance évangélique mondiale. Une des questions missiologiques cruciale reste la signification de l’unicité du Christ pour le salut.  Mgr Farrell évoque aussi l’Encyclique « Ut unum sint » du pape Jean-Paul II, qui voyait la redécouverte de la fraternité comme une des réalisations les plus importantes du mouvement œcuménique. « Témoigner ensemble du Christ avec substance et harmonie, c’est ce que les jeunes demandent aujourd’hui… Et c'est une œuvre de l’Esprit, qui guérit, réconcilie et soutient l’Eglise pour porter la mission de Dieu ».

Ecouter les cris de la terre et de l’injustice

Quel sera l’instrument le plus important lors de la coupe du monde de football, qui va s’ouvrir dans une semaine, demande le professeur sud-africain Samuel Maluleke ? Soufflant alors dans une trompette, il répond : « Cette trompette symbolise les tentatives désespérées de l’Afrique pour être entendue ». Parlant de la crise écologique, il affirme que le temps est venu d’entendre non seulement le cri des pauvres, mais aussi celui de la terre : « Dieu veut sauver non seulement l’humanité mais aussi la terre. Cela doit faire partie désormais du programme de la mission ».

Geevarghese Coorilos, évêque de l’Eglise orthodoxe syriaque en Inde, a plaidé avec force pour une mission comme contestation de l’injustice (et qui n’a pas peur de la nommer), comme sur la nécessité de la réconciliation. Inversant la célèbre devise orthodoxe « la liturgie après la liturgie », il estime qu’il est tout aussi nécessaire d’avoir une « liturgie avant liturgie » : « Comment pouvons-nous nous appeler une communauté "liturgique" si les Eglises continuent à discriminer les personnes sur la base de la caste, de la race et du genre. Et cela même jusque dans leur vie cultuelle ? Qu’est la Sainte Communion sans la communion sociale » ?

Enfin le pasteur Bertil Ekström, délégué de l’Alliance évangélique du Brésil, fit entendre une voix de l’Amérique latine « Pour être crédible le témoignage chrétien doit être intégral : l’annonce de l’Evangile allant de pair avec la diaconie… Le manque d’unité entre les chrétiens est un obstacle à un plus grand impact sur la société ». Mais il y a des signes encourageants d’une plus grande coopération. L’Amérique latine a-t-elle besoin d’un travail missionnaire ? En 1910, la conférence d’Edimbourg estimait qu’un engagement venant de l’extérieur n’était pas nécessaire. Cependant, il n’y avait alors pas de voix latino-américaine pour se faire entendre. Mais quelques années plus tard, des responsables se réunirent pour faire une analyse bien différente. Aujourd’hui beaucoup n’ont pas été atteints par l’Evangile, comme 200 peuples indigènes, les migrants et une  classe moyenne qui s’est éloignée de l’Eglise.

Témoigner du Christ aujourd’hui ? En cent ans, le monde a changé. Mais l’inspiration reste la même et le besoin d’entendre la une parole de réconciliation, de justice, de paix et d’amour demeure ! Ce voyage sur quatre continents nous a rappelé comment un Christ « plus grand » peut y répondre.

1910-2010 : Quelques statistiques sur le christianisme et les autres religions

En 1910, 66% des chrétiens se trouvaient dans le Nord.

Aujourd’hui, 25 % des chrétiens sont européens, 12 % nord américains ;  66% vivent dans le sud.

Mais 83% des ressources sont dans le Nord (alors qu’il représente moins de 40% des chrétiens)

En 1910 80% des chrétiens vivaient dans des pays où 90% des personnes étaient chrétiennes.

En  2010  86 % des non chrétiens n’ont jamais connu un chrétien et représentent 70 % de l’humanité.

L’Asie a 8% de chrétiens.

Malgré le mouvement œcuménique, le monde chrétien connait une grande fragmentation : 41'000 dénominations !

En 2010, 27% des chrétiens sont revivalistes  (pentecôtistes, charismatiques, néo-charismatiques).

Le monde actuel est moins religieux qu’en 1910, mais plus religieux qu’avant la chute du communisme. On compte actuellement 8% d’agnostiques, alors qu’il y en avait 15% en 1970.

Partout, on assiste à une montée de la  diversité religieuse. La Chine est le pays où elle est la plus grande.

Chiffres tirés de l’Atlas of Global Christianity. Edinburgh University Press, 2010.


