Indonésie: les chrétiens en butte à la persécution

La population chrétienne de l'île indonésienne de Sulawesi souffre de plus en plus des attaques que leur lancent des extrémistes islamiques. Les unités militaires et les forces de police régionales ont pris l'habitude de rester passives en cas d'attaques, explique l'oeuvre missionnaire protestante de Bâle mission 21 dans un communiqué de presse.


Aus dires de cette mission, les extrémistes "cherchent délibérément depuis deux semaines à effacer de la carte tous les villages chrétiens de la région de Poso" au centre de Sulawesi. Beaucoup de localités auraient déjà été rasées avec des armes lourdes et des bulldozers. Les habitants ont été soit tués soit chassés de là. 


La situation risque de se dégrader maintenant vu la passivité des forces de l'ordre locaux; cela s’était déjà vu à l'est de Timor et aux Molluques au cours des années passées. 


D'après un rapport de l'experte de l'Indonésie Marie-Claire Barth de mission21 "depuis un certain temps déjà, des jeunes hommes fanatisés en provenance de Java qui avait lutté dans les Molluques contre la population chrétienne, se trouvaient dans la région de Poso et créaient de l'agitation au milieu de la population musulmane". Des étrangers également, peut-être, du Pakistan, doivent être parmi les extrémistes équipés d'armes modernes.


Le COE alerte le Haut Commissariat auprès des Réfugiés (UNHCHR) après le regain de violences en Indonésie


Dans une lettre envoyée à Marie Robinson, le haut commissaire des Nations Unies pour les Droits de l'homme, le secrétaire général du Conseil Oecuménique des Églises (COE), le pasteur Konrad Raiser, a exprimé son inquiétude après le regain de violence interreligieuse au centre de Sulawesi, en Indonésie. En faisant état de la destruction de maisons et d'églises et le déplacement des personnes, le COE presse Mme Robinson de faire appel au gouvernement d'Indonésie "pour qu'il prête la plus grande attention à la violence interreligieuse faisant rage à Sulawesi avant que la situation ne dégénère comme par le passé aux Molluques"


Voici le contenu de la lettre:


Le Conseil Oecuménique des Églises (COE) a appris par le biais de ses Eglises membres en Indonésie mais aussi d'autres parties du monde que la violence interreligieuse ne cesse de croître au centre de Sulawesi en Indonésie. Ces violences ont déjà entraîné de graves violations des droits de l'homme. Il est probable que ces violences ne cesseront pas de grossir, si des dispositions ne sont pas prises immédiatement pour ramener la situation sous contrôle.


A Poso, pendant la dernière semaine de novembre 2001, 600 maisons et 6 églises ont été brûlées; 1500 chrétiens ont été forcés de fuir la ville pour des raisons de sécurité. Dès le début de décembre, 21 autres villages chrétiens et 5 églises ont été détruits à Poso. Les chrétiens vivant dans le secteur se sont enfuis de Poso et ont cherché un abri à Tentena - le quartier général de l'Église Chrétienne au centre du Sulawesi (GKST). 


Ces attaques aboutissant à la destruction de propriétés et au déplacement de populations ont été effectuées par les forces du Jihad Laskar venues en grande partie de l'Est de Java. Les groupes ont été armés de lance-roquettes et d'armes automatiques. Ils ont assailli la ville de Tentena, la coupant du restant de la région et la privant de tout ravitaillement. 


Les responsables de l'Eglise au Sulawesi ont fait à plusieurs reprises appel au gouvernement central de Jakarta pour qu'il les sauve de ces attaques organisées et effectuées par le Jihad Laskar. À ce jour, le gouvernement n'avait toujours pas répondu à leurs appels, il n'avait pas pris non plus les mesures adéquates pour assurer leur sécurité et empêcher de nouvelles violations des droits de l'homme. 


Nous vous pressons donc de faire appel au gouvernement indonésien: qu’il prête la plus grande attention à la violence interreligieuse qui fait rage au Sulawesi avant que la situation ne dégénère comme par le passé aux Molluques; qu’il assure la sécurité des habitants de Sulawesi; qu’il veille à ce que les criminels responsables de ces actes de violence soient traduits devant la justice; et qu’il prenne en plus les mesures nécessaires pour désarmer les groupes armés privés comme le Jihad Laskar.


Aux dires de Portes Ouvertes, il y a eu depuis un retournement de la situation à Tentena


Les interventions de personnalités comme le Dr Raiser ont manifestement porté leurs fruits, puisque le gouvernement central de Djakarta vient d’envoyer des troupes pour protéger les chrétiens de Sulawesi des menées criminelles des extrémistes islamistes. Récit de Portes Ouvertes:


Le 5 décembre, le ministre chargé des affaires politiques et de la sécurité s'est rendu lui-même à Poso et Tentena, accompagné d'officiers de police. Lors de sa visite, le ministre a d'abord rencontré la communauté musulmane. La rencontre n'a pas été un "dialogue ouvert et amical" entre le gouvernement et son auditoire. La foule a hué et ridiculisé le gouvernement de vouloir protéger les chrétiens alors que ceux-ci avaient, selon eux, tué tant de musulmans. Durant l'entretien, ils ont même apporté un corps mort sur un brancard et ont affirmé que cet homme avait été tué par des chrétiens. 


Après cette rencontre, le ministre a fait envoyer un hélicoptère militaire à Tentena pour persuader les responsables chrétiens de changer d'attitude vis-à-vis des musulmans. Mais l'hélicoptère est reparti aussitôt avec quatre pasteurs pour inviter le ministre à se rendre compte directement de la situation et parler aux milliers de réfugiés de Tentena. 


Aux alentours de 16h00, le ministre est finalement arrivé et il a été accueilli par des danses de bienvenue traditionnelles. La foule l'a acclamé avec des chants de joie. 


La rencontre générale a duré plus d'une heure. Le ministre a écouté tous les rapports et requêtes des chrétiens en vue de restaurer les conditions de vie et la sécurité. 


Grâce à cette visite - et à l'arrivée de la brigade militaire - la crise de Poso-Tentena est finie pour l'instant. Mais la situation est toujours sérieuse. Dans les prochains jours, les routes devront être reconstruites pour que l'aide du pays et de l'étranger puisse être acheminée à Tentena et distribuée à ceux qui en ont désespérément besoin dans les villages détruits. 


Remercions le Seigneur pour sa grâce et continuons à prier pour que cette paix soit durable entre les deux communautés. 


12 décembre 2001

Source: COE & Portes Ouvertes & RNA