COE et les questions de justice économique et de solidarité oecuménique

Le Comité central consacre une séance aux questions de justice économique

Par websteward 

c.html

La pasteure Hyun Ju Bae à la réunion du Comité central du COE.

Le gouffre qui sépare les nantis des démunis ne cesse de se creuser partout dans le monde et les Églises doivent en faire davantage pour assurer la justice économique à toutes et à tous. Ce constat a servi de base aux discussions d’une plénière qui s’est tenue le 5 juillet lors de la session du Comité central du Conseil œcuménique des Églises (COE) à Genève (Suisse).

Les 150 membres du Comité central, principal organe directeur du COE, se penchaient sur la question de la justice économique dans le cadre du thème de la session, le «pèlerinage de justice et de paix», issu d’un appel lancé en 2013 par la Dixième Assemblée du COE à Busan, en République de Corée.

Les orateurs invités ont exposé au Comité diverses perspectives sur les liens qui existent entre les crises économiques et écologiques, et sur la manière dont les systèmes économiques en vigueur aggravent l’inégalité, la pauvreté et la destruction de l’environnement.

Parmi les orateurs figurait Manuel Montes, conseiller principal dans les domaines de la finance et du développement au Centre Sud, à Genève, qui a brossé un tableau des souffrances humaines causées par les déficiences du système économique mondial. Ce système, a-t-il déclaré, «favorise les créanciers plutôt que les débiteurs».

Évoquant la dépression économique des années 1920 et l’effondrement du système financier en 2007 et 2008, Manuel Montes a fait observer que bien des crises du 20e siècle qui ont causé d’immenses destructions sont en rapport avec la situation économique du moment.

Il a qualifié la situation économique actuelle de «défi pour les communautés de foi».

Manuel Montes a présenté à l’assistance le travail du Groupe œcuménique pour une nouvelle architecture financière et économique, qui a rédigé un rapport intitulé An Economy of Life for All Now: An Ecumenical Action Plan for a New International Financial and Economic Architecture. Le Groupe a entrepris d’élaborer pour les Églises des stratégies visant à mettre en place des systèmes économiques et financiers éthiques, justes et durables. Il a été fondé par le COE, la Communion mondiale d’Églises réformées (CMER), la Fédération luthérienne mondiale (FLM) et le Conseil pour la mission mondiale (CWM).

Manuel Montes a aussi parlé de la Déclaration de São Paulo sur une transformation financière internationale, publiée en 2012, qui encourage des actions déterminées visant à assurer l’inclusion sociale, la justice de genre et la sauvegarde de l’environnement par la fixation de «limites à la cupidité» et la promotion d’une «économie de la vie».

La pasteure Hyun Ju Bae, de l’Église presbytérienne de Corée, théologienne et membre du Comité central du COE, a formulé des réflexions théologiques sur la justice économique. «L’appel à une réforme économique et écologique pour notre temps, a-t-elle dit, constitue un défi théologique majeur qui exige que nous repensions fondamentalement notre expression et notre imagination théologiques.»

Selon la pasteure Bae, les Églises ont besoin d’une «spiritualité transformatrice qui nourrisse l’amour du Dieu qui aime le droit (Es 61,8),  favorise la sensibilisation à l’éco-justice, à la dette écologique, à la durabilité et à la biodiversité, et permette un nouveau style de vie.»

Elle a souligné que la formation théologique, tant dans les séminaires que dans les Églises locales, est nécessaire pour donner aux chrétiens les connaissances qui les aideront à promouvoir la justice économique et écologique.

«L’Église se compose de colonisés et de colonisateurs, d’opprimés et d’oppresseurs, tant dans le Sud que dans le Nord. Nombre d’entre nous se trouvent à la fois dans le camp des oppresseurs et dans celui des opprimés, dans les marges du pouvoir et dans ses centres. Cette ambiguïté complique la recherche de la justice, mais elle recèle en même temps une valeur infinie»,  a déclaré la pasteure Bae en citant le rapport et plan d’action publié par le Groupe œcuménique pour une nouvelle architecture financière et économique.

David Woods, d’Oikocredit International, a présenté son organisation à la plénière. Créée il y a quarante ans à l’occasion d’une réunion du COE, cette organisation est l’une des plus importantes sources de financement privé dans le secteur de la microfinance, fournissant des crédits et des capitaux à des coopératives commerciales, des organisations du commerce équitable et des entreprises petites et moyennes.