Petite géographie de la mission parmi les personnes d’autres religions


Un des huit groupes ayant travaillé cette question à Edimbourg 2010.

Parmi les neuf thèmes étudiés dans les groupes lors de la conférence d’Edimbourg, du 2 au 6 juin 2010, celui consacré à la «Mission chrétienne parmi les personnes d’autres religions » a rencontré un succès certain. La pluralité religieuse de notre monde peut susciter curiosité et  désir de rencontre, mais aussi des tensions. La question posée était : « Comment être à la fois de bons voisins et de fidèles témoins du Christ » ? Voici un petit tour du monde en compagnie des personnes que nous avons rencontrées.

Asie

« En Chine, dit la pasteur Ying Gao, l’évangélisation est très dynamique. Mais beaucoup de chrétiens ont des idées exclusives par rapport aux autres religions ». Il y a cinq groupes  religieux reconnus (bouddhistes, taoïste, musulmans, catholiques et protestants), qui en fait ne se rencontrent pas.  La priorité est donc de donner place à un christianisme plus inclusif : « Se faire des amis » avec de personnes d’autres religions, avec d’agnostiques (qui, en Chine, sont la majorité).  Puis le deuxième défi est la question de l’interprétation de la Bible : comment comprendre les Ecritures sur la question du dialogue, alors que certains refusent même d’utiliser ce mot entre chrétiens.

L’évêque Mano Rumalsah, de l’Eglise du Pakistan, constate que nous parlons différemment si nous sommes dans la majorité ou la minorité.  La mission a un autre sens dans un contexte de minorité.  Pour lui, la question la plus importante est celle de l’engagement conscient de chrétien dans un contexte islamique. Il faut savoir qui je suis et qui est l’autre. Puis chercher des bases communes, en commençant par se mettre au service de l’autre. C’est le modèle divin, choisi par Dieu en Jésus : la diaconie conduit à une relation et au témoignage. Il n’y a pas d’autre chemin pour la mission. « La conversion est une question très personnelle : je serais insulté si on critiquait mon grand-père qui a fait le pas de devenir chrétien.  Un engagement chrétien conscient peut coûter cher  ».

Pour Philip Tye-Yau Siew, professeur dans un séminaire protestant en Malaisie, la question la plus importante dans son contexte conflictuel est de comprendre la mission comme réconciliation, le cœur de la foi chrétienne. « Dans mon contexte des privilèges sont donnés à des groupes particuliers. Les minorités éprouvent alors du ressentiment. En parlant de justice et de réconciliation, nous sommes confrontés à la croix ». La clé, c’est d’avoir une humble confiance dans la Croix  et la victoire du Christ : « L’occident a perdu la confiance en la force du message de l’Evangile....pour éviter toute forme de conflit ».

Pour Marina Behara, professeur  au United Theological College, Bangalore, en Inde, la priorité est de vivre en solidarité avec les pauvres et les marginalisés, s’engager pour la justice. Elle estime qu’on ne doit pas parler de mission auprès de personnes de fois différentes, mais de mission en solidarité avec elles.

 Europe

 Le pasteur Andrew Kirk, du Royaume uni, se demande quel est le sens de la foi dans un contexte sécularisé.  Chacun a une vision du monde, des présupposés  sur l’origine, l’identité, le sens, le but de la vie. Egalement les personnes qui n’ont pas de « foi religieuse ».  En fait le « sécularisme » est une sorte de nouvelle religion.

Pour l’Evêque Heinrich Bolleter, de l’Eglise méthodiste en Suisse, la mission parmi les personnes une autre religion touche à la question : qui est Jésus-Christ ? « Or le Christ m’enseigne à respecter chacun, dans sa dignité. Cela signifie dialogue ; si je ne rencontre pas l’autre, alors la peur peut surgir en moi ».

Antoine Arjakovsky, français orthodoxe vivant en Ukraine, avance le concept de « démocratie spirituelle ». Comment travailler ensemble, en respectant le noyau spirituel de la démocratie ? Ce qui est urgent est de travailler à la formation au dialogue. Cela manque dans les Eglises. De même dans les écoles et les universités, il faut introduire une formation sur les différentes religions de manière œcuménique et interreligieuse. 

Knud Jorgensen, du Danemark,  considère l’unicité de Jésus-Christ comme la question clé. Il veut s’engager pour rassembler des théologiens de tous les contextes sur le sens de cette unicité, sans être triomphaliste.

