Voici le credo du président macédonien Boris Trajkovski: "je n'admettrai pas que la haine ethnique, le chauvinisme et l'intolérance sapent la stabilité de notre Etat." Et pourtant ces derniers jours passés n’ont pas été marqués par la réconciliation politique. Les partisans albanais sur les hauteurs de Tetovo seront neutralisés "et éliminés", souligne Trajkovski à chaque occasion.
A ses yeux, il n’est pas question d’ouvrir des négociations avec les insurgés. D'un autre côté, Trajkovski, en tant que commandant en chef de l'armée, doit veiller à ce que les forces armées tempèrent leurs réactions à la mort de leurs soldats macédoniens.
Jusqu'à maintenant, les hommes politiques albanais modérés partagent sa position, bien que les rebelles jouissent de la sympathie auprès de la population. Le pouvoir de Trajkovski se fonde là-dessus.
Les Albanais l'ont placé à ce poste. Après le premier tour des élections présidentielles en novembre 1999, Boris Trajkovski avait obtenu justement 20 % des voix; son plus grand rival, le socialiste Tito Petovski, a réuni un tiers des électeurs macédoniens autour de sa personne.
Dans le vote avec son parti conservateur, en partie nationaliste du VMRO-DPMNE, Trajkovski proposait aux représentants de la grande minorité albanaise en Macédoine, d’avoir davantage voix au chapitre; il a été élu président au deuxième tour de scrutin à l'aide de la population albanaise et à son appel.
Les socialistes de l'opposition ne lui ont longtemps pas pardonné sa "trahison". A leurs yeux, les concessions du président aux citoyens albanais vont trop loin. Et pourtant en raison du danger de guerre, ils se rallient à Trajkovski, représentant de leur adversaire politique détesté. Aussi est-ce une indication de sa capacité d'intégration.
A côté du pragmatisme qui lui est propre, Trajkovski a encore une autre qualité, sa propension à la réconciliation: comme méthodiste, il n'appartient pas à la communauté musulmane ni à l'Eglise Orthodoxe.
Le juriste Trajkovski, père de deux enfants, dirigeait la commission de politique extérieure de son parti dans les années 90. Le macédonien a d'abord gagné sa vie dans l’économie et à partir de 1997 en travaillant comme chef de cabinet d'un maire à Skopje. Il a entretenu en parallèle des relations étroites avec des pays de l’Union Européenne et les Etats-Unis à travers différentes organisations. Après avoir gagné les élections législatives en 1998 avec les conservateurs, Ljubco Georgievski a nommé Trajkovski au poste de vice-ministre des affaires étrangères et d'expert en matière de politique extérieure.
Trajkovski n’est pas devenu un phénomène politique de premier ordre. Point d’emphase dans ses discours. Il a gagné ses galons politiques pendant la guerre du Kosovo en 1999, où il a été chargé de résoudre la crise des réfugiés. Ce faisant, cela ne l’a pas empêché de critiquer la politique de l'occident, ... , tout en travaillant à faire accepter par la population la présence très controversée des troupes de l’Otan dans le pays. Dans l’automne qui a suivi, il se portait candidat.
Georgievski (34 ans) et Trajkovski (44 ans, qui sont tous deux de jeunes politiciens, reconnaissent unanimement que la Macédoine n’a d’avenir qu’en étant en liaison avec l'occident. Ils veulent intégrer l'Union Européenne et l’OTAN. Ils sont au clair que seule la démocratisation complète - les Albanais sont encore sous-présentées en politique - et la libéralisation des marchés pourraient servir ce dessein.
Mais en même temps la transformation du système socialiste est un problème encore non résolu. L'économie de la Macédoine boite et ne fonctionne qu’avec l'aide de l'ouest. 20 % des citoyens macédoniens vivent au-dessous du seuil de pauvreté - et parmi eux, malheureusement, plus de Macédoniens que d'Albanais qui traditionnellement réussissent mieux que les autres dans leurs petites affaires.
Ainsi s’effrite la base politique du modérateur Trajkovski en route vers l'occident.
26.03.2001
Source: Stuttgarter Zeitung - Dieter Fuchs