COE: les Eglises s’engagent contre le VIH/SIDA

Si la question du VIH/SIDA n'a pas fait l'objet d'un séance plénière lors de la 9ème Assemblée du Conseil œcuménique des Eglises (COE), réunie à Porto Alegre du 14 au 23 février, elle n'en a pas moins été évoquée au cours de plusieurs sessions (justice économique, unité de l'Eglise etc.). Un témoignage lui a été consacré lors de la plénière sur le thème "transforme le monde, Dieu, dans ta grâce". Mais c'est dans les espaces de dialogue dépassant le cadre des seuls délégués des Eglises membres du COE que la problématique a été le plus largement traitée. Etudes bibliques matinales, entretiens œcuméniques, et surtout une quarantaine d'ateliers dans le cadre du grand forum du mutirao ont émaillé ces deux semaines de témoignages et de réflexions liés à cette pandémie.


Par Gérald Machabert (*)


Pour le Dr Sue Parry, coordinatrice régionale de l'Initiative œcuménique de lutte contre le VIH/SIDA en Afrique (EHAIA) pour l'Afrique australe, cette question aurait dû être "au cœur de la réflexion de l'Assemblée, et ne pas simplement être présente aux marges. Toutes les questions abordées sont corollaires à celle de l'épidémie du VIH/SIDA, la pauvreté, par exemple". Le prêtre anglican sud-africain, Jape Heath, fondateur de l'ANERELA - réseau africain des responsables religieux vivant avec le VIH/SIDA, qui compte 1300 membres -, a ajouté que l'unité de l'Eglise est toujours remise en cause, tant que les personnes infectées "sont stigmatisées pour des prétextes moraux et religieux".


Du tabou à l'action


Si la question a été longtemps taboue au sein des Eglises, surtout pour des raisons de morale sexuelle, la lutte concrète des Eglises dans les programmes dans la prévention auprès des populations et les soins aux malades ont largement aidé à briser les "murs de silence".


Pour Jape Heath, c'est aussi en dépassant les questions de morale sexuelle que les Eglises ont pu aborder le sujet plus sereinement: "le nombre de personnes vivant au sein des communautés chrétiennes en Afrique avec le VIH/SIDA, la diversité des situations dans lesquelles la maladie a été contractée, a poussé les Eglises à considérer que toutes ces personnes ne sont pas coupables de péché, mais victimes de contamination".


Agir dans toutes les dimensions


Par son ampleur, la mise en place de l'EHAIA constitue un moment décisif de l'engagement des Eglises dans la lutte contre la prévention et dans le traitement de la maladie. Conduite par le COE depuis 2002, cette initiative fonctionne avec cinq bureaux régionaux sur le continent africain. Chacun de ces bureaux travaille en étroite collaboration avec les personnes infectées par le virus et avec des conseillers régionaux et internationaux afin de mener des programmes qui répondent au mieux au défi que pose cette pandémie qui décime l'Afrique.


Plus de 8.000 personnes ont été formées au cours des quatre premières années de fonctionnement de ce programme et de nombreux documents ont été publiés par le COE. Ces documents abordent les questions que soulèvent l'épidémie, dans toutes leurs dimensions: médicale et sociale, théologique et éthique.


Parmi ces documents, deux approfondissent la question du VIH/SIDA sous une perspective plus spécifiquement chrétienne. Africa Praying se présente sous la forme d'un recueil liturgique pour célébrer dans la cadre de communautés frappées par le virus. Prières pour le pardon, pour l'unité de l'Eglise et contre les discriminations et prières pour la guérison de la communauté composent ce travail de fond pour un accompagnement spirituel. L'approche spirituelle est aussi la substance de Listening with love qui est un guide pratique d'accompagnement pastoral à destination des personnes engagées dans l'aumônerie auprès des malades et de leurs familles.


Travail en réseau


L'engagement des Eglises et des religions sont un élément important de la lutte contre la maladie, comme l'a rappelé, Mme Renu Chahil-Graf, représentante du programme conjoint des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA), lors d'un atelier proposé par l'Alliance œcuménique "Agir ensemble". Elle a dit que "travailler sur le terrain avec les religions est d'abord une question de crédibilité. Les religions, et les responsables religieux, ont un rôle important dans les comportements et, par conséquent, dans la prévention de la maladie".


Noemi Espinoza-Madrid, coordinatrice des partenariats pour le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), ajoutait, pour sa part: "Les Eglises sont les structures qui sont au plus près des populations. Par cette proximité, et par leur organisation en réseau, elles sont à même de répondre rapidement auprès des malades par l'aide médico-sociale".


Ces deux intervenantes, représentant deux des programmes qui travaillent dans la lutte contre le VIH/SIDA pour les Nations Unis, ont souligné l'importance de la collaboration entre leurs programmes respectifs et les organisations telles que le COE: "ensemble nous pouvons œuvrer à briser le silence. Aujourd'hui, le silence s'est déplacé vers le Nord, où la maladie n'apparaît plus dans toute son urgence. Les traitements par trithérapie ont induit l'idée que le VIH/SIDA n'est plus une maladie grave. Au Nord, la maladie progresse par un nouveau manque de prévention. Au Sud par manque de moyens. La pauvreté reste la facteur aggravant le plus important dans la propagation du virus".


22/02/2006


(*) Gérald Machabert vient de Montbéliard, France. Il est actuellement pasteur de l'Eglise Evangélique Luthérienne de France pour laquelle il est également rédacteur en chef de son mensuel L'AMI CHRETIEN.


Source: Conseil oecuménique des Eglises (COE)