Ulrike Schmidt, responsable d’une œuvre missionnaire de l’Eglise protestante en Allemagne se demande comment rendre compte de son espérance dans un monde pluraliste. Pour elle, il est tout à fait possible à la fois de témoigner du Christ et d’être ouvert aux personnes d’autres religions. Elle rencontre de nombreux chrétiens du sud, qui ont le courage de témoigner du Christ. Et ces rencontres lui donnent courage et compassion. « Que pouvons-nous partager ? Jésus est venu pour que nous ayons la vie, nous avons à travailler ensemble pour la justice et la paix. J’ai fait beaucoup de bonnes expériences. Quand on sert ensemble, nous entrons en dialogue et nous témoignons de Celui qui nous fait vivre ». 

Afrique

Hesdie Zamuel, de Tanzanie estime que l’évangélisation  s’adresse à tous. C’est l’Esprit saint qui la permet. Mais quand il pense aux non-chrétiens, il commence par les considérer comme des personnes créées à l’image de Dieu. Su cette base, nous pouvons nous adresser à tous. « Si l’être humain est créé à l’image de Dieu, cela signifie que je dois prendre soin de chacun ».

John Azuma, qui vient également de l’Afrique de l’est, souligne le rôle de l’Esprit saint, qui donne le courage de témoigner de sa foi, comme il l’a donné aux premiers chrétiens, qui vivaient dans un environnement hostile à la foi : « Je dois d’abord être enraciné dans ma foi. Le défi est comment comprendre les affirmations de Jésus comme « Je suis le chemin, la vérité et la vie » et « Il n’y a pas d’autre nom sur terre »...C’était devant une audience très hostile que Pierre a dit cette parole ».

Jan Lenssen, prêtre catholique belge vivant au Congo souligne l’importance de la rencontre : « Je ne parle pas de dialogue, mais de rencontre. Nous avons à rencontrer  les personnes. Les écouter d’abord, là où nous vivons. C’est le premier thème de la mission aujourd’hui »

Amérique

Ronald Wallace, de l’Eglise  Presbytérienne du Canada : « Nous devons nous attendre à ce que le témoignage de notre vie quotidienne provoque la curiosité.  Une personne peut dire : je désire appartenir à Jésus-Christ. Nous ne devons pas être embarrassés. La conversion est l’œuvre du Saint Esprit, pas la nôtre ». Il rappelle que le terme conversion doit être thématisé et que le Conseil œcuménique des Eglises, l’Alliance évangélique mondiale et le Vatican travaillent à un code  soulignant l’importance du respect pour la personne et le refus de tout prosélytisme.

Doug Birdsall, professeur à l’université Gordon-Conwell, Etats-Unis, dit qu’en 1910, beaucoup pensaient que les autres religions collapseraient dans la rencontre avec le christianisme. Mais  c’est le contraire qui est arrivé. Dans son contexte, il y a aujourd’hui un réveil d’énergie dans les autres religions et une perte des racines chrétiennes : «  L’université où ma fille étudie fut fondée pour former des pasteurs au 17e siècle. Mais aujourd’hui, elle fait tout son possible pour effacer toute trace chrétienne. Cela crée un vide spirituel qui est rempli par les autres religions. En fait ce sont surtout les chrétiens d’Asie et d’Afrique qui y apportent un témoignage chrétien ».

Quand l’amitié permet de faire des grandes choses

Olav Fykse Tveit, Brian Farrell, Geof Tunnicliffe

«Pour être amis, il n’est pas nécessaire d’être d’accord sur tout». Ce courant d’amitié spirituelle, on l’a senti entre  trois responsables des organismes les plus représentatifs de la chrétienté mondiale : Mgr Brian Farrell, secrétaire du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens, le pasteur Olav Fykse Tveil, secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglises et Geoff Tunnicliffe, directeur de l’Alliance évangélique mondiale. Un beau fruit de la Conférence d’Edimbourg, qui rassemble 400 délégués de toutes ces Eglises, du 2 au 6 juin 2010.

Quel est le lien entre l’unité chrétienne et la mission ?

Geoff Tunnicliffe. L’Alliance évangélique a été fondée dans ce but en 1846 : pour unir les efforts en vue de la mission.  Elle relie aujourd’hui 420 millions de personnes et comprend 127 Alliances évangélique nationales. En 1910, la majorité des délégués participant à la première conférence mondiale étaient évangéliques. Participer aujourd’hui à cette conférence nous relie donc à nos racines.

