«Honour Kyoto!» Voilà ce qu'on pouvait lire sur le badge que Bonnie Wright du Zimbabwe portait épinglé sur sa veste. Pour elle comme pour les autres membres de la délégation du Conseil Oecuménique des Eglises (COE) à la Conférence sur le climat (Sixième Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, 2e partie - COP 2), tenue du 16 au 27 juillet à Bonn, ce mot d'ordre résumait parfaitement la situation. Ce qu'ils redoutaient par-dessus tout était la faillite complète du Protocole de Kyoto après la décision du président Bush de se retirer de l'accord. La Conférence de Bonn faisait suite à celle tenue à La Haye en novembre dernier.
Le document adopté en 1997 par les parties au Sommet de Kyoto sur le climat énonçait, pour la première fois, des dispositions et des objectifs contraignants concernant la réduction des émissions de gaz carbonique par les Etats industrialisés. A ce jour, toutefois, aucune des grandes nations industrielles n'a consenti à se sentir liée par ces obligations ; en effet 84 Etats ont signé le Protocole mais seuls 37, surtout des pays en développement, l'ont ratifié.
Comme toutes les autres organisations non gouvernementales à Bonn, le COE représenté par une délégation de cinq personnes d'Argentine, des Pays-Bas, des Etats-Unis, de Russie et du Zimbabwe, n'a pas été admis aux débats officiels. C'est par leurs contacts avec les délégués des gouvernements dans les couloirs de la réunion que les membres de la délégation ont pu se tenir au courant des discussions en cours et faire valoir la position du COE.
Les négociations sur la proposition de compromis avancée par le président du COP, Jan Pronk, ont atteint un point critique dimanche soir. La tension se lisait sur tous les visages. Pourtant, Michael Grubb, représentant l'Union européenne, a trouvé le temps de s'entretenir longuement avec la délégation du COE. M. Grubb, qui est un scientifique, a consacré un ouvrage au Protocole de Kyoto (The Kyoto Protocol: A guide and assessment), que Larissa Skuratovskaya, membre russe de la délégation du COE, a réussi à faire traduire dans sa langue natale. Elle est même parvenue à persuader l'ambassadeur d'Argentine Raul Estrada-Oyuela, médiateur important des conférences sur le climat, d'en rédiger la préface. Malgré l'atmosphère très tendue dimanche soir, M. Estrada a profité d'une pause dans les négociations pour venir se faire remettre un exemplaire de l'ouvrage en russe par Mme Skuratovskaya.
Le lundi 23 juillet, les événements se sont précipités. Le matin, les délégués du COE se sont réunis. Ils savaient que les représentants des gouvernements avaient passé deux nuits à débattre du document Pronk et qu'une décision serait prise dans la journée. Ils craignaient que le compromis proposé et, par conséquent le Protocole de Kyoto, échouent. A midi, lorsque les représentants des gouvernements ont fini par approuver le compromis, tout le monde s'est senti soulagé d'un grand poids. «Je suis vraiment heureux de cette décision», a déclaré l'Argentin chef de la délégation, Elias Abramides. «Compte tenu des circonstances, c'est ce qu'on pouvait espérer de mieux. La ratification du Protocole de Kyoto reste du domaine du possible.»
Mme Wright affichait pour sa part plus de scepticisme : «Je pense aux pays en développement. Je sais qu'ils ont dû faire de nombreuses concessions. Ce compromis est une victoire politique mais l'environnement n'y gagnera pas grand chose. Pour l'Afrique, il aurait été bon que les Etats-Unis y participent. C'est le plus grand émetteur de CO2 au monde et sa contribution au fonds destiné aux pays en développement serait très importante.» Mais elle se déclarait déjà très heureuse de voir les efforts internationaux en faveur de la protection du climat se poursuive, même sans les Etats-Unis.
C'est donc de tout son coeur qu'elle a félicité Jan Pronk pour son travail lorsqu'elle l'a rencontré le lendemain à une soirée. «Restez sur le qui-vive!» lui a-t-il répondu. Car les difficultés étaient loin d'être toutes balayées et l'euphorie est bien vite retombée. Bien que les ministres de l'environnement aient donné le feu vert au document Pronk le lundi, il n'a été adopté officiellement par les délégués que deux jours plus tard, après de longues négociations avec la Russie qui, à la fin, renâclait à donner son adhésion sans conditions.
A plusieurs reprises, les délégués du COE ont eu le sentiment que le COP6 2e partie n'avait pas pour seul objet la protection du climat. «Tout compte fait, ça n'est jamais qu'une question d'argent», a déclaré Mme Wright. Pour Elias Abramides, le COE a une tâche importante à accomplir dans ce domaine: «Nous ne devons jamais cesser de parler d'éthique, de justice et d'amour.» «Si nous ne parlions pas sans arrêt de justice dans ces négociations, je ne sais pas qui le ferait à notre place», a ajouté Larissa Skuratovskaya.
William Somplatsky-Jarman, des Etats-Unis et délégué du COE, estime qu'il faut souligner le bon côté de l'accord de Bonn. «Le président Bush dira certainement qu'il ne vaut rien. Alors il nous faut expliquer aux gens ce qu'il leur apporte et en quoi il est utile et important. Le fait, par exemple, qu'on ne puisse pas recourir à l'énergie nucléaire pour réduire les émissions de CO2 est un immense pas en avant», a-t-il déclaré. Pour M. Somplatsky-Jarman, le vrai travail va commencer après Bonn. «Il est très important qu'en tant que COE nous restions impliqués dans la démarche. Les Eglises doivent maintenant mettre tout en oeuvre pour que le Protocole de Kyoto soit traduit dans les faits», a-t-il ajouté. Le mot d'ordre «Honour Kyoto!» s'adresse à elles aussi.
31 juillet 2001
Source: Conseil Oecuménique des Eglises