Dans une longue lettre adressée à ses Eglises soeurs protestantes, l'«Union des Eglises Protestantes d'Italie» (FCEI) avait déjà fait connaître dès le mois de mai passé sa décision de ne pas prendre part aux fetivités de l'an 2000 organisées par l'Eglise Catholique Romaine. Il ressort de la lettre que cette prise de position est le résultat d'un processus douloureux. Car malgré des années de collaboration, qui devenaient depuis peu très intensive et fructueuse, malgré de multiples discussions à propos d'une célébration ouverte et oecuménique de cette fête, les Catholiques se sont appropriés pratiquement ces festivités. La FCEI se dit préoccupée en particulier par la nouvelle publication d'«indulgences». «Nous ne pouvons pas cacher notre embarras devant la nature des festivités prévues», écrivait le Conseil de l'Union des Eglises Protestantes d'Italie. Dans sa Bulle de novembre 1998, le pape Jean Paul II diffusait une théologie que les Réformateurs avaient déjà combattue et que les Eglises protestantes croyaient définitivement disparue du dialogue oecuménique. La Bulle est accompagnée d'un décret, où il est question d'intercessions en faveur des défunts, de pieux pélerinages en des lieux de pélerinage catholiques romains et de l'obtention d'une totale indulgence par de bonnes oeuvres; Dans ce texte, il est aussi suggéré de nouveau de faire des dons en espèces comme condition préalable possible pour obtenir un plein pardon. Certes, le décret comprend aussi des indications positives, entre autres choses, il est fait référence au caractère oecuménique des célébrations de l'an 2000, à l'évocation commune des martyrs chrétiens comme à l'engagement commun en faveur des personnes défavorisées de ce monde. Mais ces sujets-là ne revêtent dans l'écrit de l'Eglise romaine qu'une signification secondaire. La FCEI rappelle aussi que l'on discute âprement au sein de l'Eglise catholique Romaine la forme que doivent prendre les célébrations de l'an 2000. La presse catholique se montre divisée et bien des Evêques se sont dressés contre la commercialisation de l'Année Sainte comme contre la déclaration sur les Indulgences.
Les Eglises Suisses Luthériennes et Réformées en Italie ont émis des positions semblables à la FCEI. Les Luthériens réagissent très fort au rapprochement effectué entre une théologie des Indulgences et une théologie de la Justification, d'autant plus que d'ici fin octobre une déclaration commune entre la Fédération mondiale luthérienne et le Vatican doit être ratifiée sur ce sujet. Au Synode des Vaudois et des Méthodistes à la fin du mois d'août, les tensions semblaient baisser. L'Archevêque Giuseppe Chiaretti de Perugia, invité officiel comme représentant de l'Eglise Catholique Romaine, avait souligné dans son intervention les progrès accomplis dans le mouvement oecuménique italien, mais il a aussi évoqué des problèmes en suspens: «Le Jubilé de l'an 2000 risque de devenir un point d'ombre au lieu d'être un moment de grâce», ainsi s'exprimait Chiaretti. Et il ajoutait ceci compte-tenu l'attitude critique des Protestants italiens: «Aidez-nous à trouver et à vivre les fondements bibliques à cette 'Fête des Fêtes'; Tel élément ou tel autre pourrait peut-être aussi contribuer à notre édification». Sur le thème de l'indulgence, l'Archevêque a exhorté les Protestants à prendre au sérieux le chemin emprunté par l'Eglise catholique et sa pratique de la repentance totalement repensée. Entre temps le Vatican publiait les règles qui prévaudront en matière d'indulgences; selon les directives les plus récentes du pape Jean Paul II, il apparaît que les gens peuvent faire pénitence par de simples actions, s'ils combinent par exemple confession, eucharistie et abstinence, qu'ils s'abstiennent pendant un jour (par exemple) de fumer, s'ils font le signe de la croix au moindre juron de leur semblables; qu'ils attirent l'attention sur leur foi en priant publiquement, en faisant des pélerinages ou faisant des dons. Lors de la présentation des nouvelles règles relatives aux indugences dans la Salle de Presse du Vatican le 17 septembre dernier, le porte-parole officiel, le canonicien, Dario Rezza, estimait que la dérive des Indulgences, qui avait entraîné la protestation d'un Luther au 16e siècle était depuis longtemps surmontée: «A présent, les Eglises issues de la Réforme sont en mesure de comprendre le bien-fondé des Indulgences». Entre temps, cette position a été reprise également dans une brochure sur les Indulgences rédigée par le Secrétaire de la Conférence des Evêques Suisse (SBK), le Père Roland Trauffer. Tandis qu'en Suisse presque personne ne semble en avoir pris connaissance, les protestants italiens ont réagi très vigoureusement contre cet «affront», cette «ignorance» par rapport à la Réforme. D'après les déclarations les plus récentes du Vatican, les indulgences sont toujours encore comprises de façon contradictoire -d'un côté, c'est tout juste une aide psychologique pour permettre à l'homme de vaincre son sentiment de culpabilité, d'un autre côté, les indulgences se présentent comme le chemin incontournable pour permettre à l'âme de s'unir avec son Dieu. ... Du coup les protestants italiens sont toujours plus nombreux à penser que la seule chose nouvelle dans «cette compréhension moderne des Indulgences» dans l'Eglise Catholique, «c'est le fait que cette pratique que l'on croyait morte depuis longtemps connaît un nouvel élan et pourrait acquérir une place centrale...!»
>Source: Reformierter Pressedienst, Pasteur Urs Jaeger, Lugano