Brian Farrell. La mission est un commandement, l’œcuménisme est une prière. La mission a toujours eu lieu dans l’Eglise. L’unité a toujours été une recherche de l’Eglise. Aujourd’hui, nous fêtons le 50e anniversaire du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens. Né suite à l’invitation de chrétiens non-catholiques au deuxième Concile du Vatican II, ce Conseil a formé une multitude d’évêques à une ecclésiologie de communion au lieu d’une ecclésiologie de l’exclusion. Le mouvement œcuménique est vraiment  reconnu par l’Eglise catholique comme un don du Saint Esprit.

Olav Fykse Tveit. La conférence d’Edimbourg en 1910 a amené une nouvelle dynamique dans le christianisme. Elle a fait prendre conscience que si l’Evangile est le même pour tous, il est contradictoire de ne pas le transmettre ensemble.  Je suis reconnaissant pour la contribution du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, pas seulement à l’interne de l’Eglise catholique, mais pour toute la chrétienté. Nous sommes ici pour partager les dons que Dieu nous a donnés. En Christ et dans l’Evangile, il n’y a pas de division entre l’unité, la mission, la  justice, la paix et le souci de la création. Et nous avons à répondre ensemble à la vocation qu’il nous adresse.

Y-a-il vraiment une collaboration possible, alors qu’il y a tant de différences entre vos Eglises ?

Tunnicliffe. Pour collaborer, comme pour être des amis, il n’est pas nécessaire d’être d’accord sur tout. Par exemple, un document important sur le sens de la conversion est actuellement en train d’être rédigé. Ce travail est soutenu par nos trois organismes. Certes, il y a des différences entre nous, mais un bon esprit existe et nous arriverons à proposer un texte valable. D’autre part nous pouvons nous engager ensemble pour la justice sociale, le respect de la création, le souci des pauvres. Et nous engager pour l’unité du corps du Christ.

Tveit. Nous sommes appelés à faire ensemble tout ce que nous pouvons faire ensemble, même s’il y a des points qui nous séparent. Par exemple le souci de la création, de la justice et de la paix dans le monde doivent nous conduire à collaborer. D’autre part, il faut reconnaître que tous veulent annoncer le même Evangile. Nous ne devons pas nous accuser de ne pas le faire. Nous avons une responsabilité commune à l’égard de ce monde. Nous ne sommes contre personne, nous ne sommes pas ici pour nous défendre, mais pour nous ouvrir à ce que les autres peuvent nous apporter.

Farrell. La bonne expérience de cette conférence est d’être ensemble, de travailler ensemble et de prévoir de nouvelles choses à faire ensemble. Certes, il peut y avoir de grandes différences entre nous, qui peuvent même provoquer de nouvelles divisions, par exemple dans la manière dont les Eglises exercent un discernement dans les questions morales. Mais même si nous avons des différences, nous pouvons collaborer. Le mouvement œcuménique a heureusement pu surmonter cette idée que nous ne pourrions pas collaborer à cause de nos différences. 

Qu’est ce qui pousse le mouvement œcuménique en avant ?

Tunnicliffe. C’est la prière de Jésus dans l’Evangile de Jean « Que tous soient un…afin que le monde croie » ! Dans ce texte, l’unité est aussi fondée sur la vérité. Mais la force de l’unité tient aussi à notre diversité. Quant nous sommes ensemble, avec toute notre diversité, cela a un grand impact, que le monde peut voir.

Farrell. Ce qui nous motive est d’abord d’être à l’écoute de la Parole du Christ et de sa prière pour l’unité. Cette vie en Christ est une expérience profonde qui toujours nous tire en avant. 

Tveit. Le Conseil œcuménique des Eglises parle de l’unité comme un don et un appel. Il s’agit d’abord de voir que nous avons reçu le même appel. Cela nous conduit à nous reconnaître les uns les autres. Une telle conférence nous aide aussi à prendre conscience que nous avons tous reçu des dons pour répondre à la même vocation du Christ : partager l’Evangile, servir les pauvres, nous engager pour la justice.

Cette conférence aura-t-elle une signification durable ?