Il a indiqué que, par les instruments de la microfinance, Oikocredit prête à des institutions de microfinance (IMF) dans le monde entier. À leur tour, celles-ci fournissent des services financiers aux personnes défavorisées, en particulier dans les zones rurales, aux femmes et aux petites entreprises agricoles et commerciales. L’organisation s’attache à mesurer les résultats sociaux, en veillant à ce que les investissements soutiennent la création de moyens d’existence durables, l’autonomisation des femmes et la sauvegarde de l’environnement.

Solidarité œcuménique: «C’est le partage qui fait de nous des chrétiennes et des chrétiens»

Des membres du Comité central échangent leurs points de vue sur la solidarité œcuménique. © COE/Peter Williams

Le père Rex R. B. Reyes Jr se souvient parfaitement de ce qu’il appelle «le matin fatal du 8 novembre» 2013.

Alors qu’il assistait à la 10e Assemblée du Conseil œcuménique des Églises (COE) en République de Corée, il apprit que le super-typhon Haiyan s’était abattu sur son pays. Plus de 25 millions de personnes aux Philippines se trouvaient sur la trajectoire du cyclone. Le père Reyes, de l’Église épiscopale des Philippines, membre du Comité central du COE, se joignit alors aux milliers de participants à l’Assemblée pour prier en faveur des victimes du typhon.

«Nous avons remis les Philippines entre les mains de Dieu», dit-il. C’était à ses yeux un acte de solidarité œcuménique. «Peu importait de qui il s’agissait. Ce qui importait, c’était que ces gens souffraient et qu’ils étaient le visage du Christ. Je peux vous assurer aujourd’hui que vos prières et votre soutien ont suscité la reconnaissance dans les cœurs.»

Durant une séance du Comité central ce lundi, le père Reyes et d’autres membres de l’organe directeur du COE ont discuté de l’évolution de la solidarité œcuménique, tant en termes de finances que d’approche humaine. Margarita Nelyubova, de l’Église orthodoxe russe (Patriarcat de Moscou), membre du Comité central, a estimé, comme le père Reyes, que le partage œcuménique des ressources implique des éléments de confiance et de solidarité.

Elle a évoqué l’année 2001, alors que l’Église orthodoxe russe projetait de lancer un programme d’aide aux personnes vivant avec le VIH et le sida. «À cette époque, chez nous, il n’y avait pas de spécialiste en ce domaine dans l’Église, dit-elle, et il était très difficile d’obtenir un soutien financier, du fait que ce programme était considéré avec une extrême suspicion.» «Que peut faire l’Église au sujet du sida, sinon rappeler que c’est un péché?», demandaient les critiques du programme. Margarita Nelyubova et d’autres ont cherché de l’aide auprès d’une organisation œcuménique qui a fait preuve, selon ses propres termes, «d’un engagement sans réserve pour nous aider à relever ce défi.»

«Maintenant, dit-elle, dans notre Église, le programme de lutte contre le sida est une grande réussite.»

Élargir la définition de la solidarité œcuménique

En présentant les intervenants, la pasteure Gloria Ulloa Alvarado, présidente du COE pour l’Amérique latine et les Caraïbes, a rappelé comment on a conçu le «partage des ressources» entre Églises au cours des dernières décennies.

«Le thème du partage des ressources fait l’objet d’un grand intérêt et de beaucoup de préoccupations de la part du mouvement œcuménique depuis plus de trente ans», a déclaré la pasteure Alvarado, qui est membre de l’Église presbytérienne de Colombie. «Le mouvement œcuménique s’efforce aussi d’approfondir la notion de ressources pour que celles-ci ne se limitent pas aux seules finances.»

Mais on ne saurait simplement ignorer les aspects financiers du partage œcuménique, a indiqué Roel Aalbersberg, qui représente ICCO et Kerk in Actie (Pays-Bas), institutions liées à l’Église travaillant en coopération.

«Le partage œcuménique, c’est ce que nous essayons de faire quand nous luttons aux côtés de nos partenaires contre la pauvreté et l’injustice. Nous devons parler de pouvoir, en particulier quand nous parlons de ressources financières.»

De l’avis de Roel Aalbersberg, les «tables rondes» du COE – autour desquelles les membres du Conseil se réunissent avec d’autres partenaires pour échanger leurs points de vue sur certaines questions – sont une structure qui a fait ses preuves pour faciliter le partage œcuménique sous toutes ses formes.

Les participants aux tables rondes réfléchissent aux meilleurs moyens d’agir ensemble et de se compléter dans leurs efforts de défense de causes dans le monde entier. «Une table ronde n’a pas de coins. Il n’y a pas de hiérarchie», a rappelé Roel Aalbersberg. «Le système des tables rondes mis en place par le COE en 1984 a été largement adopté et a produit des résultats remarquables.»


6/7 juillet 2014

COE