Argentine: le cri de l’évêque, le témoignage du pasteur

La communauté internationale ne fait face jusqu'ici à la crise humanitaire en Argentine


La communauté internationale ne fait face à la crise humanitaire que traverse l'ARGENTINE, a déclaré la responsable de l'Église Evangélique Méthodiste (EEM) en Argentine, l'Évêque Nelly Ritchie.


Suite à l'aggravation de la situation économique et politique du pays, beaucoup de petits enfants et de personnes âgées meurent de faim. Le taux de malnutrition est très élevé en Argentine, comme l’ont mis en évidence les médias du monde entier, mais nombreux sont ceux qui croient qu'on fait peu pour régler le problème.


L'évêque Ritchie a dit: "nous-mêmes, nous nous demandons avec indignation: Combien d'autres enfants doivent encore mourir en Argentine pour que l'on comprenne la dimension réelle de cette catastrophe? Combien de manifestants doivent encore être assassinés? Combien de voix va-t-on encore faire taire, qui défendent la vie?... Et combien de terre doit encore être illégalement saisie ... pour qu'on prenne vraiment conscience de cette urgence nationale?"


La lettre de nouvelles des Rudolph”


La famille Rudolph entame la quatrième année de présence en Patagonie (sud de l’Argentine) au service de l’Eglise Evangélique Méthodiste (EEM). Nous publions volontiers leur dernière lettre de nouvelles qui confirmera les dires de l’évêque Nelly Ritchie précédemment cités.


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Il est de coutume de présenter ses vœux pour la nouvelle année. Nous ne voudrions pas le faire par tradition, mais de tout cœur vous souhaiter une bonne année sous le regard de Celui qui nous tient dans ses mains.




Avant de continuer de parler de cette nouvelle année, nous reviendrons sur le deuxième semestre de l'année 2002. Et tout d'abord, pour noter que la situation de l'Argentine ne s'est pas du tout améliorée. La perte du pouvoir d'achat due à la dévaluation a entraîné une pauvreté sans précédent. La partie la plus visible de cette paupérisation est certainement le problème d'alimentation et de dénutrition. En réalité, il y a une grande partie de manipulation de la part des médias suscitée par les politiques au sujet de la dénutrition. Si le problème en soi existe, il n'est malheureusement pas nouveau dans ce pays qui pourtant est un des premiers producteurs mondiaux de céréales. La malnutrition est un problème endémique en Argentine qui n'a rien à voir avec la situation de crise que traverse le pays. Cependant, exhiber des enfants qui meurent de faim produira toujours un impact plus impressionnant auprès des médias et du monde entier que de parler et de dénoncer l'enrichissement personnel de trop de politiques en raison de leur égoïsme et de leur conception d'engagement politique contraire à l'idée du bien être d'un peuple.




A même pas un an des événements de décembre 2001, les mois d'octobre, de novembre et de décembre 2002 ont vu le retour des mêmes hommes et femmes politiques qui, depuis des années, ont érigé le clientélisme en mode de fonctionnement "normal" dans cette société. L'indécence des batailles partisanes internes et du "je suis le meilleur" donne des nausées... Tout cela produit une insécurité qui va bien au-delà de la politique touchant l'économique et le social. La question politique n'est même plus de savoir qui pourrait proposer une sortie à la crise, mais combien de temps se maintiendrait au pouvoir tel ou tel gouvernement. Pour ce qui est du domaine économique, les conséquences financières décrivent un chaos significatif. Les prix augmentent quand le dollar baisse et comme il n'y a plus de lignes directrices données par l'Etat, cela entraîne une "loi de la jungle" où chacun fixe les prix selon ses propres critères... mystérieux bien entendu.