Farrell.  Cette conférence ne résoudra pas tout, mais elle est une halte dans notre pèlerinage, où nous reprenons des forces. Ces conférences sont des étapes nécessaires, même quand il n’y a pas de résultats décisifs. Elles nous aident à grandir ensemble comme corps du Christ. Et cela est le plus important. Ce qui m’impressionne le plus dans cette conférence est de voir combien la mission a changé en 100 ans. Comment nous pouvons aujourd’hui nous entraider. Dans notre monde brisé, le Saint Esprit est une puissance qui guérit et réconcilie. J’ai confiance que cette conférence nous fortifiera.

Tunnicliffe. : Plusieurs événements ont lieu en 2010 pour commémorer le centenaire de la première conférence missionnaire. Le mois dernier 10'000 personnes étaient à Tokyo. En octobre le Mouvement de Lausanne rassemblera 5'000 personnes en Afrique du Sud, au Cap, pour sa troisième Assemblée, après celle de 1989. Mais le sens particulier de cette conférence à Edimbourg est qu’elle rassemble le plus grand nombre de familles d’Eglises : cela sera sa contribution unique parmi les autres événements.

Tveit. Nous croyons au Saint Esprit, c’est pourquoi nous ne décidons pas du futur. Nous avons besoin d’être ensemble pour réfléchir qui nous sommes et où nous voulons aller.

Quelles sont les nouvelles possibilités pour la ré-évangélisation de l’Europe ?

Farrell.  Reconnaissons d’abord que nous vivons dans un monde fragmenté et même dans une société qui accepte la fragmentation, sur le plan philosophique. Ce ne sont pas les stratégies qui comptent, mais de retourner à l’Evangile, à une spiritualité plus profonde. C’est notre expérience des mouvements dans l’Eglise catholique. Nous avons aussi besoin de la foi et de la vitalité des chrétiens qui viennent du sud.

Tveit. La sécularisation peut être un grand défi quand elle rejette la valeur de la religion. Mais en Europe, il faut aussi reconnaître que beaucoup de valeurs de l’Evangile ont été intégrées dans notre société. Une grande humilité est aussi nécessaire pour partager l’Evangile, car le refus des personnes peut venir des erreurs de l’Eglise, de son autoritarisme et de son manque de cohérence.

Tunnicliffe. La contribution des chrétiens doit être réaliste. Nous voulons être une voix qui rappelle à la société l’importance de la foi en Dieu. Nous ne voulons ni contrôler, ni exercer un pouvoir quelconque, mais seulement apporter notre contribution au débat pluraliste. Et être entendus. Cela enrichira la société.
La Conférence d’Edimbourg 2010 se conclut par une symphonie des Eglises

Que vont emporter chez eux les délégués d’Édimbourg ? D’abord… un beau parapluie rouge et blanc, donné à chaque délégué, avec le thème de la conférence : « Témoigner de Christ aujourd’hui ». 

Photo: Gary Doak/Edinburgh 2010

Alors qu’en 1910, une assemblée «pâle et mâle», composée de 1200 délégués occidentaux, de quelques 20 asiatiques et d’un africain, chantait des chorals de la culture britannique et victorienne, des chants de tous les continents ont retenti aujourd’hui dans l’«Assembly Hall» de l’Eglise d’Ecosse. Un peuple multicolore et symphonique exprimant l’universalité de l’Evangile et un christianisme devenu mondial.

Une chorale de plusieurs communautés africaines d’Édimbourg, des jeunes indiennes dansant le récit de la rencontre de Jésus avec la Samaritaine, des chants de plus de vingt nations. Depuis la première assemblée, quel impressionnant pèlerinage vers un christianisme de plus en plus multiculturel ! Pour cet événement, un «Pèlerinage œcuménique de la mission», retraçant cent années de mission, a d’ailleurs été réalisé. Lors de cette célébration, il était émouvant de réaliser comment la foi vivante des peuples qui ont reçu la mission, renouvelle celle des Eglises qui leur avaient envoyé leurs missionnaires. Ces peuples maintenant présents en Europe avec leurs églises et qui illustrent cette « mission de partout vers partout », que la Conférence d’Édimbourg a thématisé.

