Une équipe oecuménique est présente à New York pour exprimer le point de vue des Eglises sur le développement social au moment où les Nations Unies préparent Genève 2000, qui se tiendra du 26 au 30 juin dans le but d'évaluer les résultats du Sommet mondial pour le développement social tenu à Copenhague en 1995.
Les membres de l'équipe oecuménique ont suivi les débats de la récente session de la Commission du développement social des Nations Unies, et ceux de la réunion intersessions tenue du 21 au 25 février. Ils ont parlé aux représentants des gouvernements dans les couloirs et les bureaux, formulé des recommandations lorsque des documents ou initiatives des Nations Unies étaient en préparation, et fait tous les efforts possibles pour empêcher les diplomates et le monde d'oublier les plus pauvres et les plus marginalisés.
Dans le cadre d'un projet coordonné par le Bureau du Conseil oecuménique des Eglises (COE) auprès des Nations Unies et la Fédération luthérienne mondiale (FLM), les membres de l'équipe se sont rendus à New York pour assister, dans le cadre du processus amorcé par l'ONU en 1998, aux réunions organisées pour préparer la conférence Genève 2000, dite également Copenhague plus cinq. L'équipe se compose de représentants de réseaux mondiaux du COE, d'Eglises membres, de groupes d'inspiration religieuse et d'organisations partenaires.
L'intérêt manifesté par le Conseil oecuménique des Eglises à l'égard de cet effort international entrepris pour faire face aux problèmes du développement social a été exprimé à la réunion de Copenhague elle-même, lors de laquelle le secrétaire général du COE, le pasteur Konrad Raiser, a pris la parole devant l'assemblée plénière en promettant le soutien des Eglises à la «promotion des cultures de la solidarité et de la vie».
Esther Camac-Ramirez, membre de la communauté Quechua du Pérou qui dirige l'Association IXA CA VAÁ pour le développement et l'information autochtone à San José, Costa Rica, fait partie de l'équipe. Ancienne membre de l'Eglise méthodiste, elle travaille aujourd'hui dans la tradition de la spiritualité autochtone.
Les représentants d'autres organisations non gouvernementales (ONG) ont également suivi le processus de préparation de la réunion de Genève, mais Esther Camar-Ramirez a constaté, lors de son séjour à New York en février, qu'elle n'avait rencontré parmi eux aucun membre d'une communauté autochtone.
«Le Conseil oecuménique des Eglises a donné l'occasion à des gens de tous les secteurs d'exprimer notre vision ; sans lui, nous ne serions pas ici, affirme-t-elle. L'effort accompli pour garantir notre présence à des manifestations telles que celle-ci est très important. Si nous ne sommes pas là, il se peut que certains se fassent les porte-parole de nos préoccupations, mais ils ne connaissent pas la réalité de nos problèmes.»
Esther Camac-Ramirez espère qu'elle pourra transmettre des informations sur le processus des Nations Unies à d'autres membres de la communauté autochtone, stimuler la participation de cette communauté et, par la suite, voir la réunion de Genève se pencher plus sérieusement sur les besoins des autochtones.
Gail Lerner, représentante du COE auprès des Nations Unies à New York, a signalé qu'une équipe plus nombreuse se rendrait à New York pour la seconde réunion préparatoire en avril, et serait présente à Genève lorsque l'Assemblée générale des Nations Unies s'y réunira pour Copenhague plus cinq.
En choisissant les membres de l'équipe, «nous avons donné priorité au Sud, aux femmes et aux autochtones», dit Gail Lerner. Elle souligne que l'équipe est fermement fondée sur «une éthique et des valeurs communes». Comme l'a dit un membre canadien de l'équipe, l'objectif de celle-ci est de «proposer une vision éthique solide» au moment où les Nations Unies se penchent sur les problèmes du développement social. Tous les membres présents à New York logent dans le même hôtel et prennent leur petit déjeuner ensemble, ce qui leur permet de mieux se connaître et de former une équipe harmonieuse.
«Notre méthode de travail diffère de celle d'autres groupes, explique Gail Lerner. L'équipe oecuménique transmet à l'ONU les avis d'experts locaux qui, dans bien des cas, tirent leurs connaissances de l'expérience vécue.»
Les membres africains de l'équipe attirent l'attention sur les besoins particuliers de leur continent. «Cinq ans ont passé depuis Copenhague mais, quand je cherche à distinguer des signes de mise en oeuvre, je n'en vois que bien peu, pour ne pas dire presque aucun, dit Bernardino Mandlate, évêque méthodiste de Maputo, Mozambique. Ce que j'attends de Genève, c'est un engagement à agir concrètement, de telle sorte qu'au moment de Copenhague plus dix nous puissions constater les résultats de Copenhague plus cinq.»
L'évêque Mandlate affirme qu'à Genève l'équipe oecuménique montrera aux représentants des gouvernements le «visage humain» de ceux qui continuent à souffrir de la pauvreté malgré les progrès économiques dont bénéficient d'autres parties de la population mondiale.
«J'aimerais que les déclaration formulées à Genève passent du simple encouragement de l'action gouvernementale à un langage plus impératif, dit-il. J'aimerais voir des dates cibles, un processus de suivi et un engagement plus intense de la société civile.»
