L'extrémisme menace la paix en Asie du Sud, parole d'experts

L'extrémisme religieux et la menace d'une guerre nucléaire sont deux des défis les plus importants compromettant la paix en Asie du Sud, selon des experts familiers de cette région. 


"L'exclusivisme," en divisant l'humanité entre partisans et non-partisans, "sèment des graines de violence et de désaccord," a dit l'Amiral L. Ramdas, ancien responsable de la marine de l'Inde et un des nombreux orateurs en vue à un symposium qui eut lieu le 18 juillet 2002 à propos de l'Asie du Sud. 


Beaucoup de formes d'extrémismes sont à l'oeuvre dans le monde et la plupart de ces courants font usage de la violence, mais on a tendance depuis le 11 septembre de confondre pratiquement le terrorisme au terrorisme islamique ou au fondamentalisme Islamique, a-t-il dit. Il a pressé les Etats-Unis d'être "l’arbitre dans l'arène de la paix" en prenant en compte dans ses discours les faits historiques, culturels, religieux, scientifiques et écologiques, comme en résistant à la tentation d'être les gendarmes du monde.


Les groupes formés lors du symposium ont traité de la menace nucléaire, du rôle de la religion, du développement socio-économique et des relations commerciales en Asie du Sud. Environ 700 personnes ont suivi l'événement initié par l'Institut Politique pour la Religion et l'État (Policy Institute for Religion and State), un Institut de recherche dans l'éducation. Parmi les nombreux partenaires associés à cet événement figure la Commission évangélique méthodiste Église et Société et le Conseil National des Églises du Christ aux Etats-Unis.


Les tensions persistantes dans le monde rendent plus impérieux que jamais le dialogue entre groupements humains, a dit Joseph R. Pitts (R-Pa) des Etats-Unis. La situation internationale qui prévaut au lendemain du 11 septembre pose de grands défis, a-t-il noté, parce que les terroristes croient que tous les gens doivent partager leur approche du monde. Trop souvent, les gouvernements ne parviennent pas à protéger leurs ressortissants ou peuvent réagir de manière excessive aux menaces, a-t-il ajouté. Une intervention de l'extérieur peut contribuer à établir la paix. 


"La communauté internationale doit prêter attention aux droits de l'homme," a-t-il dit. "Nous devons nous prononcer contre l'injustice." Le conflit entre le Pakistan et l'Inde sur le Cachemire affecte le monde, et pas seulement les seuls habitants de ces pays, a-t-il déclaré. D'autres pays peuvent intervenir en faveur de la paix, mais l'action militaire ne résoudra pas le conflit, a-t-il bien précisé.


On peut mettre un terme aux violations des droits de l'homme, affirmait Pitts. Il a pressé les cioyens du monde entier à se documenter sur ces questions, à s'informer du sort des victimes et à faire part de leurs préoccupations à leurs gouvernements.


"Aucun de nous ne peut en faire beaucoup à lui seul," a-t-il dit. "On gagne à travailler ensemble."


Quoique la religion soit une des sources de division en Asie du Sud, toutes les grandes religions communiquent fondamentalement un message d'amour, faisait remarquer Swami Shri Adhok Shajanand Dev Teerath Ji Maharj de Puri, une des quatre chefs suprêmes de l'Hindouisme. Une minorité d'extrémistes radicaux a détourné la religion hindoue, a-t-il reconnu. 


En parlant par le biais d'un traducteur, il a dit qu'il voulait que ceux qui étaient au pouvoir cesse d'utiliser à mauvais escient la religion à des fins politiques. Beaucoup de crimes commis au nom de la religion n'ont en réalité aucun rapport avec la religion, a-t-il noté. Il a pressé les Etats-Unis et le monde entier à rejeter ces groupes prônant la violence.


Ce chef religieux ainsi que plusieurs autres orateurs ont accusé le gouvernement actuel de l'Inde de promouvoir le fanatisme et, à défaut d'y inciter, en ne faisant rien pour empêcher ni poursuivre ceux qui persécutent les groupes religieux et les autres groupes. Beaucoup d'orateurs de ce symposium ont mentionné les événements survenus récemment dans le Gujarat, un Etat dans le nord-ouest de l'Inde: des foules ont attaqué les Musulmans et leurs commerces. La police et l'armée n'ont pas mis un terme à la violence.


"L'Etat est devenu un complice" des foules qui ont tué, violé, pillé et brûlé, a dit John Dayal, un membre fondateur du Conseil Chrétien de l'Inde (All India Christian Council).


Les fondamentalistes religieux qui ont été responsables de 14 années de violence sont maintenant aux postes clefs au gouvernement de l'Inde, a-t-il dit. Les habitants ne peuvent pas compter sur l'Etat pour les protéger ou poursuivre les auteurs des crimes perpétrés contre eux, a-t-il ajouté.


"Les communautés religieuses doivent être les agents actifs du changement," déclarait Bruce C. Robertson, enseignant à l'Université Johns Hopkins et président du groupe d'études de l'Asie du Sud à l'Institut des Affaires Etrangères au Département d'Etat américain. 


Robertson est le fils de missionnaires chrétiens, il est né et a vécu en Inde avant d'entrer à l'Université. Il a encouragé les organisations non gouvernementales religieuses et féministes à s'engager encore davantage en Inde dans les domaines où le gouvernement est absent. Il a aussi cité la violence dont sont victimes les minorités religieuses comme un prétexte pour s'en prendre violemment contre les femmes et contre le groupe que l'on avait autrefois qualifié d'Intouchables.