Rose Dowsett, membre du Comité de préparation et déléguée de l’Alliance évangélique mondiale ne cache pas son enthousiasme : « Je pense qu’il n’y a pas eu dans l’histoire de l’Eglise un rassemblement incluant une si grande diversité, où nous avons pu partager notre vision de la mission». Brian Stanley, de l’Université d’Edimbourg et auteur d’une étude sur la Conférence de 1910 remarque : « Si un délégué de 1910 était assis parmi nous il aurait été réjoui par tant de délégués du monde entier, surtout ceux d’Afrique qui n’étaient alors pas représentés. Il aurait été aussi heureux de voir tant de catholiques et d’orthodoxes…mais intrigué par la présence des pentecôtistes, puisque ceux-ci venaient de naître ».

En 1910, pour suivre la conférence, il suffisait de s’assoir et écouter les quelques 300 exposés des délégués. On ne connaissait pas l’audio-visuel, ni les présentations « PowerPoint », ni la retransmission par internet de la célébration. Encore moins « Facebook » et « Twitter », sur lesquels on pouvait   interagir avec la Conférence. La mission s’est aujourd’hui mondialisée. Ces moyens de communication l’illustrent. Pour nous en convaincre au moyen d’une sérieuse étude sociologique et statistique un « Atlas du Christianisme mondial » a été publié et présenté à la conférence.* « Comment aujourd’hui organiser une conférence pour 1200 personnes sans e-mail ? demande avec humour B. Stanley. Pourtant nos prédécesseurs ont pris des décisions radicales pour l’avenir du christianisme mondial, comme celles d’inculturer l’Evangile et de donner des responsabilités aux Eglises du sud ».    

Cependant, une chose n’a pas changé depuis 1910 : la prédominance de la langue de Shakespeare. José Lopez Vazquez, un jeune mexicain, constate que tout se passe en anglais : « nous excluons ainsi ceux qui ne maitrisent pas cette langue. Or nous devons écouter les voix qui ne sont pas représentées. Si nous voulons intégrer vraiment le sud, nous devons y mettre le prix ». De langue maternelle anglaise, Rose Dowsett reconnaît ce problème : « en maitrisant cette langue, j’ai une position de pouvoir et de privilège. Si nous avions les ressources, nous aurions intégré d’autres langues. C’est une vraie barrière et nous devons y être sensibles ».

Une mission qui se ressource dans la prière et l’amitié

« Même si le programme était chargé, les délégués de 1910 avaient su ne pas tomber dans l’activisme. Ils prenaient des temps de silence durant la conférence pour se mettre à l’écoute de ce que l’Esprit voulait leur dire », précise encore B. Stanley. Ceci reste d’actualité. Au cœur de la mission, il faut le temps de la prière pour écouter la voix de l’Esprit, qui la renouvelle. John Sentamu, l’archevêque anglican de York, invité à prêcher durant cette célébration insista sur ce point : « La relation à l’Esprit est essentielle pour notre compréhension de la mission. C’est lui le directeur de toutes nos entreprises. Si Jésus a marché dans l’Esprit saint, ses disciples ne peuvent prendre un autre chemin. Chaque jour, nous avons besoin d’être remplis de l’Esprit pour que nos corps et nos âmes soient guéris, nos fautes pardonnées, nos ministères vivifiés ».

Durant la célébration, le successeur dans le diocèse de l’évêque Azariah, en Inde, a rappelé l’ardent appel à la fraternité de ce dernier, lors de la conférence de 1910 : « L’amitié est plus qu’un amour de bienfaisance, avait dit Azariah... L’image parfaite du Christ se révèle lorsque nous, si divers, sommes tous ensemble. Cela est possible uniquement grâce à l’amitié spirituelle entre nous... Donnez-nous des amis » ! Un des discours les plus forts d’alors... et qui garde toute son actualité, tant notre monde actuel souffre d’absence de relations amicales, alors que, paradoxalement, les moyens de communication l’ont envahi.

Cette veine personnaliste, on a pu la percevoir dans les fortes paroles de John Sentamu, suite à la célébration. Un homme venu lui aussi du Sud, puisqu’avant de devenir un responsable éminent de l’Eglise d’Angleterre,  il a dû fuir le régime inique de l’Ouganda des années 70 : « Le but de la mission c’est un monde guéri, où règne la justice et où le pauvre est protégé. "La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant", disait Irénée de Lyon. Chaque être humain a une dignité. Il faut reconnaître le Christ en lui, enlever ses souliers devant lui, car on marche sur un sol sacré. Le mépriser, c’est cracher à la face du Christ. Le défi est de redécouvrir notre humanité commune, d’humaniser notre foi ».  Un point que la Conférence a particulièrement souligné : s’il y a une mission possible, c’est uniquement en cohérence avec le message de l’Evangile, « qui construit l’amitié, recherche la réconciliation et pratique l’hospitalité », dit l’ « Appel commun » final.