Dans certains cas, les membres africains de l'équipe oecuménique ont manifesté une présence que leurs propres gouvernements n'étaient pas en mesure d'assurer. Beauty Maenzanise, ministre de l'Eglise méthodiste unie du Zimbabwe, a cherché à rencontrer les représentants de son gouvernement aux réunions préparatoires de l'ONU, mais elle a constaté «qu'ils n'étaient pas là». On lui a dit que la mission du Zimbabwe auprès des Nations Unies se compose de trois personnes seulement, et qu'elle ne peut donc pas couvrir les nombreuses réunions qui ont lieu en permanence.
«J'essaie de parler avec les représentants de tous les gouvernements africains», dit-elle. «Je me félicite de votre présence ici : vous êtes nos oreilles», a affirmé l'un d'eux. Mais, bien que les membres africains de l'équipe aient fourni une précieuse contribution, B. Maenzanise estime que le fait que de nombreux gouvernements africains ne soient pas en mesure de participer concrètement au processus préparatoire a de graves conséquences. «Quand il faut que quelqu'un parle officiellement des besoins des Africains et vote sur les décisions à prendre, la présence des membres de l'équipe oecuménique en tant qu'oreilles ne suffit pas», souligne-t-elle.
Le VIH/SIDA en Afrique subsaharienne &emdash; un problème particulièrement urgent
Selon B. Maenzanise, le nombre élevé de personnes touchées par le VIH/SIDA en Afrique subsaharienne pose un problème particulièrement urgent ; les gouvernements doivent lier cette question à celle du développement économique de manière à voir la situation de l'Afrique comme un tout.
Hellen Wangusa, membre de l'Eglise anglicane à l'oeuvre à Kampala, Ouganda, coordinatrice d'un réseau qui travaille sur les questions préoccupant particulièrement les femmes africaines, espère que la réunion de Genève offrira une occasion de se pencher sur les besoins de «la base».
Elle exprime aussi l'espoir que Genève agira efficacement face au problème de l'endettement international. «Cela pourrait faciliter la discussion d'autres problèmes tels que l'ajustement structurel», dit-elle.
Albert Gyan, du Ghana, membre catholique de l'équipe, travaille actuellement à Bruxelles auprès de Kairos Europa, réseau d'institutions liées à l'Eglise qui s'occupent des problèmes des marginalisés. En sa qualité d'économiste, il exprime l'espoir que Copenhague plus cinq prêtera attention aux victimes du «modèle néolibéral» du développement économique. Selon lui, cette approche, qui laisse aux forces du marché le soin de régler les problèmes du développement et de la réponse aux besoins des pauvres, a prouvé son inefficacité. «Nous devons trouver quelque chose de nouveau, sans quoi nous ne progresserons pas», ajoute-t-il.
Il espère voir de nombreux représentants des marginalisés présents à Genève pour participer à des démonstrations comparables à celles organisées à Seattle l'automne dernier durant la réunion de l'Organisation mondiale du commerce &emdash; mais sans les confrontations et les violences de certains manifestants.
«Nous devons porter le message dans la rue, puis dans les allées du pouvoir, dit Albert Gyan. J'espère que nous parviendrons à mobiliser largement l'opinion.»
Membre européenne de l'équipe oecuménique, Nicoleta Druta, de l'Eglise orthodoxe roumaine, gagne sa vie comme architecte tout en coordonnant bénévolement une organisation oecuménique à Bucarest, «Partenaires en vue du changement». Elle aussi se montre préoccupée par «l'ajustement structurel», bien que cette notion n'ait pas le même sens pour l'Europe orientale que pour le Sud. «Les pays d'Europe de l'Est doivent restructurer leur société tout entière, ce qui implique qu'ils placent un accent particulier sur la dimension humaine», explique-t-elle.
«Les gens ne sont pas des ordinateurs dont on se borne à changer le programme», souligne-t-elle. Et, précisément pour cela, les ajustements économiques exigent une approche beaucoup plus complexe que la méthode consistant à abandonner toutes choses à l'économie de marché.»
John Langmore, directeur de la Division du développement social des Nations Unies, constate que l'équipe oecuménique a déjà montré son efficacité en sensibilisant les gouvernements au fait que des gens étaient là, qui les observaient et les écoutaient. Selon lui, un gouvernement aurait volontiers fait exclure les observateurs d'ONG tels que l'équipe oecuménique s'il en avait eu le pouvoir.
Anglican d'Australie, J. Langmore est membre de la Commission des Eglises pour les affaires internationales du COE. Il fait observer que la justice sociale, que beaucoup de ceux qui préparent la réunion de Genève espèrent voir occuper une place centrale dans les débats, a une base biblique. Elle s'oppose au «fondamentalisme économique» qui laisse le règlement de toutes choses à la discrétion du marché.
«J'espère que les Eglises, en tant qu'institutions soucieuses de l'humanité et de la justice sociale, sauront plaider en faveur de cette cause, dit-il. Il n'est pas nécessaire qu'elles abordent en profondeur les questions techniques ; ce qui importe, c'est qu'elles définissent les objectifs et les valeurs, et défendent résolument la vision.»
«Les Eglises ont là une excellente occasion de promouvoir la dimension de justice de leur foi.»
>Source: COE