Revue de presse sur l’agression dont le pasteur Hugh Johnson a été la victime


EEMNI revient sur l’agression dont le pasteur méthodiste Hugh Johnson a été la victime en relevant divers articles publiés à cette occasion. Pour commencer, Le Quotidien d’Oran qui dans son édition du samedi 22 janvier 2005 publiait l’article suivant signé Mounir B.


SA VIE N’EST PAS EN DANGER - Un pasteur poignardé à Alger


Le pasteur anglican, Hugh Johnson, de nationalité américaine, a été poignardé mercredi matin par un inconnu alors qu’il se dirigeait vers ses bureaux au centre d’Alger. Le révérend a été placé en observation à l’hôpital Mustapha Bacha.


D’une bonhomie naturelle, le sourire toujours aux lèvres et d’une générosité indéniable, le pasteur Johnson ne se doutait pas qu’en cette veille de l’Aïd El-Kébir, dans une Algérie qu’il connaît depuis 43 ans, il allait être victime de la haine ordinaire.


Alors qu’il se rendait aux bureaux du conseil qui abrite l’office des paroisses méthodistes, le révérend Johnson a été poignardé par derrière, à hauteur du rein droit, par un inconnu qui a pris la fuite sous les cris d’effroi des passants et des habitants du quartier de Reda Houhou, où l’on connaît le révérend depuis des années. Une blessure profonde de 5 centimètres, selon des sources médicales, après un coup de lame «qui n’a pas touché les organes vitaux». Evacué à l’hôpital, après s’être effondré mais sans perdre connaissance, le révérend Johnson a été rapidement opéré par les médecins des urgences du CHU Mustapha. Il avait perdu énormément de sang et a été placé en observation. Conscient, tout au long des faits, le révérend Johnson a reçu la visite, dès midi, des conseillers de l’ambassade des Etats-Unis à Alger. Même s’il représente la branche franco-suisse (francophone) des églises méthodistes, le révérend Johnson est ressortissant américain et a eu, à ce titre, une protection discrète des Américains.


La police algérienne était durant ce mercredi sur les dents en lançant immédiatement un appel à témoin afin d’identifier éventuellement l’agresseur. Selon des témoignages oculaires recueillis sur place, l’agresseur était jeune et portait une barbe hirsute. Selon des sources diplomatiques, on estime que la piste d’un acte d’un « illuminé islamiste » voire d’un « terroriste » semble la plus plausible. Selon d’autres sources, la police a récupéré le couteau et aurait arrêté deux suspects. Le révérend Johnson, qui n’a jamais eu aucun accroc avec le voisinage, tenant même des bureaux ouverts pour les Algériens qui sollicitaient son aide, notamment les familles démunies ou des jeunes en quête d’un emploi, a pu être une victime du discours de haine qui a marqué les critiques d’une campagne d’évangélisation en Algérie. ...


Sur son lit d’hôpital, qu’il a quitté ce vendredi, le révérend Johnson paraissait souriant mais était, selon ses proches, « complètement abattu » par cet acte qui l’a ciblé. Il a confié en pleurant à une amie « Pourquoi on m’a fait ça ? Je me sens Algérien depuis que j’ai connu ce pays ». Tentant de trouver des explications à cet acte ignoble, les diplomates, notamment américains et anglais, se sont refusés à livrer des commentaires, préférant s’en remettre à l’enquête ouverte par la sûreté de wilaya d’Alger.


Le révérend Johnson venait de revenir depuis une semaine des Etats-Unis, où il a passé les fêtes de Noël avec ses deux filles et ses trois petits-enfants, à Middelsboro, au Kentucky, d’où il est originaire. Après un « mandat » de cinq années en Algérie, il devait effectuer une passation de consignes avec sa future remplaçante. Il avait toujours refusé une protection rapprochée, estimant qu’il ne craignait rien au milieu des Algériens. Il a vécu de 1963 à 1975, à Larbaa Nath Irathen, en Kabylie, avant de rejoindre Alger en tant que séminariste. le révérend est titulaire du diplôme de Wesley Theological Seminary in Washington, D.C et d’un master en arts et un PHD en relations internationales de l’université de Washington.


Evoquant récemment sa vie en Algérie, le révérend Johnson confiait : « Je suis un montagnard des Appalaches et les Kabyles aussi sont des montagnards, je me sentais chez moi. Ensuite, la période a été difficile pour tous les gens d’église considérés comme des espions voulant déstabiliser le pays au profit d’une puissance étrangère (...) J’ai tissé des liens qui demeurent très forts.


Aussi, quand on m’a demandé de descendre à Alger, j’y suis allé presque à contrecoeur, je n’avais jamais habité la ville.


Mais il n’y avait pas de candidat francophone réformé au poste de pasteur et j’avais été jugé assez francophone ».


Récemment son église s’est retrouvée au coeur d’une polémique lorsque le ministère des Affaires religieuses lui avait interdit de débloquer un arrivage de bibles sous prétexte qu’un groupe de chrétiens évangéliques s’est lancé dans une campagne large et discrète d’évangélisation en Kabylie. Groupe dont certains paroissiens britanniques distribuent des bibles importées illégalement. La campagne orchestrée dans certaines mosquées algériennes sous la férule de certains trop jeunes imams fanatisés a-t-elle contribué à créer ce climat de tension dont le révérend Johnson est l’une des victimes collatérales ? L’église qu’il dirige a été déjà attaquée par des islamistes lors de manifestations violentes lors de la première guerre du Golfe. Sa paroisse a été protégée par des haltérophiles du quartier et par la solidarité des voisins : « Les gens sont fantastiques », avait-il écrit à l’époque.


En attendant de retrouver les coupables, l’agression contre le révérend Johnson interpelle les pouvoirs publics sur les dérapages verbaux et les discours haineux qui sont de plus en plus véhéments dans certaines mosquées et qui s’en prennent non seulement aux gens de l’église mais aussi aux femmes, aux intellectuels et tous ceux qui prônent le respect de la différence et la tolérance en islam, ce qui fera dire au révérend Johnson : « Je reste optimiste, avec une grande espérance en la maturité de ce pays et je continue à les aimer. Ils sont devenus mon peuple. Je ne me sens plus étranger depuis longtemps ».


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Le quotidien l’Intelligent évoque aussi l’affaire dans une dernière mise au point le 9 février dernier: les recherches se poursuivent pour retrouver l’agresseur du pasteur américain.


L'homme qui avait poignardé dans le dos le pasteur protestant américain Hugues Johnson, le 19 janvier dernier à Alger, était toujours recherché et n'avait pu être identifié, a indiqué mercredi le pasteur à l'AFP.


"L'homme est toujours recherché par la police algérienne qui a fait tout son possible et à laquelle je rends hommage", a déclaré le pasteur Johnson, ajoutant qu'il allait bien et qu'il se rétablissait de sa blessure.


Il a affirmé qu'il n'avait vu son agresseur que de dos, mais qu'un portrait robot avait été dressé par la police sur les indications de nombreux témoins.


"Je ne connais pas le mobile de cet homme. Je ne pense pas que cela soit en relation avec ma fonction que j'exerce depuis de nombreuses années en Algérie", a estimé le pasteur Johnson, précisant que "seul l'agresseur pourra nous dire ses motivations lorsqu'il sera arrêté".


Le pasteur Johnson, âgé de 70 ans, réside en Algérie depuis l'indépendance du pays en 1962

Source: EEMNI/kabyle.com/Le Quotidien D’Oran/L’Intelligent