Un apprivoisement réciproque.

Que vont emporter chez eux les délégués d’Édimbourg ? D’abord… un beau parapluie rouge et blanc,  donné à chaque délégué, avec le thème de la conférence : « Témoigner de Christ aujourd’hui ». En l’ouvrant, on annoncera la couleur, en quelque sorte ! Puis cet « Appel commun » invitant à renouveler la passion pour la mission. Aucune structure de continuation ne va être mise sur pied. La responsabilité des délégués est de partager ce qui a été vécu ici.

« Pour mon Eglise, dit Mgr Mario Conti, archevêque catholique de Glasgow, il existe une communion réelle (mais imparfaite) entre tous les chrétiens, par notre baptême et notre participation à l’Esprit saint. Je le rappelle toujours ». Puis il souhaite que la communion vécue à Édimbourg entre les Eglises historiques et les Eglises évangéliques et pentecôtistes puisse s’approfondir. Un désir également exprimé par plusieurs délégués lors de l’ultime rencontre plénière. Mais aussi un apprivoisement pas toujours facile, comme le dit Anastasia Vassiliadis, une jeune théologienne de l’Eglise orthodoxe grecque : « Personnellement je suis inconfortable avec le mot évangélisation, avec les grandes Eglises pentecôtistes, avec les Eglises instituées en Afrique... comme vous l’êtes probablement avec l’orthodoxie. Nous avons tous à nous interpeller mutuellement, en étant hospitaliers, humbles et en apprenant des autres. C’est ce que j’ai découvert ces jours, dans l’espérance d’être tous UN au prochain centenaire, pour la mission de Dieu et celle de l’Eglise ».

*Atlas of Global Christianity. Edinburgh University Press, 2010

Une mission multidirectionnelle. Le message d’Edimbourg 2010

Dans « l’Assembly Hall », lieu de la première conférence d’Edimbourg, en 1910.

Photo: Gary Doak/E2010

Par Martin Hoegger*

«Evangéliser le monde entier durant notre génération». Malgré le slogan de John Mott lancé lors de la conférence d’Edimbourg en 1910, la proportion des chrétiens dans le monde reste la même qu’il y a cent ans: environ un tiers. Sous un titre englobant - «Témoigner de Christ aujourd’hui» -  Edimbourg 2010 a voulu passer en revue  les divers thèmes actuels de la mission chrétienne. 

Cette conférence, qui a réuni autour de 400 délégués, a permis d’abord un approfondissement  des intuitions fondamentales de la mission. Proclamation de Jésus-Christ, crucifié et ressuscité pour tout réunir en Lui, la mission est relationnelle, à l’image de Dieu qui est relations. C’est donc dans le cadre d’une relation de service, d’amitié et de justice qu’elle se vit. 

Avec les personnes des autres religions une "spiritualité du dialogue" est nécessaire. Pour l’évêque Mano Rumalsah, de l’Eglise du Pakistan, «la question la plus importante est celle de l’engagement conscient du chrétien. Il faut savoir qui je suis et qui est l’autre. Puis chercher des bases communes, en commençant par se mettre au service de l’autre. C’est le modèle divin, choisi par Dieu en Jésus; la diaconie conduit à une relation et au témoignage. Il n’y a pas d’autre chemin pour la mission».

La mission est aussi "holistique", c'est-à-dire globale. Le temps où l’on opposait évangélisation, action sociale et engagement pour la justice et la paix est révolu. «En Christ et dans l’Evangile, il n’y a pas de division entre l’unité, la mission, la  justice, la paix et le souci de la création», dit Olav Fykse  Tveit, le nouveau secrétaire du Conseil œcuménique des Eglises.   

La «mission de partout vers partout»

Approfondissement, mais aussi élargissement. D’abord géographique: en 1910, les  continents du sud n’étaient pas représentés (sauf l’Asie avec une vingtaine de délégués) et la mission se comprenait comme une entreprise du nord vers le sud. Aujourd’hui la mission est devenue multidirectionnelle. Les rencontres préparatoires à la conférence de 2010 l’illustrent: elles ont eu lieu sur tous les continents. Alors qu’en 1910 seuls des chorals de la culture anglaise retentissaient dans l’Assembly Hall de l’Eglise d’Ecosse, la célébration conclusive d’Edinbourg 2010 a été une symphonie universelle de chants et de prières. Et en 2010 le prédicateur était John Sentamu, le charismatique archevêque anglican de York, un réfugié ayant fui la dictature ougandaise dans les années 70. Une illustration éloquente de cette mission «de partout vers partout», selon l’expression consacrée.