Troisième volet de cette crise, l'aspect social n'est pas en reste. Les chiffres officiels donnés par le gouvernement seraient à majorer selon certaines ONG. Pourtant ces chiffres sont suffisamment impressionnants: 39% de la population active est au chômage. On compte près de 18 millions de personnes en-dessous du seuil de pauvreté, c'est-à-dire près de 50% de l'ensemble de la population. Le seuil de pauvreté est de 2,5 pesos par personne et par jour (1 peso vaut environ le tiers d'un euro). Et on recense environ 6,5 millions de personnes en-dessous du seuil d'indigence qui est de 1 peso par personne et par jour...


Cette petite analyse, réductrice certainement parce que partielle, montre sans la nommer la désespérance d'une grande majorité d'argentins. Toute génération confondue, le constat d'échec et d'impuissance est grand. Le souhait de partir ailleurs est évoqué de plus en plus. Beaucoup cherchent des traces de leurs ancêtres pour fuir vers une Europe qu'ils croient accueillante. Bien des jeunes ne voyant aucun avenir, se tournent vers la police, la gendarmerie et l'armée comme unique solution. Un exemple pour illustrer ces propos : au concours d'entrée de l'Ecole Nationale de la Marine, section de Bahia Blanca où seuls 45 élus trouveront une place, 14 000 jeunes non diplômés s'y sont présentés!


Toujours et encore, l'Eglise a une voix à faire entendre. Et au milieu du désespoir, de l'indifférence et de l'égoïsme, elle proclame l'espérance qui se trouve en Jésus-Christ. Cette proclamation passe par un travail d'accompagnement, d'écoute et d'indication d'une direction à suivre. Début janvier, j'ai participé à deux camps de jeunes de la Patagonie. Un premier camp d'évangélisation a réuni 80 jeunes de 13 à 18 ans. Le deuxième camp était destiné à des jeunes chrétiens de 18 à 30 ans souhaitant réfléchir aux causes de la crise avant d'agir en paroles et en actes là où ils vivent. Les 25 participants sont repartis, tout comme les pasteurs et les responsables laïques, encouragés à ne pas perdre l'espérance sachant que les temps ne seront pas plus faciles dans l'avenir, mais sachant également que Dieu garde les siens dans sa sûre main, les aide et les accompagne dans leur quotidien.


Que nous réserve cette nouvelle année? Année de changement en Argentine (les élections sont prévues en mai), année de changement aussi pour notre famille. Nous nous acheminons vers la fin de notre engagement de 4 ans dans ce pays. Après bien des hésitations, nous avons décidé de ne pas prolonger notre séjour. Cette décision provoque un mélange de tristesse et de joie: tristesse de quitter des amis et un pays qu'on a appris à aimer, joie de revoir famille et amis et de tourner une nouvelle page. Cette dernière année s'écoulera certainement plus vite que nous le pensons et sera à tout point de vue très intense...


La célébration d'un mariage m'attend le dernier WE de janvier. En février, nous organisons un camp de famille avec l'Eglise de Patagones. Dès mars, nos enfants reprendront le chemin de l'école. Eve ira au "sexto" (sixième), Noé au "quarto" (CM1) et Lucie au "segundo" (CE1). Avec d'autres communautés dans le cadre de l'année de la Bible, nous souhaitons organiser une expo Bible au niveau de la "Comarca" (nom donné à la communauté des deux villes de Patagones et Viedma que le fleuve sépare). Enfin, plusieurs situations familiales se sont compliquées dans l'Eglise et, avec Daniel et Néli Roger, il nous appartient d'être attentifs pour pouvoir accompagner, aider et agir dans un bon esprit. Mon engagement dans l'Eglise de Bahia Blanca s'intensifiera quelque peu cette année avec une journée supplémentaire (3 jours au lieu de 2), ce qui demandera quelques adaptations tant au niveau de l'Eglise de Patagones que de la famille. Nous nous réjouissons cependant de toutes les expériences de vie qu'il nous est permis d'avoir connaissant votre soutien et sachant que Dieu nous accompagne.


Recevez nos meilleurs "saludos" en Celui qui nous unit.


Anne , Etienne


Eve , Noé et Lucie


Source: EEMNI/The Methodist Recorder/Etienne Rudolph