"Les communautés religieuses ne peuvent pas se permettre de protester seulement contre la violence dirigée contre leur propre groupe," a conclu Robertson. "Ils gagneront en crédibilité et en assurance, s'ils se prononcent contre toute violence et continuent à risquer le tout pour le tout à venir en aide aux autres minorités attaquées."


Lisa McKean, anthropologue social qui a écrit un livre sur le Mouvement Nationaliste hindou de l'Inde, a averti que les militants hindous étaient en réalité un groupe minoritaire tout en prétendant représenter la majorité et défendre la suprématie hindoue. Ils promeuvent la haine contre les chrétiens et les Musulmans et veulent purger l'Inde de tous les non-Hindous, a-t-elle dit.


K.P. Singh, qui est enseignant à l'Université de Washington à Seattle et qui était né Dalit, de la caste des Intouchables, en Inde, a dit que les Dalit subissaient une grande discrimination à cause de ce qui ils étaient. A ses yeux, ce sont les missionnaires qui ont défié le système des castes en Inde. Le système a été supprimé, mais les dispositions de cette loi n'ont pas été traduites dans la réalité.


Depuis l'indépendance de l'Inde en 1947, environ 3 millions de femmes Dalit ont été violées et 1 million de Dalits ont été tués, affirme-t-il. Il a recommandé la création d'une commission réconciliation & vérité comme en Afrique du Sud. 


Les orateurs de ce symposium ont passé un temps considérable à discuter de la menace de guerre nucléaire en Asie du Sud et un grand nombre d'entre eux ont noté la nécessité pour les Etats de recourir aux ressorts de la diplomatie pour prévenir une telle catastrophe.


"Les Etats-Unis doivent s'impliquer diplomatiquement avec force" en Asie du Sud, qui passe par des temps difficiles, a dit le sénateur américain Sam Brownback d'Etats-Unis (R-Kan)., un évangélique méthodiste, membre de la commission du Sénat chargé des relations avec l'étranger. "Ce que nous ferons et la manière dont nous le ferons sera très important."



"Le recours à des armes nucléaires en Asie du Sud constitue un acte de destruction massive et de génocide contre des populations civiles innocentes," avertit Nayyer Ali, médecin qui est aussi le directeur du Conseil des Affaires Américaines au Pakistan et membre du Conseil des Affaires Publiques Musulmanes.


Il a estimé qu'en raison de la forte densité de population dans les villes asiatiques, une simple attaque nucléaire dans n'importe quelle ville principale du Pakistan ou de l'Inde tuerait des centaines de milliers des gens et en blesserait bien davantage encore.


Le brigadier Feroz Hassan Kahn, ancien sous-directeur de la division de plans stratégiques de l'Armée du Pakistan et maintenant membre de la Brookings Institution, a déclaré que la stabilité du monde était en jeu avec la menace nucléaire en Asie du Sud. La conduite des gouvernements concernés sur ces questions nucléaires et militaires doit être examinée sérieusement, de même qu'il faut prévenir tout accident ou le vol d'armements nucléaires, a-t-il dit. 


Douglas Shaw de l'Institut sur la Religion et la Politique Publique qualifie lui aussi de menace à la paix du monde les armes nucléaires; "ils sont un problème parce qu'ils mélangent la faillibilité humaine avec la technologie la plus impitoyable jamais inventée.


"Il est difficile de mettre en place une force de dissuasion stable et de garantir la sécurité," a-t-il dit. Les armes nucléaires "sont en soi dangereuses." Rien ne les rendra inoffensives, a-t-il insisté.


"La priorité des priorités en matière de sécurité pour le monde civilisé consiste à empêcher les terroristes à acquérir des armes nucléaires," a dit Shaw. "En fin de compte, il faut souhaiter le désarmement nucléaire, non pas parce que c'est possible, mais parce que la conservation permanente d'armes nucléaires est en fin de compte incompatible avec la survie humaine," a-t-il dit. "Les arsenaux nucléaires - et chaque armement qui y sont présents - et chaque année nous en conservons - constituent une prise de risque épouvantable pour des raisons que l'on doit être prêt à remettre en cause continuellement."


Jonathan Glenn Granoff, président du Global Security Institute, a décrit les trois actions que les Etats-Unis pourraient entreprendre pour réduire la menace: s’engager à ne jamais avoir recours les premiers aux armes nucléaires; dénucléariser les têtes nucléaires pour réduire le risque d'un accident et contrôler strictement tout produit à fission; et tenir compte de l'impératif moral, "Il est impossible de défendre moralement les armes nucléaires."


Son souci: qu'on demande aux leaders américains de s'engager pour un monde sans armes nucléaires.


Plusieurs orateurs ont dit que le développement des échanges commerciaux pourrait contribuer à la réduction des conflits présents ou à y mettre un terme en Asie du Sud. Gautam Adhikari, consultant à l'Asian Center for Democratic Governance, a signalé que la région était une des quelques régions au monde à ne pas être à ce jour au bénéfice d’un accord de libre-échange. Il a exprimé sa conviction qu'une société de libre échange pourrait concourir à la stabilisation des relations entre ces nations-là.


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Le 23 juillet 2002


Source: Service de presse évangélique méthodiste (UMNS)