La présence «missionnaire» des communautés des migrants en Europe a été  également rendue visible lors de cette célébration par une magnifique chorale formée de plusieurs communautés africaines de la capitale écossaise. Mais cette nouvelle orientation de la mission ne va pas de soi. Venu d’Afrique en Europe, Fidon Mwombeki, directeur de la Mission évangélique unie, remarque : «il y a encore trop de personnes qui considèrent la mission comme une aide à apporter au pauvre. Par conséquent les personnes du Sud n’ont pas de mission dans le Nord. Ils viennent pour "apprendre" quelque chose des pays développés qu’ils devront utiliser pour leur bénéfice et celui de leur peuple, à leur retour».

Un élargissement à toutes les familles confessionnelles

La conférence d'Edinbourg 2010 a largement dépassé le cadre du Conseil œcuménique des Eglises, qui n'était que l'un des partenaires. Elle a rassemblé 19 organismes  des familles catholique, protestante, orthodoxe, évangélique et pentecôtiste. Un petit miracle de rencontre!

Alors que la participation catholique et orthodoxe était déjà une réalité – la conférence missionnaire d’Athènes en 2005 en terre orthodoxe l’avait confirmé  - l’implication de la famille évangélique-pentecôtiste restait très marginale. Or à Edinbourg, elle a apporté une contribution significative. «En 1910, la majorité des délégués participant à la première conférence mondiale étaient évangéliques. Aujourd’hui elle nous relie donc à nos racines», dit Geoff Tunnicliffe, directeur de l’Alliance évangélique mondiale.

Cette rencontre a certainement conduit à mieux se connaître et à sortir de certains préjugés, comme l'idée que les évangéliques de désintéressent de l’action sociale. O. Tveit dit combien la visite des responsables de l’Alliance évangélique mondiale et du Mouvement de Lausanne, au début de son mandat, l’a touché et inspiré : «je me suis  rendu compte à quel point je partageais avec eux une compréhension globale de la mission». L’intervention en plénière de Young-Hoon Lee, pasteur principal de l’Eglise pentecôtiste du Plein Evangile de Yoido, a permis également de se rendre compte de l’engagement œcuménique et social de cette grande Eglise coréenne.  

Edimbourg 2010 a replacé l’appel à l’unité au cœur de la mission. C’est ainsi que le théologien orthodoxe, Antonios Kireopoulos, des Etats Unis, plaide pour une «charité œcuménique», un type de relation caractérisée par le respect, le souci et l’affection d’une Eglise pour une autre. «Ces genres de relations révèlent une reconnaissance des dons des autres Eglises et un désir de partager leurs fardeaux».

Prendre de la hauteur

…et regarder vers Celui qui est la source de toute mission, le Ressuscité, qui sur la croix attire à Lui l’humanité entière. La célébration d’ouverture l’a affirmée avec force autour d’une croix celtique, où les délégués étaient invités à déposer une pierre apportée de leur pays. «Ce ne sont pas les stratégies qui comptent, mais le retour à l’Evangile, à une spiritualité plus profonde. C’est notre expérience des mouvements dans l’Eglise catholique», affirme Brian Farrell, secrétaire du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens

Au cœur de la mission, il faut l’écoute de la voix de l’Esprit. John Sentamu a insisté sur ce point en appelant à un renouveau de la mission: «La relation à l’Esprit est essentielle pour notre compréhension de la mission. C’est lui le directeur de toutes nos entreprises. Si Jésus a marché avec l’Esprit saint, ses disciples ne peuvent prendre un autre chemin. Chaque jour, nous avons besoin d’être remplis de l’Esprit pour que nos corps et nos âmes soient guéris, nos fautes pardonnées, nos ministères vivifiés ».

* Martin Hoegger est pasteur de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (Suisse), où il est responsable de l’œcuménisme. Il est secrétaire exécutif de la Communauté des Eglises chrétiennes des Eglises de ce canton.  


 Source : CONFÉRENCE EDIMBOURG 2010