John WESLEY et l'«évangélisation»

Au risque de désorienter certains de nos lecteurs et lectrices, il me faut faire remarquer qu'il n'est pas tout à fait exact de qualifier, comme on le fait très généralement, de mouvement d'évangélisation le puissant mouvement de réveil qui secoua spirituellement l'Angleterre du XVIIIe siècle et qui fut lié à l'apparition et à l'expansion fulgurante d'un méthodisme «wesleyen». 


Un mouvement d'évangélisation?


Bien sûr la prédication de l'Évangile connut, dans les décennies d'activité inlassable de WESLEY et de ses compagnons, une ampleur qu'elle n'avait plus connue depuis longtemps et qui cherche d'ailleurs toujours son pendant aujourd'hui. WESLEY a pris une place largement méritée dans la galerie des grands «évangélistes» de l'histoire de la chrétienté, place que personne ne lui contestera. Pourtant, son mouvement fut en fait davantage un mouvement de «mission populaire» que d'«évangélisation», du moins dans le sens où ce mot est employé aujourd'hui dans la plupart de nos Églises dites évangéliques.


Une dimension diaconale et sociale


Il y avait dans l'évangélisation telle que WESLEY la pratiquait une dimension diaconale et sociale tout à fait frappante pour l'observateur d'aujourd'hui. Certes, il a prêché la bonne nouvelle de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ. Cette communication verbale du message évangélique comportait tous les éléments du message du salut tel que le Nouveau Testament le laisse entrevoir et qu'il m'est évidemment impossible de rappeler comme il le mériterait dans un article limité à une page. Rien ne manquait à l'orthodoxie de la base doctrinale biblique sur laquelle était fondée la prédication de WESLEY. Il disait inlassablement ses auditeurs perdus dans leur péché et leurs aliénations diverses, les invitait à saisir dans la foi l'offre gratuite du pardon divin que leur avait gagné Jésus, le Christ de Dieu, par son sacrifice volontaire sur la croix. WESLEY ne cessait de prêcher que la réponse humaine à ce message, lorsqu'elle est positive, se voit toujours sui-vie d'une transformation intérieure et extérieure dans la vie de ceux et celles qui auront accepté de saisir cette main que Dieu leur tend.


Seulement, il ne faut surtout pas oublier que cet «évangéliste» WESLEY ne s'est jamais contenté de la simple proclamation verbale des choses que nous venons d'évoquer. Partout où le besoin s'en faisait sentir, il accompagnait sa proclamation de l'amour de Dieu d'actes de miséricorde extrêmement concrets et susceptibles de rendre visible et palpable la miséricorde divine qu'il venait de proclamer. La création de caisses de prêts et de pharmacies populaires - voire de petits dispensaires, les collectes de vêtements, l'organisation de visites systématiques des pauvres et des prisonniers, l'alphabétisation des innombrables enfants défavorisés de l'époque ne sont que quelques exemples de l'extraordinaire activité diaconale et sociale sans laquelle, pour WESLEY, il ne pouvait y avoir d'évangélisation authentique.


La religion: une affaire sociale


Il faut ajouter que la forte dimension communautaire que WESLEY donnait spontanément à toute son action montre aussi que le salut qu'il prêchait et qu'il concrétisait si bien était également un salut qui dépassait l'individu pris isolément. Certes, WESLEY ne doutait pas un seul instant que la question du salut doive être considérée comme une question éminemment personnelle. La découverte, lors de sa propre conversion, que ce que le Christ avait accompli était «pour lui, pour lui personnellement» avait été bien trop bouleversante pour qu'il pût l'oublier. Mais, comme il aimait à le répéter, «la religion est une affaire sociale», c'est-à-dire que tout ce dont il est question dans le christianisme dépasse largement l'individu pour placer celui-ci dans une communion avec les autres. C'est ensemble qu'on marche vers le Royaume de Dieu. L'évangélisation est, pour WESLEY, l'initiation à ce Royaume de Dieu. C'est cette introduction initiale qui, certes, devra être suivie d'une croissance tous azimuts, mais qui d'emblée prendra des formes qui font éclater le cadre et le sens beaucoup trop étroits du terme d'évangélisation tel qu'on a tendance à le comprendre aujourd'hui.


Michel WEYER

Source: LE MESSAGER CHRÉTIEN - JUIN 2003